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Lotus 25

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Après deux saisons achevées au pied du podium constructeurs, Lotus espère enfin atteindre les sommets grâce à son pilote fétiche et une nouvelle arme : la Lotus 25.

Avec la révolution technique de 1961, toutes les cartes sont redistribuées et si Ferrari fut avantagée le temps d’une année, la concurrence aura enfin pu faire son retard sur la marque italienne en développant de nouvelles monoplaces plus en adéquation avec la cylindrée de 1,5 litre. Pour Chapman, tout est prêt. Sa Lotus 24 est prête à rejoindre les circuits. Mais un soir, lors d’un dîner entre plusieurs membres de l’équipe, une idée lui vient en tête : celle de créer une voiture à structure monocoque, comme les Jaguar Type D vues au Mans. Jusque là, toutes les Formule 1 étaient conçues autour d’un châssis tubulaire, bien moins rigide et solide qu’un châssis monocoque. Rapidement, le génial inventeur se met au travail et après plusieurs longues journées d’étude et de conception, il réalise la Lotus 25. Le résultat est impressionnant. La structure monocoque en aluminium, inspirée de l'aviation, est d’une fluidité jamais vue dans la discipline, de même que la position allongée du pilote. La monoplace est particulièrement basse et proche du sol. Avec trois réservoirs disséminés sur les côtés et derrière le siège, la voiture est extrêmement fine et légère, un poids plume sur la balance. A l’arrière, c’est un V8 Conventry Climax qui pousse la bête verte et jaune avec plus de cent soixantes-dix chevaux dans sa première version, plus de deux cents à son apogée. Ce projet ambitieux à un coût que Chapman aimerait rapidement amortir en remportant le championnat du monde. Pour ce faire, il ne peut compter que sur un seul homme : son plus fidèle associé Jim Clark.

A sa présentation officielle lors du grand-prix des Pays-Bas 1962, la Lotus 25 impressionne, émerveille, mais rend également jaloux. En effet, plusieurs clients Lotus, dont Jack Brabham ou Innes Ireland, s’insurgent de ne recevoir que la 24, ce à quoi Chapman répondit qu’il recevrait bientôt sa nouvelle création, celle de Clark n’étant qu’un simple prototype. Même Trevor Taylor, équipier du britannique, doit se contenter de la 24. Troisième sur la grille, l’écossais prend un départ remarquable et se glisse en première place d’entrée de jeu. Après plusieurs tours, la monoplace verte s’envole mais au bout de quelques kilomètres, l’embrayage montre des signes de faiblesses. Des réparations sont nécessaires pour continuer. Lointain neuvième sous le drapeau à damier, le pilote Lotus sait que le potentiel est là, ce qu’il démontra dans les étroites rues de Monaco avec la pole position, quatre dixièmes de mieux que son rival Graham Hill et sa BRM. Mais après un envol complètement loupé, le poulain de Chapman navigue dans le peloton mais grâce à l’agilité exemplaire de sa monture, il parvient à se faufiler entre les voitures et les trottoirs pour remonter au deuxième rang mais comme à Zandvoort, c’est un embrayage grillé qui mit fin à tous ses espoirs. Puis en Belgique, c’est une terrible désillusion qui touche la 25 en qualifications. En proie à de gros soucis mécaniques, Clark ne s’élance que du douzième rang, chose rare dans sa carrière. Fort de son talent, il remonte comme une balle en quelques boucles, accrochant même la première place après neuf tours. Cette fois-ci, excepté sa visière, tout tient jusqu’au bout. La Lotus 25 est enfin victorieuse, reste encore à confirmer. En France, alors que Taylor reçoit enfin sa nouvelle monture, l’écossais se montre à nouveau le plus rapide sur un tour, bien qu’éprouvant quelques mauvaises sensations au niveau des suspensions. C’est finalement ce ressenti qui le conduira une nouvelle fois à l’abandon, son troisième en quatre épreuves. Ce mauvais week-end est immédiatement oublié grâce à son hat-trick royal chez lui, à Aintree, dominant comme rarement. Un meeting moyen sur le Nürburgring plus tard, la fin de saison approche à grands pas et à cause de ses multiples abandons, Clark n’est presque plus en lice pour la couronne mondiale. Sa transmission cassée à Monza n’arrangea en rien les choses. Les problèmes de jeunesse coûtent cher à Chapman qui voit là, s’échapper une nouvelle chance de triompher. Pourtant, sa 25 fait des merveilles à Watkins Glen mais le sort des championnats est pratiquement scellé. A Esat London, en Afrique du Sud, c’est la grande finale. Les chances de l’écurie anglaise sont faibles mais Clark n’abdique pas pour autant. S’il se montre le plus rapide en piste, une fuite d’huile au plus mauvais moment le poussa à renoncer alors que la victoire lui tendait les bras. Cette déconvenue mit un fin définitive à la quête de lauriers. La Lotus 25 doit être plus fiable. Rendez-vous en 1963...

Cette année-là, Chapman se penche sur la correction des gros problèmes de fiabilité ayant fortement impactés la saison 1962. La Lotus 25 est certes redoutable, elle aura pêché de par sa mécanique trop fragile. Les ajustements, notamment au niveau du moteur, doivent permettre de changer la donne, et rapidement. Et c’est à Monaco que débute cette nouvelle campagne. Si la paire de pilotes reste inchangée, Jack Brabham fait l’acquisition de l’une des montures pour disputer la manche monégasque, faute de pièces disponibles pour réparer le bloc moteur de son bolide du même nom. Toujours aussi véloce sur un tour, Jim Clark réalise sans problèmes la pole position, très loin devant Taylor, peu à l’aise à cause de la position de conduite. Le dimanche, l’écossais part pour réaliser une réelle promenade tant son agilité au volant est stupéfiante. Mais les vieux démons ressurgissent et au trois-quart de l’épreuve, sa boîte de vitesses le trahit, encore une fois. L’occasion de briller d’entrée de jeu est manquée tandis que le succès est encore offert à Graham Hill. A Spa-Francorchamps, alors que les Lotus s’élance de très loin sur la grille, Clark prit ce qui peut sûrement être assimilé au plus bel envol de l’histoire, passant de la huitième à la première place avant même le premier virage ! S’il déteste le tracé ardennais, le vice-champion 1962 y est pourtant très à l’aise. Sa boîte de vitesses, bien que fatiguée, tient finalement le coup, même lorsque la tempête s'abattit. L’écossais vogua littéralement sur le circuit, dominant ses adversaires avec une facilité déconcertante, remportant le grand-prix avec cinq minutes d’avance sur son plus proche poursuivant, Bruce McLaren. La machine Clark était en marche. A Zandvoort, à Reims puis à Silverstone, il ne laisse que des miettes à ses concurrents, s'adjugeant coup sur coup les poles et les victoires. Étonnamment, sur l’autre Lotus, Taylor n’inscrit pas de points, si ce n’est celui de la sixième place à Monaco. Sur le terrifiant Nürburgring, le nouveau leader du championnat s’élance encore une fois depuis la première position mais contrairement aux précédentes épreuves, il tombe cependant sur un os nommé Surtees, ramenant la Scuderia sur la plus haute marche depuis son dernier succès à Monza en 1961. En terminant deuxième, le chouchou de Chapman réalise tout de même une très bonne opération, sécurisant quasiment la couronne mondiale à quatre courses du but. Ce sera chose faite à Monza, qui plus est avec la victoire. Lotus est en fête, la 25 aura été l’arme absolue pour cette saison 1963 qui n’est pourtant pas terminée. Troisième à Watkins Glen, le champion du monde reprend son festival à Mexico puis à East London, dressant un impressionnant record de sept succès en neuf grands-prix, un record qui tiendra de longues années avant d’être battu par Senna en 1988. Le team anglais récolte bien entendu les lauriers des constructeurs, un Graal loupé de peu l’année passée.

Fort de sa tournée triomphale, Jim Clark s’affiche comme le grand favori de cette nouvelle campagne. La Lotus 25, plus performante que jamais, est pourtant déjà menacée, Colin Chapman ayant déjà entrepris la conception de sa successeuse, la 33. Pour la première fois, la monoplace victorieuse est louée à des teams privés, dont le Reg Parnell Racing, alignant deux 25, cependant équipées du V8 BRM. La saison s’ouvre à Monaco avec une nouvelle pole position pour le champion en titre mais une fois n’est pas coutume, c’est depuis les stands qu’il assistera à la fin de l’épreuve. Pour la première fois, ce n’est pas lui qui amènera la 25 sur le podium, son nouvel équipier Arundell se chargeant d’amener la voiture verte au troisième rang. L’ordre sera vite rétabli à Zandvoort avec un Clark royal, devançant de deux positions l’autre Lotus officielle. A Spa-Francorchamps, l’écossais lutte parmi les leaders sans pour autant prendre la tête mais la chance lui sourit dans les tous derniers instants, le propulsant en tête pour la dernière boucle. Ce succès inattendu n'aura pas de suite en France et ce, malgré la pole, le moteur Climax cassant alors que le pilote Lotus volait vers un nouveau succès facile. A Brands Hatch, ce ne sont pas moins de cinq 25 qui prennent part au grand-prix, deux pour l’équipe de Chapman et trois pour le compte du Reg Parnell Racing. Blessé, Arundell laisse ici le volant à son compatriote Spencer, loin d’être au niveau dans l’étroite monture anglaise. La lutte pour la première place oppose les deux principaux rivaux de cette année-là, Clark et Hill, avec, au final, un faible avantage pour le champion sortant sur la ligne d’arrivée. A mi-saison, le pilote Lotus se place en grand favori mais l’introduction de la nouvelle 33 en Allemagne va rapidement changer la donne. Très similaire à sa devancière, la 33 se différencie notamment au niveau des suspensions.Si elle est utilisée par l’équipe officielle, l’ancienne machine est toujours de sortie pour les structures privées, sans résultats. Ce n’est qu’à Monza, alors que la fin de saison approche, que Clark reprend les commandes d’une 25, plus fiable que sa nouvelle monture. Hélas, l’ancienne championne connaîtra les mêmes ennuis de moteur, faisant perdre de gros points à l’écossais. Le même constat sera effectué après Watkins Glen, un nouvel abandon après avoir décroché la pole le contraignant à voir l’écart au championnat fondre comme neige au soleil. C’est donc à Mexico que tout se joue. Ils sont trois pour trois écuries différentes à pouvoir prétendre à la couronne : Graham Hill et sa BRM, John Surtees et sa Ferrari et Jim Clark. Pour ce dernier grand-prix, le pilote Lotus fait le choix de la 33 malgré son manque de fiabilité. Le choix fut finalement judicieux puisqu’en dominant l’épreuve, le britannique s’assure quasiment d’un second titre consécutif. Mais dans l’avant-dernier tour, c’est le drame : la Lotus perd de l’huile, c’est l’abandon. C’est finalement le pilote Ferrari qui rafla les lauriers, bien qu’ayant moins de points que Hill. La Lotus 25 aura presque concrétisé le doublé mais l’arrivée en jeu de la 33 , sûrement trop tôt, aura tout fait capoter. Un long travail attend donc les hommes de Chapman, laissant passer peu à peu la rapide 25 au rang de pièce de musée...

Car en 1965, l’équipe officielle retente le coup de la Lotus 33. Désormais, seul le team de Reg Parnell fait encore rouler la 25, à quelques exceptions près. Les résultats sont sans appel. Avec une fiabilité accrue, ainsi que de plus grandes ressources techniques et financières, l’écurie de Chapman domine avec sa dernière création et le surdoué Clark. Pourtant, à Monaco, l’écossais n’est pas au départ, ce dernier décidant de rouler à Indianapolis pour les 500 Miles, qu’il remportera cette année-là. Dans l’étroit baquet de la 25, plusieurs pilotes se succèdent : Maggs, Attwood, Hailwood, Ireland, Amon, Spence, Mitter, Geki, Solana, mais aucun d’entre-eux ne connaîtra la gloire et la vitesse de pointe de l’illustre Clark. Ce dernier fut d’ailleurs un retour remarqué dans la petite monocoque pour le grand-prix de France, à Clermont-Ferrand. Et là, la magie opéra à nouveau. Après avoir conquis une nouvelle pole position, l’écossais monopolise le premier rang de bout en bout, ne laissant à personne le loisir de mener l’épreuve, qui plus est, avec le meilleur tour en course. Ce succès, son deuxième consécutif, le troisième de la saison, sera suivit de trois autres victoires, toutes réalisées avec la 33. Car pour les pilotes de la 25, rien ne va. Le V8 BRM est une vraie calamité et la fiabilité est catastrophique. Dans la panoplie de pilotes du Reg Parnell Racing, seul Attwood parviendra à ramener deux points, un en Italie et un au Mexique. Pendant ce temps, le champion 1963 se régale, s’octroyant une seconde couronne facile, bien aidé par un moteur Climax réglé aux petits oignons. La carrière de la 25 est sans doute terminée, d’autant plus qu’un nouveau gros changement de réglementation fait son entrée dès 1966. Et pourtant, le Reg Parnell Racing n’a pas dit son dernier mot…

Si la cylindrée max double, le moteur reste le même. Les apparitions de la victorieuse Lotus 25 se font de plus en plus rares mais son incroyable agilité n’est pas à oublier et comme chacun le sait, un petit point confère d’importantes primes en fin d’année, de quoi booster encore plus le moral des petites structures. Chez Reg Parnell, on compte surtout sur Mike Spence. Malheureusement, l’anglais sera souvent contraint à l’abandon, souvent mécaniques. Étonnamment, il mena une course sage mais rapide à Zandvoort, profitant des abandons et de la pointe de vitesse de sa monture pour prendre la cinquième place sous le drapeau à damier, une performance qu’il rééditera un peu plus tard dans la saison à Monza. Après ce grand-prix, la Lotus 25 ne connaitra plus jamais sa gloire d'antan. Ses jours sont désormais comptés et après une campagne 1966 plutôt satisfaisante grâce aux quatre points de Spence, les chances de la revoir en piste sont minimes. C’était sans compter sur le Reg Parnell Racing, toujours présent pour engager la création de Chapman. L’ancienne championne est donc de retour sur les circuits dès 1967, en Afrique du Sud puis aux Pays-Bas, achevant sa toute dernière épreuve à une belle septième place, deux rangs de mieux qu’à sa première sortie, cinq ans auparavant.

Après deux meetings, la Lotus 25 tire enfin sa révérence. Jadis triomphante, ses performances n’auront cessé de chuter depuis l’entrée en piste de la 33, puis de la 49 pour le team officiel. Malgré l’insistance d’une petite écurie privée, la gloire connue ne réapparaîtra pas. Reste que la 25 aura révolutionné le monde de la Formule 1 avec son châssis monocoque qui propulsa Jim Clark au titre en 1963 puis en 1965. Avec ses quatorze victoires, ses dix-huit poles position, ses dix-huit podiums et ses dix-huit meilleurs tours, elle se sera imposée comme l’une des plus grandes monoplaces de la discipline, bien que se faisant toute petite sur les circuits. Pour la première fois, Chapman venait de frapper un grand coup sur la Formule 1, et ce n’était pas terminé...

La Lotus 25 en chiffres...

Grands-prix :

50

Victoires :

14

Podiums :

18

Poles Position :

18

Meilleurs Tours :

18

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