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Williams FW14B

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C’est l’une des monoplaces les plus poussées technologiquement. Incroyablement efficace, la Williams FW14B marqua de son empreinte la Formule 1, dominant avec une aisance toute particulière. Retour sur l’étonnante monoplace, datant déjà de 1992…

L’aventure de cette fabuleuse voiture débuta dès 1991. En effet, cette année-là, Williams introduisit la FW14. Dotée du tout nouveau V10 Renault et d’une boîte de vitesses semi-automatique, elle se présenta comme la voiture à battre. Problème, la fiabilité n’est pas le fort de la monoplace bleue, blanche et jaune et les abandons sur pépins mécaniques se succèdent. Si l’aérodynamique est irréprochable, les trop nombreux ennuis finiront par coûter le titre à Mansell, de nouveau battu au championnat. Pour 1992, l’équipe ne souhaite pas construire une toute nouvelle voiture et décide de se baser sur la FW14, devenant la FW14B. A première vue, les différences sont minimes entre les deux voitures. Le V10 Renault de 3.5L, développant 700cv, reste le coeur de la bête. Source de nombreux problèmes, la boite semi-automatique se voit améliorée et grandement fiabilisée. Si le nez est quelque peu allongé, le reste de la monoplace, conçu par Newey, n’évolue que peu. Mais le plus gros changement, s’il n’est que peu visible, va considérablement bousculer la Formule 1. Au-dessus des suspensions avant, de petits bulbes renferment l’une des plus grandes technologies en Formule 1 : la fameuse suspension active.

Ce système fut premièrement introduit par Lotus en 1983, cherchant à améliorer constamment l’effet de sol de ses voitures en limitant l’introduction de l’air sous les jupes latérales. Si cette suspension, finalement appelée “réactive” est abandonnée par l’écurie de Chapman, de son côté, Williams développe également cette technologie. Lors du grand-prix d’Italie 1987, Piquet utilisa pour la première fois la suspension active sur sa Williams. Résultat : une victoire à la clé et surtout, une vitesse de pointe accrue de 15 km/h par rapport à son équipier Mansell. Si ce dernier mena les premiers tests à l’époque Lotus, il ne fut guère enthousiasmé par l’invention de l’écurie de Sir Frank Williams. Après quatre années de perfection, revoilà la suspension active montée sur une FW14 pour le grand-prix d’Australie. Si elle ne fut utilisée que pendant les essais, elle deviendra l’élément clé de la version B de la monoplace. A quelques semaines de l’ouverture de la saison 1992, Williams loua le circuit d’Estoril afin de peaufiner sa nouvelle monture. Si la FW15 était prête à débuter en Afrique du Sud, il n’en fut rien. La raison ? Une comparaison entre une FW14 et une FW14B. Les résultats furent stupéfiants. Dans une Formule 1 où le moindre centième est important, voici les deux monoplaces séparées de deux secondes, à l’avantage du modèle B. Sans hésiter, c’est ce modèle qui fut choisi pour la saison complète. Mais qu’est ce que la suspension active ? Dans le cas de Williams, c’est une suspension pilotée électroniquement par un logiciel dans lequel sont repérés, grâce à un ordinateur en seulement quelques tours de piste, les aspérités, bosses et autres changements d’élévation, permettant un appui aérodynamique constant et donc bien meilleur. Un autre point positif concerne les pneumatiques, s’usants moins vite, gage de performance. Mais il existe un défaut propre à ce système : une absence de ressenti du châssis et comportement de la voiture. Si pour la quasi totalité des pilotes, ces éléments sont indispensables pour conduire, il en est un qui n’utilisait que le feeling à l’instar des sensations : Nigel Mansell. Par chance, l’anglais était chez Williams en 1992.

La première course de la saison se dispute sur le tracé de Kyalami, de retour au championnat du monde de Formule 1 après sept ans d’absence. D’entrée de jeu, les Williams interpellent tout le monde. Dans leur stands, les voitures montent et descendent toute seule alors que personne n’est à bord. Les premières qualifications de l’année ne firent que confirmer les intuitions de Frank Williams : sa nouvelle voiture marche du tonnerre. Si Patrese rate sa qualification, Mansell prend la première place, plus de sept dixièmes devant Senna. Ceux qui pensaient que ce n’était qu’un coup de chance désanchantèrent dès le lendemain. Les FW14B sont intouchables et dans une course très calme, elles apportent le premier doublé de l’année, l’anglais terminant vingt-quatre secondes devant son équipier, dix de moins que devant Senna troisième. La seconde manche au Mexique est un véritable test pour les suspensions actives. La piste est tellement bosselée que de nombreux pilotes élèvent la voix pour s’insurger de la sécurité du tracé. Une nouvelle fois, la Williams part pour une véritable démonstration. En plus des deux premières places sur la grille, ce sont les deux premières places finales qui attendent les monoplaces anglaises, toujours dans le même ordre Mansell-Patrese. Ces derniers sont rejoints par M.Schumacher qui signa ici son tout premier podium en Formule 1. Arriva la course brésilienne dans le chaudron d’Interlagos. Si le public entier n’a d’yeux que pour Senna, ce dernier poussa fort son équipe pour disposer de la nouvelle McLaren MP4/7, toujours en développement à ce moment précis. Mais les brésiliens vont vite s’apercevoir que leur héros local ne pourra rien faire face aux terribles Williams. Mansell, plus à l’aise avec tout cet électronique, bat Patrese de plus d’une seconde, une sacrée claque pour l’italien. Mais au départ, la FW14B n°6 s’élance mieux et fait la course en tête, devant la seconde voiture de l’équipe. La domination est telle que les deux voitures prendront un tour complet à tout le peloton. Pris au jeu des arrêts aux stands, Patrese ne peut que constater la domination de son équipier trois fois vainqueur en trois épreuves.

L’arrivée de la Formule 1 en Europe fait espérer un resserrement de la compétition mais il n’en sera rien. A Barcelone, Mansell est à nouveau en pole et malgré les conditions délicates en course, il s’imposa sans forcer. Mais pour la première fois de l’année, Patrese n’accompagne pas l’anglais sur le podium. D’ailleurs, il ne finit même pas, accidentant sa monture en suivant son équipier. Avant de disputer la course d’Imola, Williams réalisa quelques tests mais lors de l’un d’eux, un des pneus de Patrese explosa en entrant dans Tamburello. La FW14B se pulvérisa au contact du mur. Heureusement, l’italien est indemne. L’épreuve de St Marin n’est qu’une formalité pour les monoplaces bleues, blanches et jaunes, dominant avec une aisance déconcertante pour tous les concurrents. Après quatre grands-prix, la question n’est plus de savoir “qui sera champion?” mais plutôt “vont-ils tous gagner?”. En principauté monégasque, la suspension active fait encore des merveilles. Pourtant, le premier couac de la saison arriva le dimanche, peu avant l’arrivée. A huit tours du but Mansell, alors en tête, ressent de drôles de sensations dans sa voiture et manque de partir à la faute plusieurs fois. Après un arrêt aux stands non prévu, le moustachu regagne la piste, derrière Senna leader ! La lutte pour la première place est titanesque mais le trop étroit circuit de Monaco ne permet pas à l’anglais de reprendre son bien. Senna franchit la ligne d’arrivée en vainqueur, devant Mansell et Patrese. La victoire échappe pour la première fois à Williams. Aucune inquiétude à avoir pour le clan anglais mais la possibilité de tout glaner a déjà disparu. Au Canada, les FW14B sont pour la première fois battues en qualifications par Senna et sa McLaren. La course sera très loin des attentes de Frank Williams. Bouchonné par le brésilien, Mansell tenta une manoeuvre kamikaze sur son rival dans la dernière chicane. Emporté par sa fougue, il détruit sa monoplace dans la ligne droite des stands avant de montrer son mécontentement à Ron Dennis, impassible. Pas plus de chance pour la seconde voiture, arrêtée à cause de la boîte de vitesses. Pour la seconde fois consécutive, Williams perd la victoire. Est-ce la fin de l’hégémonie? Pas vraiment.

A Magny-Cours, la domination reprend son cours, tout comme à Silverstone et Hockenheim. D’ailleurs, lors de la manche britannique, Mansell atomisa l’ensemble de ses adversaires, repoussant même son équipier à plus de deux secondes, Senna à trois. A peine les feux rouges éteints, personne ne revit l’anglais, porté en triomphe sous le podium par une foule hystérique. Avec huit courses gagnées en dix manches disputées, son sacre est proche et ne fait plus aucun doute quant à sa réalisation. Puis arriva le grand-prix de Hongrie sur le fameux tourniquet du Hungaroring. Si Patrese décroche enfin la pole, toute l’attention est portée sur son équipier aux portes du sacre. La Williams se comporte bien sur le tracé sinueux mais Senna est redoutable. Alors quand la FW14B n°6 part à la faute avant de casser son moteur, voici le brésilien, surgissant en première place. A une dizaine de tours de l’arrivée, la monture du moustachu plonge aux stands. A ce moment-là, il n’est pas champion. En abattant les meilleurs tours les un après les autres, Mansell cravacha jusqu’en seconde place, remportant, à 39 ans, son seul titre de champion du monde de Formule 1. Jamais un pilote n’aura aussi rapidement remporté un championnat. Si la joie est de mise dans le clan Williams, Renault grince des dents suite à la casse moteur de Patrese, alors équipé d’une nouvelle version évoluée du V10. Mais dans l’équipe de Frank Williams, la fête est de courte durée. Fort d’une couronne mondiale, l’anglais demanda une nette augmentation de son salaire. A la place, son renvoi à la fin de la saison lui est annoncé. Quoi qu’il en soit, les deux pilotes doivent terminer leur travail et arracher le championnat constructeur, presque dans la poche. C’est chose faite dès la course suivante, sur le rapide circuit de Spa-Francorchamps. Mais une nouvelle fois, les Williams ne l’emportent pas. Cette fois, ce n’est pas Senna qui joua les troubles fêtes mais bien M.Schumacher, sur sa Benetton, à la surprise générale. En se classant deuxième et troisième, les pilotes de la FW14B assurent le titre constructeur, sésame attendu depuis 1986. A Monza, les démons ressurgissent et privent le moustachu d’un nouveau succès, trahi par sa boîte de vitesses. Patrese ne peut mieux faire que la cinquième place finale, forcément déçu chez les siens. A trois courses du but, il ne reste aucun enjeu si ce n’est les trois derniers trophés de vainqueurs. Si les avaries se multiplient dernièrement, elles n’altèrent en rien l'extrême domination des voitures. A Estoril, Mansell est encore trop fort et domine comme à son habitude. Moins à l’aise, Patrese est victime d’un problème aux stands, le reléguant au fond de la zone des points. C’est alors que le drame se produit : dans sa remontée aux avants-postes, l’italien se plaça dans l’aspiration de la McLaren de Berger à la sortie de la parabolique. Ce qu’il ne savait pas, c’est que l’autrichien allait considérablement ralentir pour entrer aux stands. L’accrochage est inévitable. La Williams s’envole à la verticale avant de retomber sur ses roues. Le pilote est choqué mais indemne mais le pire à bel et bien été évité, la FW14B étant passée tout proche d’un atterrissage dans la voie des stands. Plus de peur que de mal mais une grosse frayeur pour celui qui ne s’est toujours pas imposé au volant de son imbattable monoplace. Avec un nouveau succès, neuf à présent, Mansell bat le précédent record de victoires en une saison, détenu par Senna en 1988. Pour autant, il en restera là. Malgré la détention de la pole position au Japon et en Australie, l’anglais ne verra pas le drapeau à damier, renonçant des suites d’un bris mécanique à Suzuka et d’un accrochage avec Senna à Adélaïde. Sans leader, Patrese saisit enfin sa chance et arrache les lauriers de la première place en terres nippones. Moins de chance pour ce dernier dans les rues australiennes, sa pompe à essence abrégeant sa saison plus tôt que prévu. Sans Mansell, ni Patrese, ni Senna, c’est une nouvelle fois Berger qui l’emporte. La saison s’achève donc sur ce deuxième résultat blanc mais qu’importe, la FW14B aura remplie avec succès sa mission. Sa technologie, parfaitement adaptée au style de pilotage de Mansell, aura formé l’un des duos les plus victorieux de l'histoire de la Formule 1.

Au final, la Williams FW14B, c’est dix victoires, quinze poles position, vingt-et-un podium, onze meilleurs tours, mais surtout les couronnes pilotes en constructeur en 1992. Aujourd’hui encore, cette monoplace est considérée comme l’une des plus abouties en termes de technologies embarquées. Mais l’histoire de cette voiture ne connut pas de suite. L’année suivante, c’est avec la version C de la FW15 devant courir en 1992 que Williams dispute le championnat. Toujours bardée d’électronique, Prost n’aura aucun mal à accrocher son quatrième titre après son année sabbatique. A l’issue de la saison, la majorité des aides au pilotage sont interdites, au grand dam de l’écurie anglaise, pionnière en la matière à ce moment-là…

La Williams FW14B en chiffres...

Grands-prix :

16

Victoires :

10

Podiums :

21

Poles Position :

15

Meilleurs Tours :

11

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