Tyrrell P34

Les années 70 ont vu l’apparition de drôles de bêtes. La plus originale ? Très probablement la Tyrrell P34.
Lorsque l’on pense à la Formule 1 moderne, on se dit que le diable se cache dans les détails. Sans peinture, toutes les voitures se ressemblent et seul un œil avisé parviendra à discerner certains éléments spécifiques. Mais dans les premières décennies d’existence de la discipline, l’histoire était toute autre. Toutes les idées, même les plus farfelues, étaient bonnes à prendre, ce que n’aura pas vraiment de mal à comprendre Derek Gardner, concepteur chez Tyrrell. Sous la houlette d’Oncle Ken, le britannique, qui n’en n’est pas à son coup d’essai, planche sur une monoplace révolutionnaire mais surtout, unique en son genre. Ce projet, dénommé P34 car il s’agit de la trente-quatrième conception de l'ingénieur, doit gommer les principaux défauts des machines actuelles : moins de sous-virage, moins de perturbations de flux aérodynamiques dues aux roues avant et une vitesse de pointe accrue. Pour pallier ces défauts, ce technicien fou, qui avait jadis proposé une idée similaire à Chapman pour ses voitures à turbine, imagine un concept redoutable : une F1 à six roues. Qui n’a jamais louché sur cette étrange bête qu’est la Tyrrell P34. Avec ses quatre petits pneus à l’avant contre deux gros à l’arrière, la curieuse machine étonne son monde lors de sa présentation officielle en Septembre 1975. Derrière cette idée délirante se cache pourtant une certaine ingéniosité. En diminuant la taille des roues à 10 pouces, Gardner améliore la pénétration dans l’air de sa machine mais avec une surface au sol réduite, l’adhérence s’en retrouve réduite, d’où l’utilisation de quatre roues directrices. Nichées derrière l’aile avant, les roues, dont les pneus ont été spécialement conçus par Good Year, n’offrent plus de résistance à l’air, d’où un gain de vitesse en général. Sous sa carrosserie en aluminium se trouve un impressionnant enchevêtrement de pignons et de crémaillères, destinés à actionner en même temps les quatre petites roues. Animée par l’infatigable V8 DFV Ford-Cosworth de 3L, la Tyrrell P34, toute de bleue vêtue dans sa première année, développe près de 460 chevaux pour un poids étonnamment bas d’à peine 590 kg. Le point le plus problématique de cette formidable bête de course, ce sont ses freins. Les petits disques ont tendance à surchauffer, d’où la présence en nombre de boas de refroidissement sur le train avant. Sur le papier, l’idée est sensationnelle. Reste à le prouver sur circuit.
Lors de sa présentation officielle, la P34 était affublée d’une imposante cheminée et d’un aileron avant très pointu vers l’avant. Les pontons sont plats et l’aile arrière extrêmement simple et dégagée. Les journalistes du monde entier se pressent pour découvrir cette Tyrrell d’un nouveau genre que Jackie Stewart qualifie de “très avantageuse” si le projet tient la route. Lors du Silverstone International Trophy de 1976, une manche hors championnat, Scheckter effectue quelques tours au volant de la machine bleue dans une configuration assez étrange avec son museau redessiné et cette bouche ornée d’oreilles. Le sud-africain ne prendra cependant pas le départ de la course avec cette monture, ressortant du placard la 007. Pour sa première “vraie” apparition en Formule, au grand-prix d’Espagne, la Tyrrell P34 est revêtue d’une livrée bleue parsemée d’une ligne jaune au centre de la voiture. Elle sera tout d'abord dévolue à Patrick Depailler, Scheckter préférant son antique monture maintenant dépassée. Lors de cette manche, la P34 dispose de deux prises d’air latérales au niveau de la tête du pilote. Ces appendices, ajoutés pour contrer la suppression des cheminées voulue par la FIA, seront rapidement retirés après les premiers essais. Pour ses premières qualifications, la six roues étonne son monde en se classant troisième derrière Hunt et Lauda. Bien accroché à cette position, le français est contraint de renoncer après le premier tiers de course, moteur et freins en sursis. Malgré cet abandon, l’optimisme est de mise dans le clan anglais si bien qu’à Zolder, deux P34 sont alignées. Pour ce grand-prix de Belgique, les Tyrrell sont à présent pourvues de vitres de part et d’autre du cockpit, permettant aux pilotes de repérer la corde et de connaître l’emplacement de leurs petites roues. Quatrième et septième sur la grille, les curieuses machines sont certes rapides sur un tour mais reste à confirmer sur la durée. Si Depailler ne voit toujours pas l’arrivée à cause d’un V8 expirant son dernier souffle, son équipier tient le bon bout et si le rythme affiché n’est pas extraordinaire, sa quatrième place finale est un soulagement pour toute l’équipe. A Monaco, si Lauda apparaît comme le favori incontesté, tout le monde attend les Tyrrell, censées être avantagées par le grip supplémentaire sur cette piste étroite. Avec le quatrième et cinquième temps, tous les espoirs de podium, voire de victoire sont permis. Comme attendu, la course est dominée avec aisance par le champion du monde 1975 mais derrière lui, ce n’est pas une mais deux P34 qui complètent le podium, pour la plus grande joie de Ken Tyrrell. Bien aidées par les sorties successives de Regazzoni et Peterson sur l’huile répandue par la McLaren de Hunt, les bolides d’Oncle Ken affichent clairement leurs ambitions. Avec des performances sensiblement identiques aux Ferrari et McLaren, les Tyrrell-Ford peuvent largement jouer la gagne, voire le championnat. Le championnat qui, d’ailleurs, se poursuit à Anderstorp, en Suède. Réputé glissant et demandant un réel compromis entre appui aérodynamique et vitesse de pointe, le tracé suédois semble dessiné pour les P34. Facile sur la piste scandinave, Scheckter offre à la P34 son unique pole position, trois places devant son équipier. A l’extinction des feux, Andretti s’envole en tête mais son départ volé lui vaudra une minute de pénalité plus tard dans la course. A mi-course, les Tyrrell sont virtuellement première et deuxième de l’épreuve et rien ne semble contraindre leur marche en avant vers la gagne. Si Dépailler part en tête-à-queue sans perdre trop de temps, le sud-africain pilote avec aisance jusqu’à la ligne d’arrivée, faisant de sa voiture une victorieuse en Formule 1. Toute l’équipe est aux anges, évidemment. Pour sa quatrième apparition, la monoplace à six roues l’emporte. Ce fait unique restera sans suite dans l’histoire de la Formule 1. Le doublé est logiquement assuré par le français, le dernier à ce jour pour le compte de l’écurie britannique.

1976

Jarama (1976)

Zolder (1976)

1976
Les ambitions des pilotes sont aux plus haut mais c’était sans compter sur le retour aux avant-postes des McLaren. Les antiques M23 reprennent du poil de la bête, là où les Ferrari 3121 T2 pataugent avec leurs moteurs défaillants. Au grand-prix de France, après l’abandon des deux italiennes, la voie royale est ouverte à Hunt, talonné par Depailler dans les premiers tours avant de le distancer dans la deuxième moitié d’épreuve. Le français enchaîne les podiums à bord de sa drôle de machine qui lui va comme un gant. Du côté de Scheckter en revanche, l’aisance n’est pas la même. Le sud-africain perd d’ailleurs coup sur coup deux places en l’espace de quelques virages, laissant Pace et Watson filer devant lui pour la dernière marche du podium. Sixième sous le drapeau à damier, la mise est sauvée. Pour la manche à domicile de l’écurie de l’Oncle Ken, la P34 n’est pas à son aise. Après un premier départ avorté suite au carambolage provoqué par Regazzoni, Hunt et Laffite, un restart est donné une heure après. Dès le premier tour, Depailler est harponné par Peterson qui l’envoie dans le décor. Si sa Tyrrell est intacte, le moteur ne tiendra pas la distance. De l’autre côté du garage, la performance n’est pas trouvée et ce n’est que grâce aux nombreux abandons et à la disqualification tardive du vainqueur James Hunt que Scheckter sécurise la deuxième place. Malgré son aversion pour la six roues, force est de constater que le sud-africain s’en tire plutôt bien avec sa deuxième place au championnat du monde, quatre points devant son équipier. Ce même résultat sera sien sur le Nürburgring, théâtre du terrifiant accident de Lauda. Sans armes pour pouvoir battre le blondinet anglais, le pilote de la P34 n°3 grapille de nouvelles unités, au contraire de Depailler, victime d’une sortie de piste en voulant éviter un Regazzoni en totale perdition. En Autriche, sur l’Ӧsterreichring, les Tyrrell sont attendues au tournant. Les hautes vitesses de pointe annoncées sur le papier devraient faire la différence mais étonnement, les machines bleue et jaune sont lentes ! Pourtant, en course, la monoplace de Scheckter est transfigurée et en l’espace de dix boucles, il passe de la dixième à la première position. La victoire semble se dessiner lorsqu’un écart de trajectoire laisse filer Peterson. La lutte reprend de plus belle mais une suspension abîmée expédie celui que l’on surnomme “L”Ourson” dans le décor. Si les derniers espoirs de Tyrrell repose sur Patrick Depailler, le même problème touchera à son tour la P34 rescapée. Pour la première fois de l’année, aucune des six roues ne verra le drapeau à damier. A Zandvoort, un radiateur est ajouté à la monture du sud-africain pour refroidir un moteur surchauffant trop souvent, amenant à une configuration inédite du nez de la voiture, se rapprochant de la version de démonstration utilisée par Scheckter en début de saison. Pour autant, les performances ne sont pas améliorées et les curieux engins pataugent en fond de top 10, profitant des nombreuses casses de concurrents pour glaner deux petits points supplémentaires.
En arrivant à Monza, Ken Tyrrell annonce que son pilote vainqueur ne sera pas reconduit et que c’est Peterson qui prendra sa place dans la P34 en 1977. Sur l’atypique tracé italien, les Tyrrell auraient dû être les plus véloces grâce à leur trainée réduite. Les premiers tours leur donnent raison avec un doublé emmené par Scheckter, menacé par Depailler et Peterson. Mais au fur et à mesure que les boucles s’égrènent, les anglaises perdent du rythme et du terrain. Face à Regazzoni, Laffite, et même au revenant Lauda, les P34 ne peuvent rien faire. Finalement, elles ne seront que cinquième et sixième à l’arrivée, une bien maigre consolation pour une voiture soi-disant très véloce. Au Canada, un petit regain de forme redonne de l’espoir au team anglais. Tout comme il l’avait fait en Italie, Scheckter teste, durant les essais, un nouvel aileron arrière bien plus imposant et bas que le traditionnel. En course, Depailler se mêle à la lutte pour la tête face à Hunt, mais à quelques tours du but, une canalisation du manomètre d’essence du français casse et répand des vapeurs d’alcool et d’essence. Perturbé par ses effluves, le pilote de la Tyrrell n°4 doit ralentir et se contenter de la seconde place après être passé tout proche de son premier succès, mais aussi du malaise. Le français n’assistera même pas au podium, trop occupé à retrouver ses esprits à l’hôpital. Fort heureusement, il en ressort sans blessures ni séquelles. Quant à Scheckter, sa course anonyme le place au quatrième rang, sécurisant presque sa place de troisième larron au championnat du monde, devant son équipier. A Watkins Glen en revanche, le sud-africain est en forme. Qualifié en première ligne, il bondit de la grille à l’abaissement du drapeau et s’empare du leadership. Avec son imposante aile arrière, le seul vainqueur sur la six roues prend ses distances avec le reste du peloton, là où Depailler doit, encore une fois, stopper sa machine à cause d’ennuis mécaniques. Si tout se déroule pour le mieux pour Scheckter, les retardataires ne joueront clairement pas en sa faveur. A ce jeu, James Hunt remonte comme une balle et passe la Tyrrell, qui reprendra son dû quelques boucles plus tard. Finalement, une nouvelle tentative de l’anglais aboutit enfin. La valeureuse P34 ne ramènera pas de nouvelle victoire, huit secondes la séparant du vainqueur du jour. Le titre des constructeurs ne sera pas non plus dans l’escarcelle d’Oncle Ken, se battant désormais uniquement pour la place de vice-champion. Et c’est à Fuji que le dénouement de cette folle année est présenté. Le jour du grand-prix, la météo est cataclysmique et les pilotes rechignent à participer. Pourtant, la course doit avoir lieu pour couronner Lauda ou Hunt. L’énorme aile arrière est toujours présente sur les six roues et leurs gommes rainurées. Pour Scheckter, cette dernière sortie sera cauchemardesque. Victime de surchauffes, il renoncera malgré les tentatives désespérées de ses mécaniciens de remettre sa voiture en état. A l’inverse, Depailler réalise la course parfaite et remonte inéluctablement vers les premières places. Longtemps deuxième derrière Hunt, il subtilise la première position à l’anglais à dix tours du but. Une voie royale vers son premier succès s’ouvre mais en quelques secondes, tout bascule. Andretti le dépasse par l’extérieur et son pneu arrière-droit s’affaisse. Un tour aux stands plus tard, le français reprend la piste le couteau entre les dents, effaçant d’un coup Regazzoni et Jones. La deuxième marche du podium est retrouvée mais l’opportunité de succès encore échappée. Si le triomphe de Hunt devant Lauda marque les esprits, les résultats des Tyrrell P34 sont plus qu’encourageant. Troisième au classement des constructeurs, troisième et quatrième à celui des pilotes, la drôle de bête a du potentiel. Reste à concrétiser dès 1977.

Monaco (1976)

Anderstorp (1976)

Nürburgring (1976)

Monaco (1976)
En cette nouvelle année, Derek Gardner décide de faire évoluer son étonnante création. La P34 2.0 a toujours six roues mais pour ce qui est de la carrosserie, l’heure est au renouveau. La coque enveloppe désormais toute la voiture, du museau à l’aile arrière. Le moteur laissé à l’air libre n’est plus d’actualité dans cette voiture repeinte en bleu et blanc. Si Depailler assure sa place de chef de file, les premiers essais de cette machine évoluée ne sont pas vraiment concluants. Avec un poids plus conséquent en raison de la nouvelle carrosserie et du renforcement du châssis, le comportement est désastreux. Pire encore, Good Year, qui ne peut réellement mener d’études, stoppe le développement des petits pneus de 10 pouces. Les problèmes de freins et de moteur n’ont pas tous été réglés, de quoi laisser Ken Tyrrell perplexe pour cette nouvelle campagne. C’est à Buenos Aires que les pilotes retrouvent les circuits pour la première fois de l’année. Bien qualifié au troisième rang, le français ne sera pas en verve le dimanche, renonçant après deux tête-à-queue, tout comme son équipier. Ce grand-prix est d’ailleurs remporté par Jody Scheckter et son étonnante Wolf, plantant un réel coup de massue pour les hommes d’Oncle Ken. Rien n’ira mieux au Brésil où les deux bolides s’échouent dans les grillages, blessant notamment Depailler au niveau des pieds. Ce choc sera très vite oublié car en Afrique du Sud, la P34 joue les trouble-fêtes. Quatrième au départ puis troisième à l’arrivée, le français retrouve le sourire, du moins, s’estime heureux. Ce jour-là, le malheureux Pryce et un commissaire imprudent meurent dans un bête accident. Rien ne va en revanche pour Peterson, enchaînant les abandons, comme à Long Beach, où son équipier termine au pied du podium. A Jarama, alors que le suédois opte pour un kit carrosserie 1976, le drapeau à damier est enfin croisé. Huitième à l’arrivée, le vice-champion 1971 ne score toujours pas, tout comme Depailler, à pied après une énième panne moteur. A Monaco, ce sont les deux P34 qui se parent de la coque de l’année passée mais là encore, il n’y a rien à faire. Les deux Tyrrell s’arrêtent bien avant la fin, freins défectueux. Sur le tracé de Zolder, en Belgique, la pluie fait irruption juste avant le départ. Ces conditions changeantes pourraient aider les six roues. Pari réussi. Alors que Depailler chausse trop rapidement les gommes slicks, Peterson mène un train d’enfer, arrachant ses premiers points de l’année mais surtout, un inespéré podium, son seul cette année-là. De retour en Suède sur le tracé de leur plus grande réussite, les P34 sont bien à la peine. Le français échoue au pied du podium, là où le héros local stoppe sa course après huit petits tours, allumage défaillant. De gros travaux sont à entreprendre pour espérer retrouver les sommets. Malheureusement, c’est le chemin inverse qui sera pris par les hommes de Tyrrell…
Après une première moitié de saison désastreuse, Gardner quitte le navire, remplacé par Maurice Philippe, un ancien de chez Lotus. Le britannique revoit totalement la copie de la P34, modifiant l’emplacement des radiateurs, principaux responsables des surchauffes de la drôle de bête. De ce fait, les voici implantés directement dans le museau mais ceci étant, la voie avant se doit d’être élargie. Ainsi, la philosophie initiale des petites roues cachées derrière l’aileron ne tient plus la route. Avec ses quatre petites roues dépassant de part et d’autre de la carrosserie, l’ingéniosité du projet venait de disparaître. Cette nouvelle version fraîchement débarquée pour le grand-prix de France, n’apportera pas plus de satisfaction aux pilotes. Ken Tyrrell le sait : l’avenir se fera sur quatre roues. La course sera des plus anonymes, Peterson étant le seul à croiser la ligne d’arrivée. Rien de neuf à Silverstone et Hockenheim où les deux P34 s’arrêtent bien avant la fin. Le bilan comptable est maigre et ce ne sont pas les deux points glanés par le suédois sur l’Ӧsterreichring qui changeront réellement la donne. Les dernières modifications apportées aux Tyrrell ne les rendent que plus lentes, ce qui n’est pas assurance de bonnes performances à Monza. Dans le temple de la vitesse, les six roues ne sont pas vraiment véloces. Depailler renonce une fois encore, lui qui n’a plus connu les points depuis la Suède, au contraire de Peterson, valeureux sixième grâce aux nombreux abandons de ses adversaires. La fin de saison approche à grands pas, la révérence de la P34 aussi. A Watkins Glen, les machines blanche et bleue sont étonnamment à l’aise en qualifications, pointant toutes deux dans le top 8, ce qui n’était plus arrivé depuis le début de saison. Hélas, cette bonne prestation sur un tour lancé ne sera pas rééditée sur la durée du grand-prix. Si les deux voitures terminent la course, elles ne sont que quatorzième et seizième à l’agitation du drapeau à damier. Les mines sont graves chez Tyrrell. La drôle de bête n’a plus le niveau escompté, vivement la fin. Sur le vétuste tracé de Mosport Park, alors que Lauda quitte sur un coup de tête la Scuderia après avoir sécurisé son deuxième titre, Peterson accroche une troisième place inédite sur la grille, trois rangs devant son équipier français. Si le suédois renonce rapidement, Patrick se bat comme un beau diable et tient la cadence pour viser de gros points. Dans la dernière partie d’épreuve, le classement quelque peu figé évolue enfin. Alors que Hunt s’accroche avec son équipier Mass qui perdait là un tour, Andretti voit son V8 Ford-Cosworth exploser à quelques kilomètres du but. Sagement blotti derrière Scheckter, Depailler saisit cette opportunité pour accrocher son deuxième podium de l’année avec la seconde position, six secondes derrière le vainqueur du jour. Mais les performances se suivent et ne se ressemblent pas. Pour leurs dernières qualifications, les P34 se placent respectivement en huitième et neuvième ligne sur la grille de départ. Cette dernière danse ne s’annonce pas des plus glorieuses pour la monoplace à six roues, dépassée par la concurrence en l’espace d’une seule année. Au sixième tour, la saison de Peterson s’achève par un drame. Attaqué par Villeneuve, le suédois ne peut éviter l’accrochage avec Villeneuve. La Ferrari est projetée dans les airs, passant au-travers des grillages, percutant de plein fouet deux personnes mal placées. Les deux malheureux décéderont sur le coup. Si ce tragique incident ne met pas un terme au grand-prix, Depailler poursuit sa folle remontée. Juste après la moitié de l’épreuve, le voici revenu dans la zone des points puis, dans le dernier tour, Laffite, alors deuxième, tombe en panne d’essence. Le cadeau est trop beau pour le français qui hisse, une dernière fois, son iconique monoplace sur le podium final. Cette folle campagne se termine d’une drôle de façon, voyant Depailler seul sur l’estrade du trio de tête, Hunt et Reutemann ayant déjà quitté le circuit au moment où se jouait l’hymne national anglais…

Kyalami (1977)

Monaco (1977)

Zandvoort (1977)

Kyalami (1977)
Après presque deux ans de bons et loyaux services, la Tyrrell P34 rejoint le musée. Cette monoplace unique dans l’histoire de la Formule 1 aura fait des émules. March, Ferrari et même Williams auront tenté le développement d’une voiture à six roues, qui ne dépassera jamais le rang de concept. Aucune autre machine de ce type ne se produira dans le cadre du championnat du monde de Formule 1. Si le projet 34 n’est pas une réussite, ce n’est pas non plus un réel échec. Faire s’imposer une voiture aussi innovante n’était pas une mince affaire. Derrière son look délirant se cachait une idée loin d’être mauvaise qui aurait nécessité un développement accru de la part de Good Year. Les modifications tardives de l’emplacement des radiateurs n’auront fait qu’achever le concept initial. Reste que cet engin a plus que marqué son époque. Qui pourrait être assez fou pour se lancer dans une telle aventure ? Même si les résultats ne sont pas aussi probants qu'escomptés, cette monoplace est devenue l’une des icônes de la Formule 1, faisant tourner les têtes des observateurs, des grands et des petits. Rien d’étonnant à ce que ce modèle soit l’un des plus reproduits par les maquettistes autour du globe. A présent, les Tyrrell P34 réalisent quelques démonstrations lors d'événements, équipées cette fois-ci de pneus Avon, apparemment plus performants que les Good Year…
La Tyrrell P34 en chiffres...
Grands-prix :
30
Victoires :
1
Podiums :
14
Poles Position :
0
Meilleurs Tours :
3