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Lotus 72D

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Au début des années 70, Lotus étrennait sa fameuse 72 et ses multiples déclinaisons. La plus célèbre : la 72D.

Après le succès de sa 49, instauré en 1967, Lotus travaille sur un nouveau modèle qui doit débarquer en 1970. Nom de code : 72. Avec cette nouvelle monture, Chapman marque une révolution en Formule 1. C’est en effet la première voiture à disposer de pontons latéraux permettant de loger le radiateur, auparavant dans le nez, permettant une meilleure répartition des masses. De plus, l’aérodynamique est complètement retravaillé. Fini l’entrée d’air du museau, le nez est désormais plongeant, très proche du sol. Avec sa forme de flèche, l’air s’écoule tout le long de la carrosserie jusqu’à l’énorme aileron arrière, améliorant grandement la vitesse de pointe. A titre de comparaison, la 72 était quasiment 20 km/h plus rapide que la 49 avec le même moteur ! La première version de la 72, la 72A, arrive pour le grand-prix d’Espagne à Jarama. Rindt et Miles, alors pilotes pour la marque anglaise, étrennent cette nouvelle monture. Malgré la forte impression auprès de la concurrence, les débuts sont mauvais. Miles ne parvient même pas à se qualifier, contrairement à Rindt, qui abandonnera après seulement quelques boucles. La voiture ne plait pas et en Belgique, seul Miles est au départ, sur la version B. S’il trouve sa place sur la grille, il renoncera bien vite, touché au niveau de la boîte de vitesses. De son côté, Rindt est toujours aussi réticent et avouera même qu’avec des freins aussi mauvais, il finirait par se tuer dans cette voiture… Mais aux Pays-Bas, petite nouveauté. Si l’anglais dispose toujours de la 72B, l’autrichien se voit proposer une troisième version : la 72C. Dès lors, les choses évoluèrent favorablement. Rindt remporta quatre courses consécutivement et se plaça comme l’homme à battre en cette année 1970. Malgré un abandon à domicile, les Lotus sont les meilleures voitures de plateau grâce à la version C. Mais lors de la manche suivante, à Monza, c’est le drame. A cette époque, les ailerons étaient encore une jeune invention et les ingénieurs remarquèrent que ces derniers ralentissaient les voitures. Sur l’ultra rapide circuit italien, la vitesse de pointe est primordiale. Chapman décida de mener, durant les essais, des tests de comportement sans ces ailerons, très mauvaise idée. Rindt perdit le contrôle de sa 72C qui s’écrasa dans les barrières. L’autrichien fut tué sur le coup. En guise de respect, aucune Lotus n’est présente sur la grille. L’écurie anglaise retrouva les circuits dès le Canada avec à sa tête, le jeune mais talentueux Emerson Fittipaldi. A Watkins Glen, le brésilien amena sa 72C vers la victoire, permettant à son équipier disparu, de remporter la couronne à titre posthume. Avec ses quatre victoires en 1970, la Lotus 72 n’est finalement pas si mauvaise. Elle est reconduite début 1971 mais la concurrence est déjà là. Pour pallier à ce retour en force, Chapman ordonne à ses ingénieurs d’améliorer sa monture. La 72 version D était née.

Après l’échec de la 72A et 72B, un gros travail sur les suspensions et les freins a été effectué sur la 72C. Dans la continuité, la 72D dispose de nouveaux éléments, améliorés par rapport à la précédente version. L’aérodynamique générale est retravaillé, notamment autour de l’aileron arrière. Mais la plus grosse différence avec ses devancières, c’est la prise d’air sur le capot moteur, au dessus de l’arceau de sécurité. La mode des cheminées était lancée. Sous ce capot, c’est un V8 Ford-Cosworth de 3L qui pousse l’anglaise tout au long de sa carrière. Sponsorisées par Gold Leaf, les Lotus 72D de 1971 arborent une livrée rouge et blanche en attendant la grande nouveauté de 1972.

Et c’est à Monaco que la 72D apparaît enfin en grand-prix, entre les mains de Fittipaldi. Après de très mauvaises qualifications, le brésilien remonta une bonne partie du peloton pour s’adjuger la cinquième place, soit douze de mieux que lors du départ. Mais le circuit de la Principauté n’est pas connu pour juger des performances d’une voiture et c’est à Zandvoort que le potentiel se devait d’être présenté. Cependant, il y a quelques couacs. Peu après le rendez-vous monégasque, Fittipaldi est victime d’un accident de la route et est contraint de déclarer forfait pour la manche néerlandaise. Cette fois, ils sont deux pilotes à disposer d’une 72D : Charlton et Wisell. Malheureusement, le premier détruira sa monture durant les essais et ne pu prendre part à la course. Le second finira disqualifié pour conduite à contresens, pas le week-end dont rêvait Chapman. D’autant plus que lors de ce même meeting aux Pays-Bas, Lotus faisait rouler, pour la première fois en grand-prix, sa 56B à turbine, un échec cuisant. De retour au volant en France, Fittipaldi ne remonte pas dans la hiérarchie durant les qualifications, réalisant à nouveau le dix-septième temps, deux places derrière son équipier Wisell. Mais si le tour chrono ne plaît pas à la 72D, la course est une autre histoire. Les Lotus fendent le peloton et remonte toutes deux aux avants-postes et dans les points, le brésilien troisième, le suédois sixième. La bonne forme des machines rouges et blanches se poursuit à Silverstone avec un nouveau podium pour Fittipaldi, là où Wisell perd pied avec la Lotus à turbine. Mais en cette année 1971, personne ne peut lutter face aux Tyrrell de Cevert, et surtout de Stewart. Les Ferrari, BRM, March ou Lotus sont cantonnées à jouer les outsiders. Sur le Nürburgring, rien à faire. Si Ickx, le roi de la Nordschleife, parvient à se mêler à la lutte pour la victoire, la concurrence est loin. Les 72D ne sont pas à leur aise sur la piste allemande et après des qualifications moyennes, aucun point n’est à la clé. Sur le très rapide tracé de l’Österreichring, les Lotus retrouvent leur forme. Qualifiés cinquième et dixième, les deux pilotes, Fittipaldi Wisell, savent que leur monture est bien plus rapide en conditions courses. Ils ne se trompèrent pas. Le brésilien grimpa de nouveau sur le podium, échouant à quatre petites secondes de la victoire. Son équipier termina quatrième, le meilleur résultat de la 72D jusqu’ici. Mais à Monza, Chapman fait le choix de ne pas utiliser cette nouvelle monoplace pourtant assez performante. Toujours embêté par la police italienne suite au décès de Rindt un an plus tôt, le patron de Lotus ne fait pas le déplacement. Seul Fittipaldi court officiellement, mais pas sous le nom de l’équipe officielle. De plus, c’est à bord de la 56B à turbine que doit se tourner le brésilien, encore un échec. La tournée nord-américaine ne sera guère mieux. Malgré une amélioration en qualifications, les 72D ne marquent que deux petits points. Dès lors, toute l’équipe anglaise se concentre sur 1972, toujours avec la même monoplace.

En 1972, le règlement évolue peu. Quelques éléments de sécurité voient le jour comme la protection des réservoirs avec de la mousse ou les harnais à six points mais dans l’ensemble, les changements sont minimes. La plupart des écuries utilisent donc leur monture de l’année passée à l’image de Tyrrell, Ferrari ou bien Lotus. Mais la grosse différence par rapport à 1971, c’est la livrée de la 72D. Au revoir les couleurs rouges et blanches, place au mythique noir et or. Cette peinture, reconnue encore aujourd’hui dans le monde des sports mécaniques, est dû au sponsoring de John Player Special, un cigarettier voulant faire sa publicité en Formule 1. Pourtant, Fittipaldi, le numéro un de l’équipe, n'apprécia pas vraiment ce changement de style, la comparant à un cercueil sans poignées ! La saison débute en Argentine, sur le circuit de Buenos Aires, mais pas de la meilleure des manières. Avec un abandon sur bris de suspension pour le brésilien et une disqualification pour Walker, l’entame de la saison 1972 n’est pas glorieuse. Mais les choses tournent vite et à Kyalami, les 72D se montrent plus à leur aise, du moins celle du Pauliste. Qualifié troisième, il profita des malheurs de Stewart pour faire la course en tête mais de mauvais réglages, provoquant un important survirage, l’empêche de défendre sa place face à Hulme. S’il finit deuxième, Fittipaldi reconnaît le pas en avant fait par son écurie depuis la mise en route de cette voiture. Diverses épreuves hors championnat ne firent que confirmer ces propos et l’arrivée en Europe se fait dans l’optimisme chez Lotus. En Espagne, Ickx domine les qualifications avec sa Ferrari 312 B2, mais le lendemain, les quelques averses qui balayent le circuit donne une chance à la 72D et à ses pneumatiques Firestone de se montrer devant. Après un départ moyen, Fittipaldi trace sa route dans le top 3 avant de prendre la tête et ne plus la quitter. Mais à quelques tours du but, une fuite d’essence vide son réservoir. Fort heureusement, le seul petit litre restant lui permit d’arracher la première victoire de la 72D, la première pour Lotus depuis presque deux ans déjà. A Monaco, le brésilien décroche sa première pole en Formule 1 mais un départ manqué lui coûta un nouveau succès. Il terminera troisième, s’emparant de la tête du championnat par la même occasion. A Nivelles, c’est le même Fittipaldi impérial qui s’empare du meilleur temps avant de dominer la course quasiment de bout en bout. La monoplace noire et or fonctionne à merveille entre les mains du brésilien, ce qui n’est pas le cas de l’autre pilote, Walker. Aucun point inscrit depuis le début de la campagne, très mauvaises performances en qualifications et en course, les critiques à son égard commencent à fuser. Sur le tracé de Clermont-Ferrand, les deux pilotes Lotus officiels découvrent la piste et se placent assez loin sur la grille. Fort d’une science du pilotage rare, Fittipaldi se fraya un chemin parmis les pilotes et arriva jusqu’en deuxième place. Avec treize points d’avance à mi-saison, le brésilien se place comme le grand favori pour le championnat. Du côté des constructeurs, Lotus est en tête mais seulement grâce aux points du pauliste. Walker espère redresser la barre en seconde partie de saison, peine perdue.

La saison se poursuit en Grande-Bretagne, sur le magnifique tracé de Brands Hatch. Si Walker est à nouveau à côté de la plaque, la lutte pour la tête entre Ickx, Stewart et Fittipaldi fait rage. Séparés par moins de trois secondes, le trio survole la course jusqu’à l’arrivée dans les groupes de retardataires. Après avoir surpris le champion écossais, le brésilien profita de la fuite d’huile du pilote Ferrari pour récupérer le commandement. Dès lors, la Tyrrell de son adversaire ne peut suivre la cadence de la 72D. Avec cette troisième victoire, le titre est plus qu’une option pour le pauliste et Lotus. Et si la marque anglaise décrochait les lauriers seulement grâce à Fittipaldi ? Cela devient de plus en plus plausible. Mais sur le vertigineux Nürburgring, rappel à l’ordre. Malgré sa troisième place sur la grille, le brésilien dut faire face à un incendie sur sa monture, l’obligeant à mettre pied à terre, tout comme son équipier Walker après une nouvelle fuite d’huile. Mais ce passage à vide est vite oublié et en Autriche, le tandem Fittipaldi-Lotus 72D monopolise la première place. La vitesse de pointe exceptionnelle de la voiture noire et or n'empêche pourtant pas Stewart de prendre le commandement en début d’épreuve mais après quelques boucles dans son sillage, le pauliste s’envola vers une nouvelle victoire, bien talonné tout de même par la McLaren de Hulme. La couronne est désormais proche mais il faut attendre l’Italie est Monza pour se les adjuger. De nouveau sous le nom de World Wide Racing à la suite de l’accident de Rindt deux ans auparavant, Lotus ne propose sa 72D qu’à Fittipaldi. La cause : un accident de circulation du camion transportant les deux monoplaces, détruites dans l’impact. C’est donc sur un mulet, récupéré au dernier moment en France, que court le brésilien. Avant la course, Chapman annonce le recrutement de Peterson pour remplacer Walker, transparent depuis le début de l’année. Avec seulement trois points à marquer, le pauliste sait que cette épreuve devrait lui être favorable avec sa folle vitesse de pointe. Parti sixième, il ne mettra que peu de boucles pour prendre la deuxième place et alors que les tifosi priaient pour une victoire d’Ickx, sa Ferrari lâcha tout près du but. Avec ce nouveau succès imprévu, Fittipaldi décrocha la couronne mondiale, sa première, et permit à Lotus de remporter celle des constructeurs avec ses seuls points inscrits, cas rare en sport mécanique. Tout au long de la saison, la 72D se sera montrée fiable et performante entre les mains du brésilien, moins entre celles de Walker, grosse déception pour Chapman. Ce dernier n’hésita pas à retirer le volant de son second pilote pour la manche canadienne, l’attribuant à Wisell, ex-pilote sur la 72 en 1970. D’ailleurs, la tournée nord-américaine fut à l’image de celle de l’an passé : très moyenne. Au Canada, les machines noire et or sont en proie à des ennuis mécaniques les privant de points, tout comme à Watkins Glen, malgré la présence d’une troisième 72D pour Walker, en plus de Fittipaldi et Wisell.

Fort d’une année 1972 triomphante, Lotus décide de relancer sa 72D dans l’arène. Et pour sa troisième année en course, la monoplace à de beaux restes. A Buenos Aires, Fittipaldi se qualifie deuxième, Peterson cinquième. Tout semble de bonne augure pour l’équipe anglaise mais à une trentaine de tours du terme, une fuite d’huile met fin à la course du suédois. Contrairement à lui, son équipier trouve tardivement l’ouverture sur Stewart et se lance à la poursuite de la Tyrrell de Cevert, le dépassant à quelques boucles du but pour récupérer la première place. La saison démarre en fanfare pour le team anglais et sur sa bonne lancée, l’écurie de Chapman apparaît dorénavant comme favorite. Au Brésil, Peterson réalise la pole position devant le récent champion mais comme en Argentine, les soucis l’accablèrent à nouveau. Au sixième tour, une roue se détacha de la 72D numéro 2, envoyant son pilote dans le décor. Sur l’autre voiture, tout va pour le mieux. Le brésilien caracole en tête et personne ne sera capable de l’en défaire. Fittipaldi devient alors le premier vainqueur à Interlagos, devant une foule en délire. A Kyalami, les Lotus sont deuxième et quatrième sur la grille. Mais en course, Stewart, Hulme, et le jeune Scheckter mènent la danse. Les problèmes de pneumatiques du sud-africain offriront la troisième place au champion du monde 1972. Moins de chance pour Peterson, tenant la cinquième place avant un problème d’injection, le contraignant à regagner les stands. Après trois meetings, le pauliste et Lotus semblent dominer les débats. Mais l’arrivée en Europe voit l’apparition de nombreux nouveaux modèles, changeant totalement la donne.

Au final, la Lotus 72D aura permis à ses pilotes de remporter sept succès, quatre poles position, quatorze podiums et trois meilleurs tours. Toutes ces stats, à l’exception d’une pole, sont à mettre à l’actif d’un seul homme : Emerson Fittipaldi. C’est lui qui aura contribué au succès de la 72D. Pour la quatrième manche de la saison 1973, Lotus engage sa 72E qui permit à ses deux pilotes d'engranger cinq victoires et le titre constructeur, mais pas celui des pilotes, remporté par Stewart profitant du léger coup de mou du champion brésilien en coeur de saison. L’écurie anglaise fera encore évoluer sa 72 avec la déclinaison F, en remplacement de la 76 trop coûteuse en développement en 1975.

La Lotus 72D en chiffres...

Grands-prix :

23

Victoires :

7

Podiums :

14

Poles Position :

4

Meilleurs Tours :

3

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