Williams FW15C
Lorsque la voiture la plus technologique de l’histoire rencontre le professeur Prost, le résultat ne peut qu' être à la hauteur des espérances… Voici la Williams FW15C.
Après une saison 1992 quasi parfaite, Williams compte bien poursuivre et asseoir encore plus sa domination sur la Formule 1. La FW14B était déjà révolutionnaire, la FW15C n’en sera que meilleure. A noter qu’il s’agit de la déclinaison “C” de la FW15, monoplace qui aurait déjà dû courir l’année passéee. Comme sa devancière, elle accueille sous sa carrosserie bleue, blanche et jaune, le fameux V10 Renault, poussé à 780 chevaux pour l’occasion. L’aérodynamique évolue quelque peu avec un nez plus fin et des pontons bien plus travaillés dans leur partie basse. Mais ce qui fait la particularité de cette FW15C, ce sont ses aides au pilotage, bien trop nombreuses pour la concurrence. ABS, contrôle de traction, boîte semi-automatique, suspensions pilotées, direction assistée, accélérateur électronique, télémétrie, de quoi transformer la voiture en petit “Airbus” selon les dires d’Alain Prost, fraîchement recruté par l’écurie de Didcot. Un retour qui n’aura pas fait l’unanimité auprès des dirigeants du sport, notamment Ecclestone et Mosley, à cause de mots légèrement salés à l’encontre des deux hommes de la part du français lors d’une interview. Les deux anglais n’hésiteront d’ailleurs pas à la menacer de lui retirer sa superlicence si ces palabres n’étaient pas rapidement excusés par le principal intéressé, qui finira par camper sur ses positions. Pour accompagner le triple champion, Patrick Head choisit Damon Hill, pourtant capé de seulement deux départs en Formule 1. La paire Prost-Senna ne sera pas rééditée, le Pauliste semblant lui aussi tenté par une année sabbatique ou aux Etats-Unis le temps de trouver un matériel plus compétitif. Enfin, pour la première fois depuis 1973, le numéro zéro sera de retour sur la grille de départ, le numéro “1” de champion étant parti outre-Atlantique dans les valises de Mansell…
Mais à quelques jours du début de la saison, personne ne sait si l’écurie anglaise sera alignée en cette année 1993. En effet, il s’avère que Frank Williams n’a pas envoyé à temps sa demande d’inscription à la FISA de Mosley, qui ne l’a donc pas inclus parmi les constructeurs présents. Pourtant, Williams a bel et bien fourni l’attestation mais à la FOCA qui, cette fois-ci, ne l’a pas transmis à l’autre organisme. Ceci est un coup lancé par Ecclestone, rejoint par Briatore, pour contrer le clan anglais et imposer un changement drastique dans les règles de 1994, notamment avec la suppression de toutes les aides au pilotage, au grand dam des Williams. Il est vrai que niveau budget, ces atouts pèsent lourd dans la balance. Senna, qui a testé une Indycar durant l’intersaison, est convaincu que ce changement doit arriver, lui qui à redécouvert le pilotage à l’ancienne aux US. Le brésilien qui ne manquera pas de secouer le petit monde de la F1 lorsqu’il annoncera ne signer que pour une seule course à la fois, au cas où il voudrait partir en cours de route… En arrivant à Kyalami pour la première des seize épreuves du championnat, le doute subsiste quant à la participation des anglaises. Elles seront bien heureusement là, prêtes à en découdre, une fois encore. Pour son grand retour, Prost s’offre la pole position, deux secondes devant son équipier Hill quatrième, mais seulement 88 millièmes devant son éternel rival Senna, pourtant largement défavorisé avec son V8 Ford client. Cependant, au départ, le français manque son envol, ce qui profite au brésilien, ainsi qu’à Schumacher et Hill. Dans le troisième virage, le pilote de la numéro “0” perd soudainement sa FW15C, effectuant un spectaculaire tête-à-queue au milieu du peloton. Il parviendra à repartir mais quelques tours plus tard, Zanardi tente une manœuvre un peu trop osée sur l’anglais. Les deux monoplaces s’accrochent et échouent dans les graviers. C’est l’abandon pour Hill. Devant, Prost devient de plus en plus menaçant face à Schumacher et Senna et pour cause, ses pneus tiennent bien mieux que ses rivaux. Sans vraies difficultés, il efface son mauvais départ pour reprendre la tête et ne plus jamais la quitter. La pluie tombant dans le dernier tour ne parviendra pas à le déloger, Alain Prost est bel et bien de retour à son plus haut niveau. Autre bonne nouvelle, aucune sanction à son encontre ne sera prononcée suite à l’interview virulente concernant la gestion de la F1. La deuxième manche se tient à Sao Paulo, lieu de culte pour tous les brésiliens venus encourager Magic Senna. Ils seront rapidement désenchantés après la superbe performance des Williams Renault, dominant avec une facilité déconcertante les qualifications, Prost devant Hill. La suspension active fait des merveilles mais c’est bien le dimanche que les points sont attribués. C’est bien ce qui fera défaut au français ce jour-là. Alors que le soleil est bien présent lors du départ, de gros nuages finissent par s’amonceler autour de la mégalopole sud-américaine. En quelques secondes, des litres d’eau envahissent la piste, créant un carnage monstrueux. Prost, qui pensait avoir compris que son stand était occupé, se lance alors dans un nouveau tour, en slick, sur une piste littéralement inondée. Erreur. Dans le premier virage, sa FW15C part en aquaplanning, percutant la Minardi de Fittipaldi avant de s’enfoncer dans le bac à graviers. La voiture de sécurité est déployée et c’est désormais Hill qui mène les débats. Pour la première fois de l’histoire, toutes les monoplaces sont regroupées pour un départ lancé. L’anglais garde la tête mais en quelques minutes, l’averse n’est plus qu’un lointain souvenir et une trajectoire sèche se dessine rapidement. Senna est plus prompt à chausser les slicks et malgré un arrêt plus rapide qui lui permet de repartir devant, Hill ne peut résister. Il laisse alors filer le pauliste qui s’offre une magnifique victoire chez les siens, le pilote Williams rescapé se contentant d'accrocher son premier podium en Formule 1 devant Schumacher. La lutte pour le championnat pourrait finalement s’avérer plus passionnante que prévu si Senna se mêle déjà à la lutte. Réponse en Europe…
Kyalami (1993)
Interlagos (1993)
Donington (1993)
Kyalami (1993)
Quoi de mieux que de débuter sur le vieux continent avec le grand-prix d’Europe à Donington. C’est la seule fois que ce tracé so british accueillera la Formule 1 et pour cause, il est étroit, compliquant largement la tâche pour dépasser. Pour ne rien arranger, la pluie est encore une fois de la partie, tombant quasiment sans cesse tout le long du week-end. Les qualifications seront pourtant épargnées, profitant aux Williams qui bloquent encore la première ligne. Mais le dimanche, c’est jour de giboulées, même si le mois de Mars est déjà écoulé. A l’extinction des feux, les machines anglaises prennent les devants mais c’était sans compter sur l’as de la pluie, Ayrton Senna. En un seul tour, il passe de la cinquième à la première place, imprimant un rythme démentiel. Derrière, les FW15C prennent l’eau mais surtout, elles s’engagent dans une longue course ponctuée par des passages incessants aux stands car en piste, la pluie joue avec le soleil, obligeant les pilotes à constamment juger le niveau de grip. Pour Prost, ce sera sept arrêts et un calage, six pour Hill. Sans l’abandon de Barrichello dans le dernier tour, le français n’aurait même pas pu grimper sur la troisième marche derrière son équipier, le seul à ne pas être à un tour du leader. La tendance doit immédiatement se renverser à Imola car déjà, la presse critique vivement le revenant Prost. Il commencera par apaiser les critiques en signant une quatrième pole position en autant de grand-prix mais comme trop souvent au départ, le voilà redescendu au classement. Sur une piste légèrement humide, le français talonne Hill et Senna avant de les surprendre tous deux pour le leadership, qu’il ne lâchera pas. Au premier tiers de course, alors que les slicks sont chaussés, le pilote de la numéro “0” perd sa monture qui vient plonger dans le sable de Tosa. Quelques tours plus tard, c’est la McLaren du triple champion qui s’immobilise, offrant à Prost une opportunité rêvée pour se rapprocher au championnat. Sur le circuit de Barcelona-Catalunya, les bosses offrent un réel avantage aux monoplaces équipées de suspensions actives, dont la Williams. Rien d’étonnant à ce que les deux FW15C dominent encore le peloton, collant près de deux secondes à la concurrence. De nouveau en pole, le français perd cependant le commandement dans la grande ligne droite principale, du moins, sur hill uniquement. Les deux machines anglaises filent à toute allure et personne ne peut les suivre, ce qui ne les empêchent pas de se battre entre eux. La lutte tournera finalement bien court avec une seule tentative de dépassement de Prost, récupérant facilement la tête grâce à l’aspiration. Durant de nombreux tours, les Williams restent blotties l’une derrière l’autre mais au quarante-et-unième tour, le V10 Renault de Hill rend l’âme. C’est donc tout seul que le triple champion français franchit la ligne, loin, très loin devant Senna et Schumacher qui complètent le podium. C’est d’ailleurs la seule fois de l’histoire que ces trois champions partagent le champagne des vainqueurs, trois hommes qui représentent à eux seuls quatorze titres de Formule 1. La sixième manche de l’année se tient dans les rues de la principauté de Monaco, lieu sacré pour Senna, invaincu depuis 1989. Une fois n’est pas coutume, c’est le “Professeur” qui réalise le meilleur temps des essais qualificatifs, ce qui ne l’empêchera pas d’à nouveau manquer son départ même si cette fois-ci, c’est un départ volé qui est sanctionné. Avec une pénalité de dix secondes et de gros problèmes pour démarrer, sa course vers la victoire est d'ores et déjà compromise. Les espoirs des anglais reposent alors sur Hill, pourtant largement distancé par Schumacher et Senna. Après l’abandon de l’anglais, le brésilien part pour un cavalier seul, ne laissant aucune chance à quiconque voudrait le défier sur son terrain favori. Résultat, il l’emporte pour la sixième fois avec près de cinquante secondes d’avance sur la FW15C de Hill, retardée par un accrochage en fin de course avec Berger. Pour Prost, son calvaire s’achève au quatrième rang, une place inespérée après les soucis du début de grand-prix. A l’heure actuelle, Senna mène le championnat de cinq points sur son rival français dans une voiture nettement moins performante, de quoi faire grincer certaines dents…
Avant de faire le voyage jusqu’au Canada, de nombreux journaux relatent les maladresses et autres déboires de Williams, pourtant armée du meilleur matériel possible mais derrière ces problèmes récurrents se cachent de réels soucis avec la FW15C. Les suspensions sont les principales incriminées, ainsi que l’embrayage, pénalisant fortement les pilotes au départ. Devant toutes ces critiques, Prost paraît plus fébrile, limitant au maximum ses interviews. Le forézien serait même en train d’étudier une sortie définitive du job de pilote professionnel. Le circuit Gilles Villeneuve devrait convenir à merveille aux Williams mais attention aux puissantes Benetton, en force depuis l’entame de saison. Les habitudes ne changent pas puisque c’est une première ligne 100% écurie de Didcot qui ouvre le grand-prix, Prost en tête. A l’extinction des feux, les deux monoplaces échangent leurs positions mais au bout de quatre tours, l’ordre est rétabli. La traction et l’usure des gommes est excellente mais une fois encore, un pépin viendra semer la zizanie dans le clan anglais. Alors qu’ils attendaient le français pour ravitailler, les mécaniciens Williams ont la mauvaise surprise de rencontrer Hill ! Le temps de trouver les bons pneus et de rajouter le carburant, Senna et Schumacher sont déjà bien devant. Par chance, la McLaren MP4/8 est trahie par son V8 à deux tours du but, permettant à l’anglais de retrouver le top 3, à presque une minute de son équipier. A Magny-Cours, Renault apporte une nouvelle évolution, moteur ce qui aura pour conséquence d’amplifier l’écart entre les Williams et la concurrence. Pour la première fois de l’année, c’est Hill qui devance son équipier sur la grille. c'est d’ailleurs la dix-septième pole consécutive pour Williams qui égale le record établi par McLaren quelques années plus tôt. La course n’est qu’une parade des deux anglaises jusqu’aux ravitaillements. Bloqué par des retardataires, l’anglais perd finalement le bénéfice de sa meilleure qualification, se retrouvant désormais coincé derrière son leader. Malgré l’absence de consignes, il n’y aura aucun dépassement d’ici la fin du grand-prix. C’est le premier doublé de l’équipe qui, pourtant, était annoncée comme la force numéro un du championnat. Dans un climat toujours tendu entre la FISA, les pros et les anti électronique, Williams compte bien s’imposer à domicile, tout comme Hill, pas vraiment épargné jusqu’ici. Pour son coéquipier et leader du championnat, c’est une cinquantième victoire qui se profile, un bel exploit en somme qu’il va falloir chercher avec panache. Chose faite avec une nouvelle pole position, de justesse devant l’autre FW15C, et encore très loin devant les plus proches rivales que sont les Benetton-Ford. La même scène se répète au lancement de la course avec un anglais qui part mieux que le poleman, le semant même très facilement. Dans les premiers tours, une fantastique bataille oppose Senna à Prost et Schumacher. Les tentatives de dépassements se succèdent mais à chaque reprise, le brésilien ferme les portes. Finalement, c’est à Stowe que l’opportunité sera saisie. Tout semble joué car avec un espace de plus de vingt secondes entre les anglaises, rien ni personne ne pourrait combler un tel écart, sauf peut-être la reine mécanique. Pour la seconde fois de l’année, Hill est trahi par son V10 français au contraire du triple champion français qui file vers un nouveau record dans la discipline. Personne ne pensait les atteindre un jour, Prost l’a fait. Le voilà auréolé de cinquante succès en F1, un mythe. Mais sera-t-il encore de la partie l’an prochain ? Rien n’est moins sûr. Sur l’ultrarapide tracé d’Hockenheim, les moteurs sont débridés mais personne ne peut surprendre le duo Williams-Renault, toujours en première ligne. L’éternel recommencement mène à un remake total de la course anglaise : Hill en tête, Hill distance Prost, Hill va gagner, Hill abandonne, Prost gagne. Les péripéties se succèdent pour le fils de Graham, toujours plus cruelles les unes que les autres. Là, c’est dans l’avant-dernier tour que tout se décide avec la crevaison de son pneu arrière gauche, suivi d’un tête-à-queue en rentrant aux stands. Décidément, cet anglais est maudit. Le français amasse donc une quatrième victoire de suite, sa cinquante-et-unième en carrière, toujours plus dans l’histoire et ce, malgré une bête pénalité reçue au premier tour pour avoir court-circuité la deuxième chicane. Après dix rendez-vous, Prost possède vingt-sept points d’avance sur Senna, quarante-neuf sur Hill, quatrième. Si rien n’est figé avant la fin, le parfum d’un quatrième sacre se fait de plus en plus ressentir. Pour ce qui est du tableau des constructeurs, rien d’étonnant. Williams est incontestablement leader et, sauf hécatombe, l’écurie de Didcot devrait sans problèmes rafler la mise.
Barcelone (1993)
Montréal (1993)
Hockenheim (1993)
Barcelone (1993)
Avant d’entamer la dernière ligne droite du championnat, la FIA publie les principales lignes de la réglementation 1994. Sans surprises, l’électronique est drastiquement diminué. Ainsi, les suspensions actives et autres ABS seront purement supprimés alors que les ravitaillements en essence feront leur grand retour. Ces changements ne sont pas sans énerver Williams et McLaren, les deux teams qui poussaient encore au maintien de ses aides, jugées trop chères et trop importantes sur le pilotage. C’est donc dans une atmosphère tendue que se rend le petit monde de la Formule 1 en terres hongroises. Sur le Hungaroring, l’appui doit être maximal. Ainsi, toutes les monoplaces, y compris les FW15C, s’affichent avec de multiples ailettes sur l’aile arrière. Le duel en qualifications tourne encore en la faveur de Prost, pourtant moins à l’aise que son équipier. Après avoir longuement travaillé sur les départs, le Forézien espère franchir le premier virage en tête. Hélas, il ne passera même pas celui du tour de formation, moteur calé. C’est donc de la dernière place qu’il s’élancera, de quoi sérieusement annihiler ses chances de cinquième victoire de rang. Sans adversaire à sa portée, Hill vit un rêve éveillé mais attention de ne pas crier victoire trop vite. Fort heureusement, son chat noir ne se réveilla pas et après seulement treize grands-prix, le voilà vainqueur. La chance tourne enfin à son avantage, d’autant plus que ni Prost, ni Senna n’inscrivent de points. Avec un moral gonflé à bloc, le voilà prêt à en découdre à Spa-Francorchamps, un tracé qui devrait particulièrement réussir aux véloces FW15C. Comme à l'accoutumée, Prost prend la pole devant Hill mais ce coup-ci, ô miracle, c’est le français qui vire en tête après l’épingle de la Source. Mais plus la course avance et plus l’écart entre les deux machines diminue. En cause, des problèmes hydrauliques au sein de la suspension active du leader du championnat. Cette fois, l’ordre des choses est inversée puisque c’est Hill qui attaque son équipier pour la tête, ne la quittant désormais plus. Quelques instants plus tard, c’est un Schumacher survolté qui pousse le français de la deuxième marche du podium. Sans son envol manqué, l’allemand filait sûrement vers la victoire tant son rythme était phénoménal. Avec un deuxième succès de rang pour l’anglais et une troisième place, l’écurie Williams accumule assez d’unités pour s’adjuger un second titre constructeur de rang, une formalité tant la monoplace est au-dessus du lot. A Monza, l’histoire est identique. Les anglaises sont intouchables sur un tour. Petite surprise cependant avec le retour aux affaires des Ferrari et de leur fabuleux V12, un réel avantage sur l’autodrome de vitesse. A l’extinction des feux, Prost s’élance parfaitement mais derrière, il y a du grabuge. Dans la première chicane, les accrochages se succèdent, dont celui entre Hill et Senna, les deux derniers rivaux pour le championnat. Fort heureusement, les deux monoplaces incriminées repartent et en quelques tours, le pilote Williams remonte au second rang, à l’inverse du brésilien, pris dans un nouvel accident avec Brundle. Le leader ne semble menacé par aucun de ses concurrents, lui ouvrant une voie royale pour le titre pilote. Mais à moins de cinq boucles du but, coup de théâtre : le V10 Renault du français explose dans un panache de fumée. Hill récolte donc un succès inattendu, une belle revanche de Barcelone et Silverstone. Pour son équipier, la déception est évidemment de mise, lui qui était à vingt kilomètres de la consécration mais il sait pertinemment qu’avec 23 points d’avance; tout est quasiment plié. Au Portugal, pour la dernière manche européenne de l’année, le triple champion et leader du championnat organise une conférence de presse exceptionnelle. Cette fois c’est sûr, Alain Prost se retire de la Formule 1 à l’issue de la saison 1993, laissant ainsi la porte grande ouverte à Senna pour 1994. Las des conflits politiques, des insinuations de triche, des critiques de la presse et de règlements pas toujours en accord avec son image de la discipline, le forézien décide d’en rester là. Reste pour lui à glaner un quatrième titre, lui qui deviendrait alors second dans le palmarès des champions, derrière l’intouchable Fangio. Pour cela, il lui suffit de perdre moins de trois points face à Hill. Le match s’annonce passionnant puisque les FW15C monopolisent la première ligne mais au départ du tour de formation, Hill ne démarre pas. Relégué en fond de grille, il offre une belle chance à son équipier, bien bousculé à l’extinction des feux par les deux McLaren de Senna et Häkkinen, et surtout par la Ferrari d’Alesi, étonnant leader. Alors que l’anglais reprend pas moins de vingt positions en à peine vingt tours, l’écurie de Didcot se perd un peu dans la stratégie car aujourd’hui, ce n’est pas une Williams qui brillera. En effet, c’est le jeune mais talentueux Schumacher qui prendra le commandement grâce à une tactique audacieuse et agressive. Prost tentera tant bien que mal de le dépasser mais le Professeur est malin et sait qu’un excès d’optimisme pourrait lui coûter le titre. Sagement, il attendra le drapeau à damier pour terminer deuxième, place suffisante pour lui assurer une quatrième couronne historique face à son équipier anglais, troisième à l’arrivée. Le français est évidemment ravi de cette consécration mais son envie de quitter le monde très fermé des pilotes F1 se fait largement ressentir…
La fin de saison dans le Pacifique n’a désormais que peu d’intérêt, si ce n’est de décerner les titres, honorifiques, de vice-champion pilote et constructeur. A Suzuka, terre des plus grands fans de Senna, les FW15C sont moins à l’aise qu’à l’habitude, ce qui n’empêche pas le nouveau champion de grappiller une treizième pole position, se rapprochant du record obtenu par Mansell l’année passée avec quatorze meilleurs tours. Hill est moins convaincant avec un sixième chrono seulement, signe de sa difficulté d’adaptation sur ce tracé légendaire mais si complexe à dompter. Au départ, Senna vole le leadership au français, une scène qui n’est pas sans rappeler celle de 1990. Heureusement, pas d’accrochage entre les deux hommes, pas vraiment d’agressivité non plus. La pluie qui tomba fortement à mi-course ne modifiera en rien le classement, dominé par Magic. Prost restera calme et propre pour s’adjuger la deuxième place, loin devant un Hill ne comprenant pas vraiment les intentions d’Irvine, rookie déchainé qui ne manquera pas d’énerver le triple champion brésilien. La conclusion de cette saison 93 se déroule sur le tracé d’Adélaïde et quelle surprise réservent les qualifications ! Pour la première fois de l’année et ce depuis 24 rendez-vous, Williams est tenue en échec sur l’exercice du tour lancé. La course s’annonce rude face à un Senna des grands jours voulant terminer sa carrière chez McLaren en grande pompe. De même pour Prost qui aimerait bien remporter une 52ème victoire. Pour Hill, l’objectif est tout autre : remporter assez de points pour se classer dauphin du championnat. Dès le départ, Magic vole et jamais il ne pourra être inquiété. Les FW15C sont instables sur les bosses et malgré la puissance du V10 français, la McLaren est trop rapide. Après l’abandon de Schumacher qui menaçait les deux anglaises, c’est un duel entre équipiers qui se profile jusqu’à l’arrivée, et sans consignes d’équipes. Hill tente par tous les moyens de passer l’autre Williams mais rien n’y fait. A moins de quinze boucles du but, l’anglais tente de profiter d’un écart du français mais un blocage de roue et une accélération trop franche sur une partie sale l’envoient en tête-à-queue. Le pilote repartira après une longue marche arrière mais la deuxième place et de la course, et du championnat, sont définitivement perdues. Personne ne le sait mais plus jamais nous ne verrons Senna figurer sur un podium de Formule 1, tout comme Prost. Pour clore ce magnifique chapitre de leur histoire dans la discipline, les deux hommes se saluent chaleureusement, de quoi faire oublier toutes les tensions passées…
Spa-Francorchamps (1993)
Estoril (1993)
Adélaïde (1993)
Spa-Francorchamps (1993)
Au final, la Williams FW15C aura affolé les compteurs, laissant cependant passer quelques opportunités. Elle s’en tire tout de même avec dix victoires, vingt-deux podiums, quinze poles et dix meilleurs tours en course, le tout, en seize grands-prix. Elle aura surtout marqué son temps avec l’apogée des aides électroniques, bannies l’année suivante et pendant plusieurs années, avant un retour partiel au milieu des années 2000 puis leurs suppression dans la foulée. La vitrine technologique qu’était la F1 venait de disparaître avec ces monoplaces et notamment la FW15C. Si les voitures d’aujourd’hui sont bardées d’électronique, c’est avant tout pour le fonctionnement général de la machine, non pas pour aider le pilote à performer davantage. Du point de vue sportif, cette année marque un retour gagnant mais frustrant pour Prost, pourtant champion après une année loin des baquets. La fin de carrière de ce champion mettra un réel coup dans l’attrait de la discipline, sûrement moindre par rapport aux évènements tragiques des mois qui suivirent…
La Williams FW15C en chiffres...
Grands-prix :
16
Victoires :
10
Podiums :
22
Poles Position :
15
Meilleurs Tours :
10