Ferrari 312 T4
Une citation du Commendatore résume à elle seule la philosophie de cette monoplace : « Les voitures de course ne sont ni belles, ni laides. Elles deviennent belles quand elles gagnent. ». La 312 T4 avait beau être hideuse, elle rafla pourtant tout.
Les années 70 et Ferrari, une histoire faite de hauts et de bas. Bien sûr, il y a eu Ickx, Regazzoni,et surtout Lauda et ses deux titres, mais aussi de grandes désillusions comme la méforme des 312 B2 et B3, le final de Fuji 1976 ou encore la tentative de contrer la fabuleuse Lotus 79 en 1978. A Maranello, personne n’accepte que les rouges se fassent battre, surtout après le triomphe presque parfait des 312 T et 312 T2. Si la 312 T3 n’a pas vraiment connu son heure de gloire à cause de l’avance faramineuse prise par Lotus et son effet de sol merveilleux, l’envie de bien faire et de renverser la tendance reste plus forte que tout. Pour 1979, Ferrari n’a cependant pas le choix : il faut faire fonctionner cette drôle de sorcellerie qu’est l’effet de sol. A l’aide de conduits dessinés directement sur le plancher et de jupes coulissantes dans les pontons, la monoplace est littéralement aspirée par la piste, gage de vitesse en virage non-négligeable. La 312 T4 n’échappe donc pas à la règle mais pour les italiens, cette technologie est trop nouvelle pour être parfaitement mise au point. Ainsi, durant toute la durée de la saison, les 312 T4 mangeront leur pain noir sur les pistes les plus bosselés du calendrier. De ce fait, la voiture dispose de longs pontons rasant le sol, d’un cockpit allongé portant jusqu’à l’aile avant mais surtout, deux types d’ailerons arrière utilisés selon les circuits, le premier plus traditionnel avec son mât central, le second bien plus imposant, juste devant les roues arrière. Dans les entrailles de la bête, un douze cylindres à plat de 515cv anime le monstre jusqu’à 12 300 trs/min. Pour tenter de renverser les noir et or, Ferrari fait confiance à Villeneuve, pilote d’exception qu’Enzo Ferrari en personne admire énormément, et Jody Scheckter, nouveau venu en Italie mais loin d’être un débutant volant en main. Reste à savoir comment se passera l’entente entre les deux hommes au tempérament bien différents…
Mais en cette entame de saison 1979, la 312 T4 n’est pas totalement prête. Avant son entrée en piste à Kyalami, Scheckter et Villeneuve ressortent du garage les 312 T3 de l’année passée, performantes mais déjà dépassées. C’est en Argentine, sur le circuit de Buenos Aires, que s’ouvre cette campagne. Beaucoup d’écuries étrennent ici de nouveaux modèles, à l’instar des français de Ligier ou les anglais de chez Brabham ou Tyrrell avec à chaque fois, des monoplaces disposées à utiliser l’effet de sol. Les jupes coulissantes raclent la piste et finissent par dominer, sans surprise. Enfin, du côté des surprises, Ligier ne s’en sort pas trop mal. Leur nouvelle JS11 surpasse déjà la Lotus 79 et de loin puisque les deux voitures bleues occupent la première ligne. Chez les rouges en revanche, l’absence de cet effet de sol coûte cher. Si Scheckter réussit brillamment à se qualifier cinquième, Villeneuve est relégué au dixième rang, plus de deux secondes et demie derrière le poleman, Laffite. Le départ est le théâtre d’un carambolage touchant bon nombre de pilotes, dont le sud-africain de chez Ferrari.Malgré la sortie du drapeau rouge et la présence d’un mulet chez les italiens, Scheckter ne peut prendre part au second départ : il s’est foulé l’un de ses poignets durant l’accident et n’est donc pas jugé apte pour reprendre le volant, ce qu’il réfuta pourtant. Pour Villeneuve, l’issue n’est pas meilleure. Englué dans le ventre mou du peloton, le québécois ne parvient même pas à se battre pour les points et finira même par renoncer à quelques kilomètres du but, transmission défectueuse. Les 312 T3 ne sont donc pas en grande forme, à l’inverse des étonnantes Ligier, première et quatrième sous le drapeau à damier. La Formule 1 rejoint ensuite le Brésil et son circuit d’Interlagos. La nouvelle 312 T4 est sur le point d’être terminée mais c’est encore l’ancien modèle qui sera de sortie sur cette piste très bosselée. L’écart avec les voitures à effet de sol est donc ici amoindri, profitant aux 312 T3, cinquième et sixième au moment du départ. Si la monoplace de Villeneuve dispose de quelques nouveautés tests pour la future machine, Scheckter roule avec la version basique, ce qui ne présente pas un réel désavantage. Les pilotes resteront de concert durant tout le grand-prix, échangeant uniquement leurs positions par le biais des arrêts aux stands. Cinquième et sixième à l’arrivée, synonyme de premiers points inscrits, un moindre mal pour une voiture terminant à plus d’un tour des vainqueurs français…
Buenos Aires (1979)
Kyalami (1979)
Kyalami (1979)
Buenos Aires (1979)
C’est donc à Kyalami, en Afrique du Sud, que Ferrari présente officiellement sa nouvelle machine de course : la 312 T4. La monoplace est plutôt disgracieuse à première vue, reste à savoir si elle fonctionne correctement. Sur ce circuit situé très haut en altitude, les moteurs atmosphériques peinent à trouver les chevaux, à l’inverse des turbocompressés, uniquement utilisés par Renault à ce moment-là. Et c’est bien une monoplace jaune qui arrache la pole, celle de Jabouille en l’occurence, première voiture à utiliser la suralimentation à réaliser cet exploit. Derrière le français, les 312 T4 démontrent leur plein potentiel en arrachant les deuxième et troisième temps, de bonne augure pour la course tant la fiabilité du bloc français reste relative. Au moment du départ, la piste est encore sèche mais au bout de quelques secondes, un orage éclate. Funambule extraordinaire, Villeneuve parvient à effacer le poleman avec ses gommes slicks, juste avant que l’épreuve ne soit interrompue. S’il décide de repartir chaussé de pneus pluie, Scheckter préfère les slicks. Le régional de l’étape n’a pas tord car la piste sèche vite mais le temps de trouver l’ouverture sur la RS01 jaune, son équipier s’est échappé. Après son arrêt ravitaillement et des gommes fraîches, Villeneuve ressort derrière l’autre 312 T4, à l’agonie en fin de course. Les pneumatiques du sud-africain sont si usés qu’il doit se résoudre à les changer à l’entame du dernier tiers de grand-prix. Il ne perdra qu’une seule place dans la manœuvre, laissant libre champ à Villeneuve pour décrocher sa deuxième victoire en Formule 1. Avec un beau doublé, la Scuderia épate la concurrence et face à des Ligier invisibles, tout espoir de succès final est permis. Dans les rues de Long Beach, Ferrari présente deux voitures différentes. Si les deux modèles sont bien des 312 T4, celle de Villeneuve dispose d’un drôle d’aileron arrière, bien plus large mais surtout, installé devant l’essieu arrière. Le résultat n’est pas franchement esthétique mais les performances sont bien réelles. Première et troisième sur la grille, à l’avantage du n°27 québécois, les monoplaces italiennes sont dominantes. Malgré un départ manqué, Scheckter rattrappe vite la deuxième place, loin derrière l’intouchable Villeneuve, auteur de son seul Grand Chelem en carrière, soit la pole, la victoire, le meilleur tour en course et tous les tours menés. Désormais, ce n’est plus la vaillante Ligier qui mène la danse mais plutôt les étonnantes Ferrari, du moins, avant l’arrivée en Europe. A Jarama, en Espagne, beaucoup de nouvelles voitures entrent en piste, à commencer par la Lotus 80, mais également la Williams FW07 et la Renault RS10, autant de concurrentes pour contrer les clans français et italiens. Pourtant, c e sont bien les Ligier qui s’affichent une fois encore en première ligne, au contraire des 312 T4, bien plus à la peine sur ce tortueux circuit. Après quelques tours, Villeneuve commet, coup sur coup, deux têtes-à-queue, le reléguant hors de la zone des points, qu’il ne réintégrera jamais. Scheckter s’en sort un peu mieux, luttant un long moment face à Reutemann pour le podium, avant de laisser filer l’argentin, pneumatiques hors d’état. Ce coup dur doit rapidement être effacé et c’est à Zolder que la Scuderia souhaite rétablir l’ordre. Mais sur la piste belge, les gommes Good Year font des merveilles, si bien que les cinq premiers sur la grille sont tous chaussés de pneus américains. Il faut donc descendre aux sixième et septième rang pour retrouver les deux 312 T4, le canadien devançant le sud-africain. Au deuxième tour, Regazzoni, en perdition, ralentit involontairement la meute, causant un double accrochage avec Villeneuve. Le temps de changer de capot avant, sa course était terminée. Le dernier espoir reposait donc sur les épaules de Scheckter. Pari gagnant. Profitant des abandons de Jones et Depailler, alors leader, et de la méforme de la JS11 de Laffite, Scheckter accroche son premier succès de l’année, recollant même à Jacques Laffite au classement des pilotes. Derrière, Villeneuve conduit à la limite et malgré quelques frayeurs, remonte et dépasse jusqu’au troisième rang mais dans le dernier tour, son moteur se tait : le québécois est en panne d’essence à moins de deux cents mètres de l’arrivée. Relégué au septième rang, il perd ici une belle opportunité de scorer. A Monaco, les 312 T4 arborent toutes les deux l’imposant aileron arrière chromé placé devant le le train arrière. L’appui généré est bien entendu important, aidant sans doute à la pole position réalisée par la n°28 du dernier vainqueur en date. Derrière lui, son équipier bloque la première ligne. Les Ferrari sont incroyablement rapides avec près de sept dixièmes d’avance sur les principaux concurrents. La course est toute aussi facile pour les rouges, bien aidées par l’étroitesse du circuit monégasque. Si tout semble aller pour le mieux, une panne de différentiel sur la monoplace de Villeneuve viendra plomber les chances de doublé de la Scuderia. Jody Scheckter s’impose en cavalier seul, reprenant la tête du championnat en solide leader alors que la mi-saison se fait déjà sentir. Mais attention aux outsiders qui pourraient bien semer la zizanie parmi les hommes de tête…
Car depuis l’arrivée sur le sol européen, les nouveaux venus parmi les top teams sont nombreux : Lotus, Brabham, Tyrrell, Renault, mais surtout Williams. En France, sur le tracé de Dijon-Prenois avec une valse de champion. Si Hunt a annoncé se retirer totalement de Formule 1 après Monaco, Jacky Ickx effectue un retour surprise chez Ligier pour remplacer, à pied levé, Patrick Depailler, sérieusement blessé aux jambes après un accident de Deltaplane. Le champion belge est bien sûr une attraction vedette mais sa découverte des monoplaces à effet de sol sera bien plus complexe qu’imaginée. Sur le petit tracé français, les turbos des Renault pourraient bien être à leur avantage mais personne ne semble s’en inquiéter et pour cause : la marque au losange n’a toujours pas de points au compteur. Pourtant, les machines jaunes sont les plus rapides sur l’exercice des qualifications, monopolisant la première ligne. Villeneuve se tient en embuscade juste derrière alors que Scheckter sécurise le cinquième rang. Dès le départ, le canadien vire en tête, suivi par Jabouille et l’autre 312 T4. Mais sur la distance, les italiennes usent leurs pneus, bien plus que les Renault pourtant équipées de la même monte. A mi-course, Jabouille remonte sur le leader et finit par le dépasser avant de s’envoler. Pour Scheckter, mieux vaut s’arrêter pour reprendre du rythme. Mal lui en prend, il ne parviendra jamais à retrouver le top 6. Devant, Villeneuve se retrouve vite à l’agonie et les trente secondes qu’il avait sur Arnoux se réduisent à néant dans les derniers tours. Le français dépasse même la Ferrari à trois tours du but, ce qui ne plaît évidemment pas au fougueux québécois. Malgré une voiture en glisse totale à chaque virage, il se bat comme un beau diable pour chiper la deuxième place au pilote Renault. Les deux hommes se livrent alors une lutte sans merci, se doublant encore et encore, chacun avec leurs forces et faiblesses, en témoigne la puissance de la Ferrari en ligne droite et la plus grande agilité de la Renault en virage. Le combat devient de plus en plus féroce au fur et à mesure que la ligne d’arrivée approche. Les roues se touchent, les monoplaces s’entrechoquent mais aucun des deux ne veut lâcher. Chez Villeneuve, les freins se bloquent à chaque virage mais tel un rallyman, il contrôle son monstre de puissance à la dérive pour protéger au mieux les attaques d’Arnoux. La Ferrari prendra un avantage définitif à quelques mètres de l’arrivée après une lutte homérique entre deux grands bagarreurs. Bien que vainqueurs pour la première fois de l’histoire, Jabouille, Renault et le turbo sont éclipsés par les images des deux bolides à l’attaque sur plusieurs tours. Jamais le sport n’aura connu un duel aussi féroce mais propre. Les deux hommes, amusés par la situation, affirment tous deux qu’il n’y a jamais eu l’envie d'accrocher l’autre pour le battre. Encore aujourd’hui, ces images impressionnent les curieux comme les plus assidus. Après ce triomphe français en Bourgogne, place à la domination anglaise à Silverstone. Sur le très rapide circuit anglais, les 312 T4 sont à la peine du fait des longues courbes rapides. A l’inverse, les Williams et Renault caracolent en tête, ce qui semble, pourtant, n’étonner personne. Les machines de Maranello réalisent ici leurs plus mauvaises qualifications avec les onzième et treizième temps, très loin des premiers classés. Le seul espoir de remonter reste celui de la fiabilité dont la 312 T4 à fait preuve jusqu’ici. Ce sera en partie le cas car avec les abandons précoces de Jones, Piquet, Lauda, Jabouille ou encore Andretti, les deux Ferrari remontent parmi le top 4, à tout de même un tour de la Williams de Regazzoni et la Renault d’Arnoux. Villeneuve sera contraint de renoncer à quelques kilomètres du but sur problème d’arrivée d’essence tandis que pour Scheckter, c’est la dégradation des gommes clermontoises qui le fera rétrograder en cinquième place finale. A Hockenheim, le résultat est le même. Seulement cinquième et neuvième sur la grille de départ, les 312 T4 rongent leur frein. Encore en formation groupée une bonne partie du grand-prix, elles finiront par être séparées dans les derniers instants de course après que l’aile arrière de Villeneuve ne vole en éclat sur la piste. Le temps de la remplacer, Scheckter lui a pris un tour. Le sud-africain termine au pied du podium mais à plus de trente secondes de la tête tenue par la Williams de Jones, quatre places devant son équipier décidément maudit. En trois grands-prix, la saison 1979 semble prendre un nouveau tournant. Après l’hégémonie Ligier-Ferrari, les Williams et Renault prennent un avantage certain sur la concurrence, de quoi maintenir un suspense encore entier jusqu’à la dernière manche de la saison, à Watkins Glen.
Long Beach (1979)
Monaco (1979)
Dijon-Prenois (1979)
Long Beach (1979)
Mais avant de penser à la tournée nord-américaine, la Formule 1 achève sa tournée européenne avec le trio Autriche / Pays-Bas / Italie. Ces circuits très rapides ne sont pas vraiment à l’avantage des rouges, en délicatesse dans les courbes rapides à cause d’un effet de sol moins abouti que la concurrence. Les sept points d’avance au championnat que compte Scheckter sur Laffite pourraient ne pas suffire pour tenir ce cap jusqu’en fin de saison. La très rapide piste de l’Österreichring est une fois encore en défaveur des rouges, même si la puissance du douze cylindres aide à la bonne vitesse de pointe. Comme depuis quelques grands-prix, les Renault et Williams se partagent les premières lignes. Villeneuve se classe cinquième, quatre place de mieux que son équipier. Mais au moment de s’élancer, le canadien effectue un départ canon et grille la politesse à tout le monde pour prendre la tête au premier virage. Malgré sa faculté à résister tant bien que mal, il ne peut contenir Jones et Arnoux qui s’effacent rapidement. Il lui faudra attendre l’avant-dernière boucle pour profiter de la chance avec la panne d’essence du pilote Renault, le faisant grimper au second rang. Derrière lui, Scheckter tient la quatrième, puis la troisième place, avant de se faire ravir in-extremis la dernière marche du podium dans le dernier tour par un Laffite plus qu’incisif. Six points d’écart entre les trois premiers au championnat, voilà de quoi tenir en haleine les nombreux spectateurs qui se massent en nombre aux abords des circuits chaque week-end. Les pilotes retrouvent ensuite la piste de Zandvoort, là encore, pas vraiment taillée pour les 312 T4. Une fois n’est pas coutume, les italiennes démarrent depuis la troisième ligne et une fois encore, les départs sont cruciaux. Villeneuve s’envole parfaitement et après plusieurs manœuvres, parfois hasardeuses, de porte en tête après plusieurs tours. Pour Scheckter, en revanche, la sélection d’un mauvais rapport de boîte au départ le fait se retrouver bon dernier au premier virage. Devant, le québécois mène un train d’enfer, toujours poursuivi par la vaillante et véloce Williams de Jones. Leur rapide cavale se poursuit jusqu’au quarante-septième tour, là où le pilote de la n°27 exécute un tête-à-queue sous la pression de l’australien. Reparti le couteau entre les dents, il ne prend pas le temps de comprendre que ses pneus sont à l’agonie totale. Au tour suivant, l’arrière gauche explose. Le malheureux s’échoue dans les graviers du premier virage. S’il aurait dû s’arrêter là, il décide d’enclencher la marche arrière et de se sortir de ce bac pour rejoindre les stands. L’idée est saugrenue et conduira à un désastre pour le canadien. Au lieu de rouler avec précaution, Villeneuve reste pied au plancher. En quelques secondes, la suspension se détache, la carcasse du pneu aussi. Le voici alors sur la trajectoire, à pleine vitesse, avec une jante et un bras de suspension menaçant de s’arracher à tout moment. L’image deviendra un incontournable de Gilles Villeneuve, bien que très dangereuse. De son côté, Scheckter profite des nombreux abandons et incidents pour remonter au travers du peloton et inscrire les points de la deuxième place à l’arrivée, derrière Jones. Le titre des pilotes peut déjà lui revenir à Monza puisqu’à cette époque, la Formule 1 dispose d’un drôle de système de classement. En effet, seuls les quatre meilleurs résultats des sept premières manches ainsi que les quatre meilleurs des huit manches restantes sont comptabilisés. De ce fait, ils ne sont réellement que trois à pouvoir décrocher la timbale : Scheckter, Laffite et Villeneuve. Malgré une deuxième moitié de saison exemplaire, Jones ne peut l’empocher, sa trop mauvaise entame de campagne le condamnant déjà. La fin de la saison européenne se tient donc à Monza devant des milliers de tifosi n’attendant qu’une chose : le sacre de leur champion. Le douze cylindres propulsent les 312 T4 à travers le parc de Monza à vive allure mais les turbos Renault sont encore bien présents aux avant-postes. Mais au départ, le temps de réponse de ses derniers leur coûte encore la tête au premier virage. Si Arnoux retrouve vite le commandement devant les deux Ferrari, Schecktr devant Villeneuve, sa folle épopée s’arrêtera bien vite. En moins de dix tours, son V6 est déjà hors-service. Voilà donc les deux bolides rouges en tête du grand-prix d’Italie. La foule est en délire mais dès lors, plus aucun risque ne sera pris. En dépit de sa fougue débordante, le canadien a accepté de laisser son équipier devant pour sceller le titre des pilotes, par pure amitié. Après la casse du V8 Cosworth de Laffite, explosion de joie dans les tribunes : Scheckter est assuré du titre s’il termine la course. Après une heure et vingt-deux minutes, les Ferrari passent la ligne ensemble dans l’ordre pré-établi. Jody Scheckter devient alors champion du monde de Formule 1, de même que la Scuderia Ferrari, le tout, en Italie, pour la plus grande joie des tifosi, envahissant rapidement le circuit une fois les monoplaces passées. La 312 T4, performante en début d’année puis malmenée par les Williams et Renault par la suite, s’impose face aux redoutables Ligier et à Laffite, évidemment amer.
La fin de saison sur le continent nord-américain n’a pas vraiment d’importance pour les pilotes et les écuries. Le seul point encore intéressant reste celui du vice-champion, désormais tenu par Villeneuve, seulement deux points devant Laffite. Sur son circuit maison qui portera son nom après sa disparition, le québécois veut doubler la mise après son succès l’année passée. Pour ce faire, il sait qu’il devra lutter face aux Williams mais comme à son habitude, son formidable départ lui permet de se propulser en tête. Cependant, son rival australien ne lâche pas le morceau et durant cinquante tours, l’écart n’excède pas une seconde. Mais à vingt boucles du but, le pilote Ferrari se laisse déborder par la Williams à l’épingle. Après avoir tout tenté jusqu’au bout, le québécois doit s’incliner devant tous ses supporters présents sur place. Pour Scheckter, c’est une quatrième place qui l’attend à l’arrivée après une course sage et disciplinée. La saison 1979 s’achève à Watkins Glen, aux Etats-Unis, sans enjeux particuliers puisque Gilles Villeneuve est désormais assuré de la place de vice-champion. La pluie est de la partie en ce dimanche de grand-prix et malgré la piste trempée, certains font le choix de partir en slicks. A l’extinction des feux, Villeneuve est le plus prompt à s’élancer avec ses gommes taillées pour la pluie et s’empare de la tête de course. Plus loin, Scheckter, parti seulement seizième, réalise une incroyable “remontada” en passant à la troisième place en à peine treize tours de course. S’il est le premier à chausser des gommes pour piste sèche dès que les conditions commencent à s’améliorer, la piste est encore trop humide. Résultat, Villeneuve et Jones lui prennent rapidement un tour. La lutte pour le leadership verra une inversion entre les deux hommes de tête, conduisant à l’arrêt du canadien en premier lieu. Plus rapide que le clan anglais pour changer les quatre roues, la Scuderia caracole en tête, surtout après l’abandon du rival australien sur perte de l’un de ses pneus suite à son ravitaillement. Les deux 312 T4 se retrouvent comme à la parade, prête à signer un quatrième doublé en 1979 mais à dix boucles du but, le pneumatique arrière gauche du champion du monde éclate. C’est l’abandon pour le sud-africain qui ne connaitra alors plus jamais les avant-postes en Formule 1. Pour Villeneuve en revanche, c’est une quatrième victoire qui s’ajoute à son palmarès, un juste retour après la déception du Canada. La 312 T4 termine sa carrière sur un succès, comme elle l’avait commencé…
Zandvoort (1979)
Monza (1979)
Watkins Glen (1979)
Zandvoort (1979)
Au total, la 312 T4 aura décroché six victoires, treize podiums, deux pôles position et six meilleurs tours en course, mais mieux que ça, elle aura permis à Scheckter de décrocher le titre pilote devant Villeneuve, mais également de remporter le titre constructeur. Bon mathématicien, le sud-africain n’aura jamais été vraiment inquiété tant sa régularité fut exemplaire. Face à lui, Villeneuve ne pouvait pas espérer grand chose, lui qui ne terminait qu’une course sur deux, trop souvent à cause de sa fougue légendaire. Finalement, l’âpre rivalité entre les deux hommes dessinée par la presse n’aura jamais eu lieu. Les deux pilotes sont même devenus de bons amis au cours d’une saison ayant vu de nombreux protagonistes se mêler à la victoire. Bien que très en verve en seconde partie de saison, les Williams n’aurait jamais remporté le titre des pilotes si tous les points avaient été retenus. La Scuderia aura été la plus forte mais personne ne pouvait s’attendre à ce que vingt-et-un ans puissent s’écouler avant un nouveau sacre d’un homme en rouge, un certain Michael Schumacher, en 2000…
La Ferrari 312 T4 en chiffres...
Grands-prix :
13
Victoires :
6
Podiums :
13
Poles Position :
2
Meilleurs Tours :
6