Ferrari F2004

Quelqu’un aurait-il vu de la concurrence en 2004 ? La Ferrari F2004 la cherche toujours…
Malgré l’obtention des deux titres en 2003, la Scuderia Ferrari se sait grandement menacée. Le retour en forme des McLaren-Mercedes, Williams-BMW et Renault a réellement dynamité la domination rouge du début du siècle. Longtemps menacé, le Baron Rouge a renversé la tendance en toute fin de championnat. Avec un règlement très proche en 2004, la tendance va au resserrement général, bien que les moteurs doivent désormais tenir la durée d’un week-end de course. Les ailerons arrière sont aussi retouchés avec la suppression de l’une des trois ailettes pour réduire les vitesses de passage en courbe. Au final, la F2004 se veut être l’évolution la plus poussée de la F2003-GA, elle-même issue de la phénoménale F2002. Dans le plus grand secret, à Maranello, Ross Brawn, Rory Byrne et Aldo Costa avance le développement de la monoplace rouge en améliorant par petites touches, gommant les défauts de sa prédécesseure. Les pneumatiques, qui auront été l’élément critique de 2003, seront encore la clé en cette nouvelle saison alors quoi de mieux que de se lier davantage avec le manufacturier Bridgestone. Après sa présentation officielle le 26 Janvier 2004, la F2004 foule le circuit maison de Fiorano. Objectif : battre le record de la dernière née de Maranello avec son temps de 56,33 secondes. Ce sera chose faite dès les premiers essais avec un 55,999 établi par M.Schumacher, un temps canon qui n’a toujours pas été battu à ce jour. Le coeur de la bête reste ce V10 de 3L à 90°, culminant à 18 300 trs/min, pour une puissance de plus de 865 cv, couplé à une boîte de vitesses en titane retravaillée. Beaucoup d’éléments changent par rapport à la F2003-GA mais s’il y a bien un composant qui ne peut être modifié, c’est la couleur. Sans surprise, la Ferrari est rouge, rien que ça. Subsiste tout de même les quelques touches de blanc apportées par le cigarettier maison. Du côté de l’équipage, Jean Todt refait confiance, sans réelles surprises, à son duo gagnant, le sextuple champion allemand M.Schumacher, et son fidèle lieutenant, Barrichello.
Avant d’entamer la saison à Melbourne, la Scuderia fait une halte sur la piste d’Imola afin d’évaluer les réelles capacités de leur nouvelle machine. Quel ne fut pas l’étonnement de toute l’équipe lorsque le Baron Rouge améliore de trois secondes la pole position de 2003 dans des conditions bien moins idéales pour la monoplace. Ce terrifiant résultat ne sera pas un secret de polichinelle très longtemps. Serait-ce fait exprès de la part de Ferrari ? Pas impossible. Le tracé de l’Albert Park, même s’il n’est pas vraiment représentatif de la saison à venir, apportera déjà quelques éléments de réponses. Et il n’aura pas fallu très longtemps pour que la concurrence se rende compte de la montagne à gravir pour, ne serait-ce, titiller les italiennes. Sur la grille de départ, les F2004 sont devant et largement. Six dixièmes de mieux sur un tour, voilà qui ne ravit pas forcément les autres écuries et les fans de batailles. Le grand-prix ne verra guère plus d’optimisme pour les rivaux de la Scuderia. Si Montoya passe proche de la correctionnelle avec Barrichello dans le premier virage, rien d’autre ne perturbera les F2004. Les deux monoplaces rouges s’envolent de concert, ne laissant jamais une opportunité à quiconque de réduire l’écart. L’ordre du départ, l’allemand devant le brésilien, ne changera pas au cours des cinquante-huit boucles, même lorsque les italiennes ravitaillent aux stands. Sans forcer, M.Schumacher l’emporte avec une marge de treize secondes sur son équipier mais surtout, une valise de plus d’une demie-minute sur Alonso, troisième avec sa Renault. Le championnat à beau être le plus long de l’histoire avec dix-huit rendez-vous, tout le monde s’attarde à dire qu’il est déjà plié. Mais alors, serait-il possible de faire encore mieux qu’en 2002 ? Le pari est osé mais pas irréalisable. En Malaisie, sur le circuit de Sepang, la chaleur moite fait monter les cerveaux des ingénieurs en pression. Ferrari ne peut relativiser, même après une victoire si simplement acquise. Ne reculant devant rien, la Scuderia va même jusqu’à faire rouler deux autres châssis en parallèle en Europe pour trouver les réglages optimaux. Cela se ressent avec la nouvelle pole position du sextuple champion, encore six dixièmes devant le reste du plateau, à commencer par son équipier, relégué au troisième rang derrière le surprenant Webber. Malheureusement pour l’australien, sa Jaguar peine à s’envoler et dès le premier virage, l’histoire se répète. A cela près qu’à Kuala Lumpur, les très hautes températures et les quelques gouttes de pluie redonnent de l’élan aux gommes Michelin. Montoya et Button resteront à l’affût d’une potentielle erreur de la Ferrari n°1 mais il n’en sera rien. Abandonnant la première place l’espace de quelques kilomètres, le Kaiser retrouve la plus haute marche du podium devant la Williams et la BAR pour une poignée de secondes. Barrichello s’avoue vaincu, échouant à la porte du top 3. Voilà qui n’arrange pas les choses pour celui qui se voulait arbitre face à son coéquipier. La troisième manche de la saison se déroule sur le tout nouveau tracé de Sakhir, en plein milieu du désert de Bahreïn. Là encore, la chaleur est écrasante et les pneumatiques ne devraient pas apprécier ces grosses accélérations successives. Mais là encore, la F2004 est comme un poisson dans l’eau. Au milieu des palmiers et du sable, Schumi atomise la concurrence en qualifications comme en course. Pole position, meilleur tour en course puis victoire le dimanche, rien ne lui résiste. La seconde F2004 franchit le drapeau à damier en seconde position, de quoi assurer le deuxième doublé de la saison, loin, très loin de Button, troisième à plus de vingt-six secondes du vainqueur. En plus d’être très performante et puissante, la monture italienne est incroyablement fiable. Là où presque la majorité des écuries ont déjà perdu au moins une voiture sur pépins mécaniques, les machines de Maranello avalent les kilomètres sans broncher. Qui pourra les arrêter ? Personne a priori…

Melbourne (2004)

Sakhir (2004)

Imola (2004)

Melbourne (2004)
L’outrageuse domination des F2004 n’est en rien impactée par l’arrivée en Europe. Avec la proximité des installations de chaque équipe, tout le monde fait évoluer sa monoplace avec un seul but : battre Ferrari. C’est le circuit d’Imola qui ouvre le bal de la saison européenne, théâtre de la première claque infligée par les voitures de Maranello avant l’ouverture officielle de cette folle campagne. Pourtant, ce n’est pas une F1 rouge qui se place en pole position le jour du grand-prix. Avec un temps quatre dixièmes plus lent que son record du mois de Février, M.Schumacher se contente de la deuxième position derrière Button, poleman pour la première fois de sa carrière. Il faut dire qu’avec un seul tour chronométré, le moindre écart peut ruiner toutes vos chances. Barrichello n’est que quatrième, à sept dixièmes du meilleur temps, un gouffre si l’on compare à aujourd’hui. A l’extinction des feux, la BAR-Honda prend les devants mais derrière, c’est la foire d’empoigne. Montoya tente une première manœuvre sur le sextuple champion allemand avant Villeneuve mais la porte se ferme sous son nez. Beau joueur, le colombien retente à Tosa mais par l’extérieur. Les deux monoplaces sont côte-à-côte mais à la décélération, Michael tasse le pilote Williams qui n’a d’autres choix que de lever le pied. Rapidement, l’écart se crée entre les deux hommes tandis que celui avec le leader suit la progression inverse. Après huit tours, Button s’arrête aux stands. La F2004 s’empare du commandement pour ne plus jamais le quitter. Neuf secondes d’avance sous le drapeau damier pour le Kaiser, encore une belle réussite pour le cheval cabré même si Barrichello ne parvient pas à accrocher le top 5 final. Cette petite déconvenue sera vite oubliée car en Espagne, la concurrence prend l’eau. Sur ce circuit réputé traître pour les pneus, les Bridgestone répondent parfaitement. Très agile, incroyablement stable, tellement rapide, la F2004 repousse presque l’adversité dans une catégorie inférieure. Pour que l’efficacité soit parfaite, la Scuderia maîtrise les courses avec des stratégies bien rodées et des arrêts ravitaillements optimaux. Peu avant la mi-course, le duo Schumacher-Barrichello bloque les deux premiers rangs pour ne plus jamais les quitter. Encore repoussés à minimum trente secondes, les autres pilotes commencent sérieusement à ronger leur frein. Mais si la machine rouge est infaillible sur tout tracé, qu’en sera-t-il dans les rues de la principauté de Monaco ? Dans ces rues exiguës, la monoplace italienne est plus à la peine. La supériorité dans les domaines moteur et aérodynamique est gommée sur ce circuit si particulier et unique en son genre. Sur la grille, la voiture n°1 ne pointe qu’au quatrième rang, devancée par les Renault de Trulli et Alonso et la BAR-Honda de Button. Il faut redescendre en sixième place pour retrouver Rubinho. Dépassées par Raikkonen et Sato au départ, les italiennes profitent cependant des très nombreux incidents pour remonter sur le devant de la scène. Après la casse moteur du japonais, la cabriole de Fisichella et l’accident de l’espagnol, M.Schumacher retrouve sa position préférentielle : la première. Mais alors que la voiture de sécurité est déployée, coup de théâtre. A la sortie du tunnel, sa F2004 réapparaît à la lumière du jour, train avant démoli. En faisant chauffer ses gommes et ses freins, l’allemand se fait percuter, à faible vitesse, par Montoya, surpris dans son sillage. Résultat : un abandon inédit qui l’empêchera de sceller la passe de six. Barrichello pourrait renverser la tendance mais son rythme est trop inférieur à celui des leaders. S’il arrache la troisième place finale, le vainqueur Trulli n’était plus très loin de lui prendre un tour d’avance. l’épopée fantastique des rouges prend fin, du moins, un temps…
La défaite de Monaco laisse forcément un goût amer à la Scuderia même s’il n’existe aucune raison de s’affoler outre mesure. Les italiens, déjà bien largement devant au tableau des scores, savent pertinemment que leur avance n’est pas prête de se réduire à néant. La confirmation ne tarde pas puisqu’au Nürburgring, pour le grand-prix d’Europe, M.Schumacher signe son dix-neuvième hat-trick : pole, victoire, meilleur tour. Le Baron Rouge ne sera jamais inquiété chez les siens. Sa parfaite osmose avec sa monture lui permet de repousser Barrichello à plus d’une seconde sur l'exercice du tour lancé, un boulevard. Parti septième, le brésilien ne démord pas et remonte rapidement le paquet pour finalement terminer deuxième, à plus de quinze secondes de son leader. Les deux caracolent en tête du championnat et la question n’est plus de savoir qui sera titré mais quand Michael le sera. Avec le nouveau barème entré en vigueur en 2003, l’issue de cette campagne 2004 pourrait être repoussée à la fin de l’été. Comme chaque saison, le mois de Juin est l’occasion pour la Formule 1 d’entamer sa tournée nord-américaine avec les courses canadienne et américaine. Toujours très à l’aise sur ces terres, l’allemand et son équipe ne se font que très peu de soucis pour leur quête de nouveaux succès. Pourtant, sur le tracé Gilles-Villeneuve, Schumi ne pointe qu’au sixième rang sur la grille de départ, le septième pour Barrichello. La course s’annonce alors palpitante mais c’est sur le plan stratégique que la poudre va parler. En optant pour deux arrêts aux stands, contre trois pour les écuries adverses, la Scuderia tente le pari et cela sera payant. Avec les abandons des deux Renault, seul Ralf Schumacher parvient à séparer les F2004. Avec des gommes plus fraîches que son ainé, le pilote Williams-BMW donne tout pour cravacher mais il est trop tard. Le Baron Rouge reporte son deuxième succès consécutif, son septième à Montréal. Barrichello franchit l’arrivée deux positions plus bas mais grimpera en dauphin sur le podium, les Williams et Toyota étant disqualifiées pour freins non-conformes. A Indianapolis, la puissance du V10 fait le travail. Petite surprise avec la pole position de Rubinho devant Schumacher, bien décidé à renverser la tendance. Au moment de s’élancer, une drôle de scène apparaît sur les écrans du monde entier. A cause d’une monoplace qui ne démarre pas, Montoya s’autorise un sprint en direction du garage Williams pour sauter dans son mulet, manœuvre interdite qui lui vaudra plus tard une disqualification. Les feux s’éteignent mais après quelques secondes, l’épreuve est déjà neutralisée par la Safety Car. Une fois les voitures de Massa, Pantano, Bruni et Klien évacuée, la course reprend. Avant même de repasser la ligne, la Ferrari n°1 se glisse dans l'aspiration de la seconde machine italienne avant de déboiter au premier virage. Rubinho n’aura tenu longtemps. Tout s’emballe au tour suivant avec la crevaison et l’accident d’Alonso, alors troisième. Quelques secondes plus tard, c’est Ralf Schumacher qui sort violemment dans le banking du dernier virage. Le crash est extrêmement violent et le pilote sérieusement blessé. A chaque passage, Michael observe la lente extraction de son frère, évacué avec de multiples vertèbres fracturées. Toute cette agitation ne sera plus qu’un lointain souvenir au moment de la relance. Dès lors, les F2004 sont inatteignables. Si le brésilien tient le rythme de son équipier, c’est bien ce dernier qui sera couronné vainqueur, une fois encore. La résistance tente de prendre place en France et sur le tracé de Magny-Cours, ce sont les Renault qui mènent l’offensive. Alonso chipe la pole à son futur grand rival allemand alors que Barrichello retombe en cinquième ligne sur la grille de départ. Sur un circuit où dépasser n’est pas chose facile, Ferrari brillera de mille feux grâce à ses fins stratèges. Alors que la R24 de son adversaire semble s’envoler vers un succès certain, le muret des stands décide d’imposer une audacieuse stratégie à quatre arrêts ravitaillements. De ce fait, le Kaiser n’a qu’à enchaîner les tours de qualifications pour effacer le piège français. Le pari était osé mais il est bel et bien gagnant. Alonso échoue à huit secondes de sa première victoire de la saison, qui ne viendra finalement jamais. M.Schumacher savoure ce succès presque inespéré, entièrement dédié au staff de Maranello, signe d’une cohésion parfaite entre toutes les entités. Même Barrichello viendra gâcher la fête tricolore en dépassant Trulli pour la troisième marche du podium dans le pénultième virage du grand-prix, une douche froide qui ne sera pas sans conséquences pour l’italien. Alors que la première moitié du championnat est passée et que les tifosi ont arrosé presque tous les triomphes, beaucoup commencent à se projeter sur 2005, une année aux grands changements aérodynamiques mais pour l’heure, Ferrari ne s’en inquiète pas. L’écurie de Maranello pourrait même utiliser une grande partie de leur monture actuelle pour les saisons à venir. Ou pas…

Monaco (2004)

Magny-Cours (2004)

Spa-Francorchamps (2004)

Monaco (2004)
Dans le jardin anglais de Silverstone, les rouges se font ravir la pole position par un nouvel adversaire de choix : McLaren-Mercedes. Grande absente des avant-postes depuis le début de saison, l’écurie de Woking semble revenir dans le droit chemin et même si l’avance de la Scuderia au championnat est incommensurable, les flèches d’argent croient toujours en un renversement de situation. C’est donc Raikkonen qui s’élance de la première place de la grille devant Barrichello alors que sur la ligne suivante, Button devance Schumacher. Le départ du finlandais est fantastique et son écart ne cesse de grandir tour après tour. Alors que le pilote brésilien de Ferrari le suit dans sa stratégie à trois arrêts aux stands, le Baron Rouge prend le pari du deux pit-stop. Englué dans le trafic, Iceman et Rubinho perdent un temps considérable à l’inverse du Kaiser, poussant sa monture à l’extrême limite pour retrouver le leadership juste après son premier changement de gommes. Les trois premières voitures se suivent de très près et après le deuxième passage aux stands, l’ordre reste inchangé. Mais à quelques tours de l’issue de ce grand-prix incertain, Trulli provoque l'apparition de la voiture de sécurité après une effrayante perte de contrôle suivie d’un tonneau dans le virage de Priory. Le peloton se resserre mais surtout, Raikkonen et Barrichello en profitent pour s’arrêter une dernière fois. Les gommes sont fraîches et l’attaque incessante mais face à Schumi, il n’y a rien à faire. Malgré une monoplace un poil moins performante, le sextuple champion du monde ravit aux anglais une cinquième victoire consécutive. Sur la piste de Hockenheim, le Baron Rouge profite du soutien de ses fans pour briller à nouveau sur l’exercice des qualifications mais derrière, l’écart se resserre considérablement. Désormais, les BAR, Williams, McLaren et Renault sont à même de disputer la seconde place avec Barrichello derrière l’intouchable allemand. Ce dernier déroulera sans frémir, empochant avec une facilité déconcertante un sixième succès consécutif, égalant son record personnel établi entre 2000 et 2001 mais également, son onzième de l’année, équivalent à 2002. Pour l’autre F2004 en revanche, l'histoire n’est pas tout aussi rose. A l'abord de la grande épingle, Rubinho harponne la McLaren de Coulthard et y laisse son aileron avant. Obligé de s’arrêter dès le premier tour, il ne pourra jamais revenir aux avant-postes pour lutter face à Button ou Alonso, ces deux hommes nous offrant un combat épique après l’abandon spectaculaire du troisième larron, Kimi Raikkonen, trahi par son aileron arrière dans le rapide premier virage. Et que dire du week-end hongrois. Comme presque toujours depuis l’entame de saison, les Ferrari sont incroyablement véloces, peut-être plus que sur n’importe quel autre circuit. La domination des rouges est sans partage et jamais Schumacher et Barrichello ne seront détachés des deux premières places. Une grosse fuite de la pompe à essence dans le stand de la Scuderia aurait pu contrecarrer les plans mais non, les italiens outrepassent cet ennui. Avec une marge de presque quarante-cinq secondes sur Alonso, les F2004 s’offrent un nouveau doublé avec, en prime, le titre de champion des constructeurs. Le championnat est écrasé et le pire, c’est qu’il n’est toujours pas terminé. En accrochant une septième victoire consécutive, le Kaiser entre un peu plus dans l’histoire en égalant le record d’Ascari de 1952 et 1953 mais surtout, il abat sa précédente domination d’il y a deux ans en récoltant les lauriers une douzième fois en treize manches. Rien d’étonnant donc à ce qu’à Spa-Francorchamps, la première balle de match soit dans son camp. Seul Barrichello reste mathématiquement en lice mais plus personne n’y croit. Étonnement, les monoplaces transalpines ne sont pas autant en forme sur le toboggan des Ardennes. Deuxième et sixième sur la grille, elles échappent tant bien que mal au carnage du premier virage impliquant Button, Massa et Fisichella, puis à Eau Rouge avec le carambolage entre Webber, Sato, Bruni et Pantano. Lorsque les voitures repartent, les deux Renault et les McLaren sont déjà bien devant. M.Schumacher se fait même surprendre au Bus Stop par Montoya et par l’extérieur ! Mais s’il y a une chose qui sauve la Scuderia, c’est sa fiabilité et sa chance. Là où Alonso abandonne sur casse moteur, là où Montoya accroche Trulli, là où Coulthard arrache son aileron avant sur Klien avant de crever, les F2004 continuent leur petit bonhomme de chemin, derrière Raikkonen. La voiture de sécurité interviendra trois fois au total, resserrant toujours le peloton. Malgré la présence intimidante du Baron Rouge dans ses rétroviseurs, Iceman ne bronche pas et tient le cap pour offrir à McLaren son premier et seul succès en 2004, à peine trois secondes devant l’allemand. Cette défaite pour Schumi ne sera pas totale puisqu’en scorant les huit points de la deuxième place, il s’adjuge un septième titre mondial, une performance héroïque et historique. Personne n’aura été meilleur que lui. Comme les années passées, sa science de la course, sa faculté à tirer le maximum de sa monoplace et l’engagement de son équipe auront fonctionné dans la symbiose la plus totale à savoir, la perfection. Maintenant que les jeux sont faits, la pression peut-être relâchée, peut-être un peu trop du côté de Michael…
Auréolée du titre de champion, la Scuderia Ferrari aborde son week-end à domicile avec le ferme intérêt de gagner chez les siens. En qualifications, Barrichello détrône Montoya dans les livres de record en s’octroyant la pole position la plus rapide jamais effectuée à plus de 260 km/h de moyenne. Le lendemain cependant, les conditions météorologiques ne sont pas les mêmes et juste avant le départ, la piste est encore légèrement détrempée. De nombreux pilotes optent pour les gommes intermédiaires, mais pas Schumacher. L’allemand tente de survivre mais court-circuite la première chicane avant de partir en tête-à-queue et de retomber quinzième à l’issue du premier tour. Si le brésilien déroule jusqu’à la ligne d’arrivée, réalisant au passage le meilleur tour jamais effectué en course à Monza, son équipier nouvellement couronné cravache. Plus le grand-prix avance et plus son rythme augmente avec un tarmac séchant. Une sortie de piste d’Alonso plus tard et un dépassement sur un Button gêné dans le trafic offriront aux tifosi un formidable épilogue avec le doublé des voitures rouges sur leurs terres. Rubinho gagne enfin, mais un peu tard. Le pauliste qui rééditer la performance lors du tout premier meeting chinois à Shanghai dans une épreuve particulièrement disputée en haut du classement. Alors que M.Schumacher commet bévues sur bévue, son équipier résiste aux assauts incessants de Button et Raikkonen. Les trois hommes terminent roues dans roues en moins de deux secondes. Les déboires de l’allemand auront débuté très tôt avec un changement de moteur obligatoire avant les qualifications, l’obligeant à partir depuis la voie des stands. Jamais en confiance avec sa monoplace, Schumi se contentera d’une lointaine douzième place, sa première fois hors des points depuis son accident au Brésil en début d’année 2003. Mais le Baron Rouge n’a rien perdu de son talent et sur l’iconique piste de Suzuka, le septuple champion remet toutes les pendules à l’heure. Pole position avec la manière, tous les tours menés, une large victoire, seul le meilleur tour manque. C’est son voisin de garage qui l’obtiendra pour quelques centièmes de seconde mais ce ne sera qu’une maigre consolation pour le brésilien, abandonnant pour la seule fois de l’année après un rude contact avec Coulthard à la chicane finale. En ajoutant une treizième victoire à son palmarès, juste devant son frère fraîchement rétabli, M.Schumacher entre encore un peu plus dans l’histoire. Il sera épaulé par Vettel en 2013 puis battu par Verstappen en 2022 et 2023, mais avec plus de courses à disputer. Cette grandiose saison 2004 prend fin au Brésil, sur le circuit d’Interlagos, désormais repoussé en fin de championnat. Plus rien n’est à jouer ce qui n’empêche pas les pilotes de continuer à pousser, à l’image de Schumi, piégé par une grosse sortie de piste le samedi. Si Barrichello mène la danse en qualifications, la pluie qui tombe le jour de la course n’aide en rien la Scuderia. Les F2004 sont larguées si bien que ni M.Schumacher ni Barrichello ne figurent à moins de vingt secondes du vainqueur colombien, Montoya. Poleman, le pauliste ne sera, encore une fois, pas prophète chez les siens, devant se contenter de la troisième place finale, loin devant son équipier. Un allemand qui, après être parti du fond de grille, perd sa monoplace dans le premier enchaînement après quelques minutes de course. S’il repart, ce n’est que pour jouer les derniers points alloués avec la septième position finale. Le pourcentage de succès en une saison d’Ascari ne sera finalement pas battu, du moins pas encore…

Shanghaï (2004)

Suzuka (2004)

Interlagos (2004)

Shanghaï (2004)
Au final, la F2004 figura sur tous les podiums de l’année 2004, avec quinze victoires, dont treize de M.Schumacher, soit quasiment les trois-quarts des courses de l’année. A ces statistiques impressionnantes s’ajoutent les douze pôles position et les quatorze meilleurs tours en course. Avec sa fiabilité sans failles, la F2004 n’aura souffert d’aucun problème mécanique les dimanche, les seuls abandons étant causés par des accidents. Jamais la Scuderia n’avait connu une telle domination, peut-être encore plus écrasante que deux ans auparavant. Sans l’incident de Monaco et le relâchement de fin de saison, Schumacher aurait sûrement pu viser la totalité des grands-prix cette année-là. Rubens n’aura pas eu toutes les cartes en main pour rivaliser avec l’allemand mais ces belles prestations au fil de l’année n’auront pas été de trop pour permettre à l’écurie de Maranello de rafler son sixième constructeur consécutif. En 2005, Ferrari décide de réutiliser la F2004 (rebaptisée F2004M) pour les premiers grands-prix en respectant les modifications réglementaires requises mais la supériorité des Renault et des McLaren-Mercedes obligeront l’écurie italienne à sortir plus tôt que prévu leur F2005. Excès d’optimisme ? Peut-être un peu…
La Ferrari F2004 en chiffres...
Grands-prix :
18
Victoires :
15
Podiums :
29
Poles Position :
12
Meilleurs Tours :
14