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Renault RE40

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Six ans après l’instauration du moteur turbo en Formule 1 et après un net gain de performance, Renault arrive en 1983 avec l’étiquette de favori. Mais l’avènement de cette technologie chez la concurrence pourrait bien empêcher le losange de concrétiser avec sa RE40…

Tout d’abord, retour en 1977, à Silverstone plus précisément. C’est là, le 16 juillet, que la première Formule 1 à moteur Turbo s’élance : la RS01. Les problèmes de fiabilité sont très nombreux lors des tous débuts et le surnom de “théière jaune”, en raison de la fumée qui s’y échappe souvent, revient sans cesse dans le paddock. Si cette technologie s'inscrit difficilement en catégorie reine, Renault persiste et parvient à améliorer son système. Deux ans plus tard, c’est la délivrance. Au grand-prix de France, Jabouille signe la pole avec sa RS10 avant de concrétiser le lendemain pour enfin imposer le turbo. Cette course reste surtout célèbre pour l’épique lutte entre Villeneuve et Arnoux dans les derniers tours, roues contre roues. Sixième au classement constructeur en 1979, l’équipe française ne cessa de grimper dans la hiérarchie, passant quatrième en 1980, puis troisième en 1981 et 1982. Mais en 1983, un gros changement rabat toutes les cartes : l’interdiction des voitures à effet de sol. De ce fait, les ailerons, qui avaient presque disparus à l’avant des monoplaces en raison de l’appui considérable généré par l’effet de sol, réapparaissent. Renault n’y échappe pas, installant d’imposantes ailes avants et arrières. L’autre gros changement de la RE40, c’est son chassis, désormais en fibre de carbonne, permettant un allègement certain de la voiture. Sous la carrosserie jaune, blanche et noire, bien plus ronde que sa devancière, se trouve le même moteur développé depuis 1975, bien sûr, bien amélioré et fiabilisé depuis. C’est donc un V6 double turbocompressé d’une cylindrée de 1.5L, approchant les 650cv qui anime les monoplaces françaises. A son bord, le futur grand champion Prost, qui aura grandement participé à la mise au point de cette voiture, se voit rejoint par l’américain Cheever. Après une campagne 1982 très animée, personne ne sait qui dégager comme favori.

Mais pour commencer l’année, Renault fait appel à sa RE30, bien entendu remodelée pour ne plus disposer de l’effet de sol, désormais banni. La déclinaison “C” reprend les formes de la monoplace de 1982, se différenciant de sa devancière notamment au niveau de l’aérodynamique. La manche d'ouverture au Brésil n’est donc représentative pour personne mais les points sont tout de même à la clé et qui sait, peut-être pourrait-il faire basculer le championnat en fin d’année. Pourtant, une équipe attira l’attention de tout le paddock : Brabham-BMW et leur BT52 en forme de flèche. Le français parvient à se qualifier second à Rio mais la course sera des plus décevantes. En délicatesse en fin d’épreuve à cause de ses amortisseurs, Prost termina à la porte des points, Cheever ne voyant pas l’arrivée, moteur explosé. Le V6 français, qui avait tant causé de problèmes l’an passé, ne semble pas s’être débarrassé de son chat noir. La seconde épreuve à Long Beach voit enfin l’arrivée de la nouvelle monture tricolore, uniquement pour Prost dans un premier temps. Mais sur la piste américaine, les pneumatiques Michelin ne sont pas à leur aise. Qualifié huitième, meilleur pilote Michelin, le français ne connaîtra pas course facile, de nouveaux ennuis moteur touchant le V6 Renault. Malgré les multiples abandons, il ne termina que onzième, une nouvelle fois loin des points.

L’aventure de la RE40 se poursuit en France, sur le circuit Paul Ricard. Ayant remporté trois des quatre dernières courses disputées ici, le constructeur de Viry-Châtillon s’affirme ici comme un grand favori. Pour ajouter un nouveau succès français à son palmarès, l’équipe tricolore vient ici avec deux RE40, remaniées depuis Long Beach. Les améliorations sur la piste ne se font pas attendre. En qualifications, le V6 Turbo fait des merveilles et Prost décroche sans mal sa première pole position de l’année, plus de deux secondes et demies devant son équipier Cheever. Derrière, les quelques moteurs atmosphériques de la grille font grises mines, se retrouvant souvent à plus de cinq secondes du meilleur temps. La course, très monotone, ne fut pourtant pas une partie de plaisir. Dominateur tout le week-end, Prost se mélange quelque peu les pinceaux lors de son arrêt, calant avant de repartir après un long ravitaillement. Par chance, ses pneumatiques tendres lui permirent d’attaquer comme bon lui semblait sans que Piquet ou Cheever ne l’inquiètent d’ici le drapeau à damiers. Pour sa deuxième apparition en grand-prix, la RE40 est victorieuse et permet au futur quadruple champion du monde de s’adjuger le hat-trick : pole, victoire, meilleur tour. Sur la troisième marche du podium, Cheever savoure son premier podium en jaune mais sait d’ores et déjà que cette saison 1983 se fera dans l’ombre de son équipier. A Imola, c’est la Scuderia qui prend les premiers rôles mais les Renault et Brabham restent à l'affût. Les qualifications sont serrées mais les RE40 ne sont que quatrième et sixième. La course démarra bien mal pour Cheever, arrêté dès la seconde boucle, turbo cassé. Mais sur l’autre machine jaune, tout tourne presque parfaitement. Même si le régime moteur est un peu plus bas que prévu, Prost file en quatrième place. C’est alors que Patrese, premier, et Arnoux, troisième, sortent au même endroit à quelques secondes d’intervalles. Voici le français second, derrière Tambay dont le moteur Ferrari fatigue lui aussi. Malgré tout, le bolide rouge frappé du numéro 27 franchit la ligne en vainqueur devant la Renault. A Monaco, les RE40 se voient à nouveau améliorées, notamment au niveau de l’échappement. Dorénavant, ceux-ci se trouvent derrière les pontons et permettent un gain aérodynamique se rapprochant de celui de l’effet de sol, même si cette version est réfutée par le constructeur de Viry-Châtillon. Mais pour l’heure, les Renault sont très rapides et Prost décroche sans mal la pole position, deux places devant Cheever. Mais en principauté, rien n’est acquis et le français garde en tête le malheureux souvenir de son abandon à deux tours du but l’année précédente. Peu avant le départ, la pluie s’invite et le choix des pneumatiques s’avèrent délicat. Si les Renault chaussent les gommes rainurées, ce sont les slicks qui furent d’entrée les plus rapides. Dès le premier tour, Prost laisse s’échapper la première place au profit de Rosberg et quelques boucles plus tard, il se fait surprendre par Piquet. Le classement en restera ainsi jusqu’à la fin de l’épreuve. Cependant, pour Cheever, les ennuis sont toujours présents. Cette fois-ci, c’est le système électrique qui le condamna à renoncer. En Belgique, pour le grand retour de Spa-Francorchamps après 13 ans, les pilotes découvrent un somptueux tracé réduit à sept kilomètres mais toujours aussi rapide. Les moteurs turbo s’annoncent encore une fois comme les grands favoris et pour la troisième fois en quatre courses, c’est Prost qui s’élance en première place, preuve de l’importante vitesse et maniabilité de la RE40. Moins à l’aise avec sa monture, l’américain de Renault n’obtient que le huitième temps des qualifications. En course, si De Cesaris s'immisce un temps en tête, la stratégie française permet à son pilote de reprendre son bien et de s’envoler vers sa deuxième victoire de la saison. Derrière, Cheever s’en tira pour une fois assez bien, remontant jusqu’au troisième rang après avoir arraché dans les derniers tours la dernière marche tenue par Piquet. Au championnat, Prost et Renault s’affichent en tête et beaucoup d’observateurs annoncent déjà le triomphe du duo-français.

A Detroit, Renault sait d’avance que la course sera compliquée. Cheever, peu verni depuis le début de la saison, espère briller à domicile même s’il sait que la piste américaine dispose d’un revêtement très bosselé et piégeur, autant pour les pilotes que les monoplaces. De plus, les tracés urbains représentent une chance de plus pour les moteurs atmosphériques de s’imposer, de quoi ajouter de la concurrence pour la victoire. Mais avant la course, le constructeur de Viry-Châtillon se retrouve dans la tourmente. Gordon Murray, le dessinateur de la fabuleuse BT52, porte plainte contre la RE40 et ses échappements apportant, soit disant, un gain aérodynamique non-négligeable. De son côté, l’équipe française accuse Brabham d’utiliser un aileron arrière non-conforme. Les instances interviennent et renvoient chacun de leur côté les deux protagonistes de cette histoire. Les premiers essais débutent et d’emblée, les françaises sont à la peine. L’équilibre des voitures jaunes, noires et blanches est très précaire et le week-end s’annonce compliqué. Les qualifications ne font que confirmer la méforme des françaises : Cheever septième, Prost treizième. La course s’avéra aussi pénible et, une fois n’est pas coutume, le régional de l’étape doit à nouveau mettre pied à terre, touché au niveau du distributeur. Son équipier sera moins embêté mais les problèmes ne se corrigèrent pas et ce n’est qu’en huitième place que le français croisa la ligne d’arrivée. Au Canada, les RE40 reprennent du poil de la bête mais les Ferrari et Brabham n’ont jamais été aussi performantes. Qualifiées deuxième et cinquième, les Renault se montrent bien plus à l’aise qu’à Detroit mais en course, la fiabilité joue encore de mauvais tours. En effet, Prost voit son moteur perdre sa puissance et glisse dans le classement au fur et à mesure de l’épreuve. Au contraire, Cheever se sent pousser des ailes, amenant sa RE40 jusqu’en deuxième position finale, son meilleur résultat à bord de la française. Derrière, son équipier n'atteint que la cinquième place. Certes, des points sont à la clé mais les championnats se resserrent comme jamais et l’écurie française sait qu’un gros travail les attend au retour de cette tournée nord-américaine.

Le retour sur le sol européen se fait lors de la manche de Silverstone. Après plusieurs semaines de répit, les écuries débarquent avec des voitures remaniées. Renault n’échappe pas à la règle et affiche une voiture plus légère, plus puissante mais surtout, dépourvue du système d’échappement polémique. Si Ferrari semble avoir mieux travaillé durant ces jours d’interruption, la dégradation des pneumatiques est l’élément clé pour ce grand-prix. Malgré la première ligne, les voitures de la Scuderia souffrent de la chaleur et leurs gommes Good Year résistent moins que les Michelin. Sans trop de difficultés, Prost vient à bout des deux bolides rouges pour prendre la tête et ne jamais la quitter. Moins de chance pour Cheever, arrêté à cause de son joint de culasse. A Hockenheim, personne ne peut lutter face aux très véloces Ferrari. Qualifiées à plus de deux secondes, les pilotes Renault espèrent des soucis sur les machines de tête mais comme trop souvent, ce sont les RE40 qui sont à nouveau touchées. Si le français parvient à rallier l’arrivée quatrième malgré une boite de vitesses en piteux état, son équipier américain est à nouveau contraint de renoncer, sur bris de pompe à essence cette fois-ci. Certes, Cheever est moins rapide que Prost, mais la chance n’est clairement pas de son côté. En Autriche, les V6 Turbo cèdent du terrain face aux BMW et Ferrari mais surtout, d’importants problèmes de surchauffe sont décelés durant les qualifications, reléguant les françaises en cinquième et huitième place. Dans le même temps, Prost discute de la suite avec l’équipe de Viry-Châtillon mais le divorce semble imminent. Le français déplore, en effet, une trop grande restriction dans le développement de la voiture et de ses éléments. En course, le futur quadruple champion préserve sa mécanique à l’instar des Ferrari et Brabham. Malgré un contact avec Piquet, son principal rival au championnat, il n’abdique pas et profite du malheur de Tambay pour se retrouver dans le top 3. Une fois le pilote Brabham ralenti par un moteur fatigué, ils ne sont plus que deux à se battre pour la victoire, Prost et son ex-équipier Arnoux. A quelques boucles du but, le pilote Renault saisit sa chance et plonge sur la machine rouge avant de s’imposer, son quatrième succès de l’année. Quatrième mais hors du podium, Cheever sait qu’il ramène d’importants points pour le championnat constructeur, dominé par Renault à ce moment précis.

A quatre course du but, personne ne voit quelqu’un déloger Prost de la première place au championnat. A Zandvoort, le français peut encore accroître son avance mais pour cela, il faut encore grimper dans le classement. Rapidement, la lutte pour le leadership oppose la Renault à la Brabham de Piquet. La RE40 se montre dans les rétroviseurs de son adversaire, sans jamais trouver l’ouverture. A mi-course, l’attaque est enfin portée. Mais contre toute-attente, Prost manque son freinage et percute Piquet qui s’écrase dans le mur de pneumatiques. Le pilote Renault est désormais en tête mais quelques instants plus tard, sa monture tire brusquement tout droit et achève sa course dans les barrières. Dans le même moment, Cheever, alors arrêté à son stand à cause d’un turbo défaillant, est prié de repartir mais en quittant son emplacement, il touche un ingénieur d’ATS, le blessant au pied. Le week-end tourne au cauchemar pour l’écurie française. Pire encore, tous ces malheurs permettent à la Scuderia Ferrari de réaliser le doublé et d’ainsi, reprendre la première place au championnat constructeur. De son côté, Prost est très mécontent de lui mais étonnement, Piquet lui pardonna sa faute. A Monza, là où la vitesse est maître, tout le monde sait qu’un problème moteur ruine tout espoir de marquer des points. Peu touché jusqu’ici, le leader du championnat espère effacer sa mauvaise course néerlandaise tout en confortant son rang. Mais avant le départ, d'incessantes rumeurs font état de l’usage d’un carburant avec additif illégal de la part de Brabham, se trouvant au dessus de l’indice d’octane toléré. En effet, les flèches bleues et blanches s’avèrent très rapides en ligne droite, beaucoup trop rapides pour certains. Qualifiées cinquième et septième, les RE40 ont du mal à suivre le rythme des leaders mais qu’importe, le plus important est de rester dans le top 6. Mais à mi-course, coup de théâtre : Prost est au ralenti et doit abandonner pour la deuxième fois consécutivement. Gros coup dur pour le pilote tricolore qui sait d’ores et déjà que son avance au championnat sera considérablement réduite. Si Cheever accroche la troisième place finale, son équipier ne mène plus que de deux points face à Arnoux sur Ferrari, cinq face à Piquet sur Brabham. A deux courses du terme de cette folle saison, rien est moins sûr quand à l’ordre final du classement. Si le français de Renault peut décrocher la couronne dès Brands Hatch, un nouveau retrait lui coûterait sans doute le leadership. Pour cette avant-dernière manche, les RE40 sont dotées de petits ailerons collés à l’imposant aileron arrière, une mode qui se répandra à travers bon nombre d’écurie. Mais en qualifications, la désillusion est de mise dans le clan français. Leurs monoplaces ne pointent qu’en quatrième ligne, ce qui annonce une course complexe pour remonter dans les points. Malgré tout, Prost poussa sa RE40 dans ses retranchements et s’adjugea la seconde place, derrière Piquet, très loin devant Cheever et sa décevante dixième place. La finale de Kyalami voit donc s’affronter trois pilotes pour la victoire finale : Prost, Piquet et Arnoux. Si le français de Maranello a peu de chances de l’emporter, la récente prise de pouvoir du brésilien à de quoi inquiéter les français. Fort de deux succès consécutifs, le carioca revient à deux unités de Prost. La lutte s’annonce serrée mais rien n’est perdu pour autant. Au niveau des constructeurs, Ferrari a pris une bonne option sur le titre mais le manque de fiabilité de ses machines pour tout faire basculer. Au jeu des qualifications, c’est le brésilien qui s’en tire le mieux, s’élançant deuxième, soit trois places de mieux que la Renault. Après une dizaine de tours, la lutte à trois se transforme en duel, Arnoux renonçant sur ennui moteur. Quelques boucles plus tard, la RE40 devient de moins en moins rapide tandis qu’aux avants-postes, Piquet caracole en tête. Dès lors, tout le monde sait qu’à moins d’un problème sur la Brabham, Prost ne sera pas champion. Au trente-sixième tour, le français rejoint les stands pour son ravitaillement mais ne repartira jamais. Le turbo aura une nouvelle fois fait des siennes et au fur et à mesures que les boucles s’égrainent, le Carioca lève le pied pour conserver sa mécanique. En croisant la ligne en troisième position, le voici champion du monde 1983 ! En plus de cet échec cuisant, la sixième place de Cheever ne fut d’aucune utilitée dans la course à la couronne constructeur, Ferrari ayant suffisamment de marge. Cette rude saison, pourtant bien partie, bascula durant l’été, au grand désarroi de l’équipe de Viry-Châtillon. Reste encore la sombre affaire de l’essence qui pourrait tout faire basculer. Mais il n’en fut rien. Malgré l’annonce publique de la tricherie, aucune sanction n’est prise à l’encontre de Brabham. Renault ne portera même pas cette affaire devant la justice. La raison ? Nul ne le sait vraiment.

Au final, la RS40 aura permit à ses pilotes de remporter quatre épreuves, trois poles positions, onze podiums et trois meilleurs tours. Si la Ferrari était la plus rapide, la Renault n’aura jamais déméritée, profitant souvent des problèmes de la concurrence pour s’imposer. Mais l’épisode de Zandvoort porta un réel coup à Prost et l’équipe française, en perte constante de performance face aux Brabham-BMW et leur fameuse essence… Pour autant, cette saison 1983 reste la meilleure pour Renault lors de ces années turbo. Il faudra attendre 2005 pour voir la marque au losange enfin triompher avec sa R25 et un certain Alonso...

La Renault RE40 en chiffres...

Grands-prix :

14

Victoires :

4

Podiums :

11

Poles Position :

3

Meilleurs Tours :

3

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