Ferrari F2008

Qui aurait cru que la F2008 marquerait la fin de la grande épopée rouge en Formule 1 ? Pas grand-monde…
De 1999 à 2004, la Scuderia Ferrari s’est montrée invincible. Le changement de règlement sur l’aérodynamique et les pneumatiques en 2005 ont chamboulé l’ordre établi mais très vite, les hommes de Maranello ont su réagir pour redresser la barre dès 2006. Si les titres pilote et constructeur sont manqués de peu, 2007 voit la rédemption des rouges avec les deux couronnes, l’une pour Raikkonen, l’autre pour l’écurie italienne, notamment offerte après le déclassement des McLaren-Mercedes suite à l’affaire d’espionnage. La nouvelle paire Kimi-Felipe, désormais dirigée par Domenicali, a parfaitement fonctionné mais la revanche des gris et rouge n’en sera que plus exacerbée. Après le départ de Brawn, Todt et Schumacher, une nouvelle ère s’ouvre pour Ferrari. Leur nouvelle création, la F2008, sera la dernière suivant la réglementation des voitures étroites à pneumatiques rainurés avant le gros chambardement de 2009. Si rien ne bouge dans les grandes lignes, quelques petits éléments nouveaux pourraient bien dynamiter les courses, à commencer par la réduction des aides au pilotage et notamment l’interdiction de l’antipatinage. Très ressemblante à sa devancière, la magnifique F2007, la monoplace rouge est articulée par un V8 de 2,4L culminant à 19000 trs/min. Si les ailettes poussent comme des champignons de tous les côtés de la monoplace, la grande nouveauté reste cet aileron de requin apposé pour quelques courses sur le capot moteur. Le rosso corsa, la couleur mythique de chez Ferrari, refait surface tout au long de l’année pour un effet des plus grandioses. Mais la beauté ne fait pas tout, encore faut-il atteindre les sommets, surtout lorsque le petit génie Hamilton décide de dynamiter la hiérarchie…
En somme, à quelques exceptions près, on prend les mêmes et on recommence. Seul Alonso manque à l’équation McLaren. Sa mauvaise entente avec son jeune équipier britannique et son équipe, couplés à la sombre affaire qui secoue Woking dans les coulisses, l’ont poussé à rejoindre son team de cœur : Renault. Quid de la performance des gris sans l’espagnol ? Le losange parviendra-t-il à remonter au premier rang ? Est-ce que BMW ou Honda peuvent faire pencher la balance de leur côté ? Cette saison 2008 s’annonce déjà palpitante sur tous les points. Et c’est dans les rues de Melbourne, sur le tracé de l’Albert Park, que cette folle campagne débute enfin. D’emblée, il y a un hic dans le stand Ferrari. Raikkonen ne peut signer de chrono en Q2, l’obligeant à s’élancer au quinzième rang. our Massa, c’est également la soupe à la grimace. Battu par Hamilton, Kubica et Kovalainen, le brésilien rend déjà quatre dixièmes sur un tour, et cela n’est qu’un début. A l’extinction des feux, la F2008 n°2 se porte à la hauteur du finlandais de McLaren mais un léger contact et l’absence totale de contrôle de traction envoient directement sa monture frapper les murs de pneus, comme en 2006. Seule sa moustache est arrachée mais le temps de s’arrêter aux stands, le peloton est loin devant. Les incidents et accidents se succèdent et à mi-course, alors qu’il tentait de prendre la dixième place à Coulthard, la Ferrari accroche la Red Bull. Les dégâts sont minimes sur la monoplace rouge mais quelques instants plus tard, alors que la course est neutralisée, son V8 explose. La course sera toute aussi désastreuse de l’autre côté du garage. Après avoir évité toutes les embûches, Raikkonen pointe au troisième rang à mi-course mais une manœuvre de dépassement raté et un long passage dans les graviers le font passer de héros à zéro. Tant bien que mal, il tentera de remonter jusque dans les points mais à cinq tours du but, alors qu’il venait de prendre la septième place, son moteur expire lui-aussi. Il sera tout de même classé huitième de ce grand-prix totalement fou où seules sept monoplaces croisent la ligne d’arrivée (avant la disqualification de Barrichello). Dans le même temps, Hamilton s’impose devant Heidfeld et Rosberg, un trio inédit, alors qu’en septième place, Bourdais ouvre son compteur de points, lui qui aurait presque pu viser le podium si sa transmission ne l’avait pas lâché dans les derniers kilomètres. Cette première claque infligée à Ferrari doit déjà faire sonner le signal d’alarme. Pas question de rééditer cette piètre performance en Malaisie. Et pourtant, sur le circuit de Sepang, Massa se fait encore surprendre par la puissance de sa monture. Comme en Australie, c’est à pied qu’il achèvera ce grand-prix après avoir outrageusement dominé les qualifications avec une pole position record. Profitant de ce retrait prématuré, le champion sortant récupère la tête de la course pour ne plus la quitter. La Scuderia retrouve un peu de couleurs mais de nouvelles bourdes sont désormais prohibées. Cette performance retrouvée redonne de l’optimisme chez les rouges qui seront pourtant contraints d’observer la montée en puissance du clan allemand de BMW. Kubica en pole position à Bahreïn, voilà qui secoue le monde de la F1. Le polonais se place comme un sacré outsider mais le dimanche, c’est bien une italienne qui rafle la mise, celle de Massa en l’occurence. En maintenant sa monture sur la piste, le brésilien retrouve les joies du podium et de la victoire, là où le rival Hamilton comment l’une de ses rares erreurs en percutant Alonso. La course d’Iceman est drôlement sage et malgré la pression du polonais derrière lui, c’est bien en seconde position que s’achève son grand-prix. Le premier doublé est dans la poche pour les rouges qui n’ont pourtant pas le privilège de dominer le championnat, désormais propriété des bavarois. Vivement l’Europe…

Melbourne (2008)

Sakhir (2008)

Barcelone (2008)

Melbourne (2008)
Montmelo, théâtre du premier rendez-vous sur le Vieux Continent. La machine rouge semble s’être mise en place mais les menaces McLaren et BMW ne sont pas loin. Ce championnat se dessine comme plus indécis que le précédent tant les performances des monoplaces sont proches. Le tracé catalan sera l’endroit idéal pour savoir si oui ou non les F2008 sont les meilleures monoplaces du plateau. Les qualifications apporteront un premier élément de réponse avec le meilleur temps de Raikkonen, devançant de deux positions son équipier Massa. Problème, ce ne sont ni les anglais, ni les allemands qui séparent les deux montures rouges, mais une française avec la Renault d’Alonso. Et si la bagarre se tenait finalement à quatre ? Cela aurait pu se produire mais dès la fin du premier tour, les italiennes caracolent en tête. La présence de la voiture de sécurité dans les premiers tours après l’accrochage Sutil-Vettel, puis à mi-course après le très gros crash de Kovalainen n’y changeront rien, la Scuderia survole les débats. Encore un doublé sous le nez de Hamilton, voilà qui enchante Maranello. Sorti vainqueur, Iceman se place idéalement pour être son propre successeur. En Turquie, alors que la petite Super Aguri met définitivement la clé sous la porte, les hommes de Maranello sont encore en haut du classement. Après Kimi, c’est Felipe qui prend les devants en s’offrant la pole et la victoire, non sans avoir lutté avec l’anglais de chez McLaren-Mercedes. Lewis qui prendra pourtant la tête avec un dépassement tardif dans le dernier secteur mais au jeu des ravitaillements, c'est bien la Scuderia qui en sort vainqueur. Derrière la machine grise, Raikkonen signe un nouveau podium, ratant le doublé pour quelques dixièmes. Avec quatre succès consécutifs, Ferrari reprend sa marche en avant du début des années 2000 mais gare à l'excès de confiance. C’est bel et bien ce qui arriva dans les rues de la principauté de Monaco. Si ce sont bien les F2008 qui dominent les qualifications, la pluie rebat toutes les cartes le jour de la course. Les Ferrari font alors face à un Hamilton des grands jours qui, bien qu’ayant tapé le rail, se saisit de toutes les opportunités pour subtiliser le commandement du grand-prix. Une pénalité pour Raikkonen, un tout-droit à Ste-Dévote pour Massa, voilà de quoi nourrir de gros regrets, enfin, si ce n’était que ça. Sur une piste largement détrempée, les incidents se succèdent. Après la grosse sortie de Coulthard et Bourdais, c’est Rosberg qui explosa sa Williams dans les “S” de la Piscine. La voiture de sécurité entre en piste à deux reprises mais lors de la seconde relance, Raikkonen perd pied et surtout, perd le contrôle de sa machine qui vient s'emplafonner dans la Force India de Sutil, alors brillant quatrième. Le finlandais peut repartir en changeant de museau mais les points sont à oublier. Devant, Massa doit se contenter de la dernière marche du podium, lui qui pensait accrocher son nom au grand palmarès de Monaco. Ce n’est que partie remise au Canada, sur le circuit Gilles Villeneuve. Les rouges se mélangent aux McLaren, Renault, BMW et autre Williams pour ne figurer qu’au troisième et sixième rang de la grille de départ. Les positions peinent à évoluer mais au dix-septième tour, une panne de transmission oblige Sutil à stopper sa monoplace. La sortie en piste de la Safety Car est imminente et bon nombre de pilotes, à l’image des deux hommes de Maranello, plongent dans la voie des stands pour ravitailler. Mais là, rien ne va. Massa est contraint d’effectuer deux passages, la pompe à carburant n’ayant pas fonctionné la première fois. Pire encore pour son équipier. Alors que le feu passe au rouge en sortie de pit-lane et que Raikkonen et Kubica attendent patiemment, Hamilton et Rosberg déboulent, prêts à reprendre place sur le circuit. L’accrochage est inévitable, conduisant à l’abandon de deux des principaux protagonistes au championnat. Reparti depuis la queue du peloton, le brésilien cravache et dépasse autant qu’il le peut mais sous le drapeau à damier, il n’est que cinquième. BMW-Sauber sort de l’ombre ce jour-là en empochant la victoire avec Kubica et le doublé avec Heidfeld, Coulthard et Glock s’installant eux-aussi devant la F2008 rescapée. Difficile d’imaginer que dans ce combat entre les deux plus grandes écuries de l’histoire se dresse un rempart allemand prêt à changer la donne. Le polonais s’offre même le luxe de mener au tableau des pilotes, de quoi mettre un peu plus de piment dans une saison déjà bien mouvementée…
Alors que le contrat liant Indianapolis à la Formule 1 n’a pas été reconduit, celui du grand-prix de France à Magny-Cours semble suivre la même destinée. En coulisses, c’est la cohue pour maintenir l’épreuve à flot mais l’avenir de la manche française s’inscrit désormais en pointillée. Les dépassements étant très complexes à opérer sur ce circuit, la qualification est primordiale. Sans perdre de temps, les F2008 prennent le large et que ce soit sur un tour ou sur un relais, personne n’est en mesure de les concurrencer. Du début à la fin, les deux premières positions sont bloquées par les rouges. Leader de la première moitié d’épreuve, Raikkonen est contraint de baisser de rythme, son système d’échappement montrant d’inquiétants signes de faiblesse. Finalement, la mécanique tient le coup et à l’arrivée, ce ne sont pas moins de trente secondes qui séparent le vainqueur Massa du troisième, Trulli sur Toyota. Le championnat aurait-il basculé ? Dans le mauvais sens, oui. Si tout allait plutôt bien jusqu’ici, rien n’ira vraiment correctement dans la deuxième moitié du calendrier. Cela débute par un grand-prix à Silverstone calamiteux sous des conditions apocalyptiques. Les averses incessantes et les multiples erreurs de pilotage ne sont pas sans rappeler l’édition disputée dix ans auparavant. Ce n’est pas un ballet ou du patinage artistique mais à voir ces monoplaces tournoyer sur elles-mêmes donnerait presque le même rendu. Malheureusement, les pirouettes ne font pas avancer et ne font pas marquer de points non plus. Impossible de compter le nombre de tête-à-queue de Massa, probablement trois ou quatre, si ce n’est plus. La F2008 prend l’eau, littéralement. Sous ce déluge, Hamilton sort du bois et glane l’une de ses plus belles victoires devant Heidfeld et Barrichello, tous deux repoussés à plus d’une minute du britannique. Iceman retient tant bien que mal la quatrième place mais un tour complet le sépare du vainqueur, rien que ça. Quant à son équipier, il ne sera classé qu’au treizième rang, à deux tours, peut-être sa plus mauvaise performance en Formule 1. A Hockenheim, c’est encore McLaren qui mène la danse. Les écarts sont très faibles entre les monoplaces anglaises et italiennes mais sur la grille, avantage aux gris. L’anglais creuse un certain gap face à Massa mais l’apparition de la voiture de sécurité en cours d’épreuve modifie totalement les stratégies. Une fois l’évacuation de l’épave de la Toyota de Glock, tout est à refaire dans les deux camps. Après les derniers ravitaillements, le brésilien devance son adversaire britannique, lui-même devancé par un Piquet incroyablement chanceux. A onze tours du but, la McLaren pointe le bout de son nez. La MP4-23 et la F2008 sont roues contre roues. Hamilton joue alors des coudes et tasse Massa vers l’extérieur pour lui chiper la deuxième place. Si le Pauliste tente sa chance en se recalant dans son sillage, il n’y a rien à faire. L’anglais finira même par aller chercher son ancien adversaire en GP2 pour s’adjuger un deuxième succès de rang. Massa, troisième, et Raikkonen, sixième, ne sont que spectateurs de ce malencontreux spectacle, et ce n’est qu’un début. L’histoire se répète en Hongrie. Si Hamilton s’élance de la pole position, c’est bien le brésilien qui prendra le premier virage en tête au prix d’un dépassement à l’extérieur bien calculé. Raikkonen commet quelques erreurs mais tient son rang dans le ventre mou du top 8, loin des performances de son équipier leader. La crevaison touchant la McLaren du britannique devait être une bénédiction pour Massa mais elle tourna au cauchemar. A trois boucles du drapeau à damier, le V8 italien rend son dernier souffle dans un panache de fumée. La fiabilité quasi exemplaire de la monture de Maranello faisait défaut au plus mauvais moment. A ce petit jeu, c’est l'étonnant Kovalainen qui récupère les lauriers, ses seuls en catégorie reine, devant le non moins étonnant Glock, à peine remis de son gros carton allemand. Raikkonen est troisième mais rend plus de seize secondes à son compatriote. L’étau se resserre et même si la Scuderia est bien devant au championnat des constructeurs, celui des pilotes n’est plus leur propriété. La chasse à l’anglais est lancée…

Monaco (2008)

Silverstone (2008)

Valence (2008)

Monaco (2008)
Alors que la tournée européenne touche pratiquement à sa fin, la Formule 1 découvre le premier de ses deux nouveaux tracés en 2008 : le circuit urbain de Valence. Prenant la place de grand-prix d’Europe au Nürburgring, cette piste dessinée à même le port de la ville espagnole, est loin d’être aussi étroite et lente que ce que les pilotes côtoient du côté de la côte d’Azur. Pour cette première séance de qualifications, les F2008 sont aux avant-postes avec un Massa poleman, devançant de trois rangs son équipier finlandais. L’ordre en course n’évolue qu’au gré des ravitaillements et à quinze boucles du but, le classement n’a pas évolué. Pourtant, lors du dernier ravitaillement de Raikkonen, c’est la panique générale. L’homme à la sucette indique au champion 2007 de repartir mais le tuyau d’essence est toujours relié à la voiture. La monoplace avance d’un mètre avant de s’arrêter brusquement, non sans avoir chahuté quelques mécaniciens. La pompe est rapidement déconnectée mais quelques instants plus tard, le V8 italien sonne le glas. Comme sur le Hungaroring, ce sont les derniers kilomètres qui seront fatals pour l’un des deux pilotes. Fort heureusement, Felipe Massa sauve la mise en l’emportant, revenant à six petits points de Hamilton au championnat. Puis c’est au tour de la campagne spadiose d’accueillir la Formule 1. Dans son jardin, Kimi espère redresser la barre et ainsi se relancer dans la course au titre. Placées derrière l’anglais au départ, les F2008 franchissent la ligne droite de Kemmel côte-à-côte avant qu’Iceman ne prenne les devants aux Combes. Au virage de la source, dans le deuxième tour, Hamilton part en tête-à-queue sur une piste légèrement humide, ce qui profite instantanément à Raikkonen, nouveau leader. Si tout devient calme durant une bonne partie de l’épreuve, la pluie s’abat sans prévenir dans les tous derniers instants. Le pilote de la Ferrari n°1 et son rival anglais se passent, se repassent et se dépassent sans cesse dans ces conditions précaires. La pire partira même simultanément à la faute à Pouhon. Dans le Bus Stop, la McLaren manque de peu d’empaler la F2008 mais plus de peur que de mal, le britannique coupe la chicane pour éviter tout contact. Même s’il laisse passer son adversaire, il en profite pour se jeter sur lui au virage suivant pour lui subtiliser la première position. Dans la pénultième boucle, alors que la pluie redouble d’intensité et que les deux leaders sont chaussés des mauvais pneus, c’est le drame. En passant sur la bordure extérieure du virage de Blanchimont, Kimi perd le contrôle de sa monture qui vient s’écraser contre le mur de béton. Encore un abandon si près du but et surtout, très coûteux. Hamilton croise la ligne en tête mais c’est Massa, discret derrière les deux grands animateurs, qui récoltera les lauriers sur tapis verts. N’ayant pas apprécié le passage hors-piste de l’anglais pour dépasser Raikkonen, la direction de course lui inflige une grosse pénalité de temps, le reléguant au troisième rang. Plus que deux points séparent les deux protagonistes du championnat, toujours à l’avantage de la jeune recrue des gris. A Monza, les tifosi s’attendent à voir les rouges triompher mais hélas, la pluie nous dictera un tout autre spectacle. Dans un week-end complètement fou, c’est Vettel et sa très modeste Toro Rosso qui s'accapare la pole position puis la victoire le lendemain. Cet exploit, que Minardi n’avait jamais concrétisé dans le passé, est le seul succès d’un bloc Ferrari hors d’une Ferrari ! Mais si le clan de Faenza peut savourer ce moment d’histoire, la mine est grise à Maranello. Sixième temps en qualifications pour Massa, quatorzième pour Raikkonen, quinzième pour Hamilton, les cadors sont à la peine. Leur course sera des plus compliquée et pour la première fois de ce championnat, aucun des trois hommes forts ne figurent dans le top 5. Le brésilien n’ira pas plus haut que sa sixième position, devançant d’un cheveu l’anglais. Pour le finlandais, pas de points à l’arrivée avec la neuvième place. Alors que Massa et Hamilton ne sont séparés que par un point, le champion du monde 2007 commence à se faire une raison. Dépassé par Kubica pour la troisième marche au tableau des scores, il sait d’avance que c’est son équipier qui aura les faveurs de son écurie. La tournée européenne touche à sa fin et c’est vers une destination des plus exotiques que se déroule le quinzième meeting de l’année : Singapour. Ce circuit urbain, totalement nouveau pour la F1, inaugure une première qui deviendra presque normale vingt ans plus tard : la course nocturne. Sous ces milliers de projecteurs, les monoplaces brillent de mille feux. Les F2008 n’y font pas exception, du moins, en photo. Car sur la piste, c’est une autre histoire. Bien que démarrant devant, Massa n’aura pas la course la plus simple et cela n’a qu’une raison : le crashgate. Au quatorzième tour, Piquet crashe violemment sa Renault. La voiture de sécurité entre en piste. Dans les stands, c’est la cohue. Toutes les équipes se préparent à ravitailler en essence et en pneus. Le brésilien arrive en premier mais dans la précipitation, il redémarre trop rapidement. Comme à Valence, le tuyau d’essence est encore raccordé à la F2008 lorsqu’elle repart mais cette fois-ci, le problème est bien plus grave. Massa arrache complètement le système, l’obligeant à s’arrêter en bout de pit-lane pour attendre que ses mécaniciens viennent réparer les dommages. En plus de perdre un temps monumental, il oblige, inconsciemment, Raikkonen à patienter lui-aussi. La Scuderia sombre dans l’horreur. Pour achever ce grand-prix cauchemardesque, Kimi écrase sa machine contre les murs en béton dans les dernières minutes de course. Reparti bon dernier, Felipe n’aura pas la possibilité de faire mieux que treizième. Le championnat venait de prendre un tournant dramatique…
L’étonnant triomphe d’Alonso et de sa Renault à Singapour repousse à sept le nombre de vainqueurs cette saison-là, une première depuis 2003. Dans le même temps, chez Ferrari, c’est réunion de crise. Beaucoup trop d’erreurs ont été commises ces derniers temps. Les deux championnats, qui auraient pu être soulevés haut la main, sont à présent dans l’escarcelle de Hamilton et de McLaren-Mercedes. Avec trois grands-prix à disputer, la Scuderia n’a plus qu’une idée en tête : monopoliser les premières places. C’est à Fuji que ce défi colossal est entamé. Comme à l’habitude, les F2008 et les MP4-23 figurent parmi le top 5 en qualifications. Au moment de s’élancer, Raikkonen prend un magnifique envol, effaçant instantanément Hamilton mais l’anglais ne l’entend pas de cette oreille et tente une audacieuse manœuvre au premier virage. Le pilote McLaren sera pénalisé pour ce risque inutilement pris. La Ferrari doit sortir large, rejoignant la file en milieu de peloton, à côté de son équipier. Au deuxième tour, au moment de passer dans la chicane, Hamilton et Massa luttent âprement mais en l’espace de quelques secondes, le duel tourne à l’accrochage. En voulant sauver sa position, le brésilien escalade le vibreur intérieur et percute son rival, à contre-sens. La F2008 n°2 écope d’un “drive through” avant de connaître un nouveau contact un peu plus tard avec Bourdais. De gros points sont encore perdus, bien que son adversaire ne soit qu’un lointain douzième. Raikkonen tente de sauver les meubles mais Alonso et Kubica sont au-dessus du lot ce jour-là. L’espagnol remporte un deuxième succès consécutif, le dernier de l’écurie Renault en Formule 1. Avant de rejoindre le Brésil pour la grande finale, la Formule 1 fait une halte en Chine, sur le tracé de Shanghai, théâtre de l’enlisement de Hamilton un an auparavant. Le britannique sait apprendre de ses erreurs et cela se voit. Pole, victoire, meilleur tour, ce grand-prix était pour lui. La Scuderia aura beau tout tenter, il faudra se contenter des deuxième et troisième places finales. A Interlagos, la donne est simple : Massa doit gagner. Si l’anglais atteint le top 5, le championnat des pilotes est condamné. Comme très souvent en cette année 2008, la pluie est présente et comme souvent, le spectacle est au rendez-vous. La séance de qualifications voit le Pauliste réaliser le meilleur temps, quatre dixièmes devant Raikkonen et Hamilton, troisième et quatrième sur la grille. Alors que les premiers tours sont neutralisés pour évacuer la Red Bull du nouveau retraité Coulthard, beaucoup de travail reste à faire. Durant soixante-six boucles, rien ne bouge comptablement parlant. C’est alors que de grosses gouttes arrosent copieusement le bitume en quelques minutes. Bon nombre de pilotes prennent garde et repassent aux stands pour chausser les gommes adéquates. C’est alors qu’à deux tours du but, tandis que Massa mène, Vettel chipe la cinquième place de l’anglais. Le retournement de situation est irréel ! Jamais le britannique de parviendra à reprendre son bien. Sous le drapeau à damier, Felipe Massa passe en vainqueur, mais surtout, en champion du monde de Formule 1 ! Enfin, presque. Dix secondes plus tard, Hamilton est affiché au cinquième rang. Les larmes de joie du clan Ferrari se transforment brutalement en stupeur. Comment est-ce possible ? Rapidement, les premiers ralentis apparaissent et ô surprise : Glock, encore en pneus pour piste sèche, se sort dans le dernier virage et laisse la porte grande ouverte à Hamilton. Pour un petit point, le pilote Ferrari doit s’avouer vaincu. Il ne se remettra jamais de cette cruelle défaite. Maigre consolation pour la Scuderia que ce titre de champion des constructeurs, le dernier encore à ce jour…

Marina Bay (2008)

Fuji (2008)

Interlagos (2008)

Marina Bay (2008)
Y a t’il eu une issue plus cruelle en Formule 1 ? Abu Dhabi 2021 s’en rapproche indéniablement mais reste un cran en dessous de 2008. Jamais un championnat ne s’était joué pour si peu, pour quelques maigres secondes, pour un seul virage. Comment en est-on arrivé là ? La faute à pas de chance ? Pas vraiment. A y regarder de plus près, la Scuderia Ferrari avait tout pour réussir. Les pilotes, la monoplace, la stratégie, tout était réuni pour s’imposer. Le problème, ce sont toutes ces petites erreurs et cette fiabilité calamiteuse au plus mauvais moment. Là où il fallait chercher les gros points, Ferrari était là mais au final, il y a trop d’opportunités gâchées. Le titre n’est pas réellement perdu à Interlagos, il l’est tout au long de l’année. Il n’empêche que la F2008 reste couronnée. Avec huit victoires et poles position, treize meilleurs tours en course et dix-neuf podiums, la monoplace rouge aura fait tourner les têtes. Probablement la plus rapide et la plus simple à piloter, elle aura pourtant lutté jusqu’au bout du bout pour décrocher une seizième étoile mondiale. Mais quand, un an plus tard, la Formule 1 apprend l’affaire du crashgate, c’est toute la Formule 1 qui tremble. Ce jour-là, au grand-prix de Singapour, Renault demanda à Piquet de volontairement détruire sa machine pour provoquer l’entrée en piste de la voiture de sécurité et ainsi d’offrir à Alonso la première place tant convoitée. Cet incident avait causé beaucoup de tort à la Scuderia lors des arrêts prématurés. Encore aujourd’hui, cette polémique fait parler et pour cause : Massa fait tout son possible pour faire annuler les résultats, presque vingt ans plus tard…
La Ferrari F2008 en chiffres...
Grands-prix :
18
Victoires :
8
Podiums :
19
Poles Position :
8
Meilleurs Tours :
13