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Alain Prost

C’est l’un des grands parmi les grands, un petit français aussi rapide que calculateur, un pilote hors-pair au palmarès des plus étoffé, j’ai nommé Alain Prost.

Depuis tout petit, Alain Prost nage dans sa passion des sports mécaniques. C’est par le biais de son frère que son amour pour l’automobile éclot et pour lui, il doit en vivre. Mais vivre de sa passion est risqué et surtout onéreux. Ses multiples économies en tout genre lui feront acheter son premier kart, véritable passerelle pour accéder aux échelons supérieurs. Mais avant même de débuter en compétition, il faut attraper le virus. C’est à ses 14 ans, alors qu’il était en vacances à Antibes avec ses parents, que le jeune Alain découvre pour la première fois la sensation de conduite. La révélation est telle que malgré un bras dans le plâtre, il remporte la course ! A partir de 1972, et durant quatre années, Prost monte en puissance avec le karting, remportant les titres de France et d’Europe Junior en 1973, puis le titre de champion de France Senior l’année suivante. En 1975, il décide de s’inscrire à l’école de pilotage Winfield-Elf pour y décrocher le fameux Volant Elf et la bourse qui l’accompagne. Problème, son service militaire l’empêche de vivre pleinement sa passion à moins que… Déjà malin et réfléchi, il n’hésita pas une seconde à accepter un poste de secrétaire, lui qui n’avait jusque-là jamais tapé à la machine ! Avec davantage de permissions, Prost continue de progresser et accroche, bien évidemment, le prix qu’il convoitait tant. Vient pour lui le moment d’évoluer en monoplace, à commencer par la Formule Renault France, qu’il dominera comme jamais en remportant douze courses sur les treize que comptait le calendrier. Un an plus tard, le voilà auréolé de la couronne de champion d’Europe de F3, tout en commençant à toucher à la Formule 2. Champion de France de F3 en 1978 et 1979, il se fera surtout remarquer par sa victoire au grand-prix de Monaco, le plus relevé de tous. Cet exploit ne passe pas inaperçu auprès des écuries les plus élevées dans la hiérarchie, à commencer par McLaren F1. Certes, le style de pilotage du français n’est pas très expressif et paraît même lent, mais lorsque l’on se penche sur les chronos, les temps sont toujours meilleurs. Le mythe du “Professeur” venait de naître. Son passage en F2 paraît inévitable mais pour lui, pas question de perdre une année en Formule de promotion, c’est la F1 ou rien. Son rêve est en passe d’être réalisé fin 1979 avec une première approche de Shadow puis de McLaren. Teddy Mayer lui propose même de disputer la dernière course de l’année à Long Beach, ce que Prost refuse. Si ce choix étonne, ses raisons sont on ne peut plus claires : il ne veut pas griller les étapes. Pour lui, c’est un test ou rien. McLaren décide de le confronter à l’américain Kevin Cogan pour savoir qui pilotera la seconde M29 aux côtés de Watson. Duel remporté pour le français, la machine est à lui. Bienvenue en Formule 1 Mr Prost.

Les monoplaces à effet de sol sont extrêmement pointues à piloter mais le petit français aux cheveux bouclés n’a pas froid aux yeux et c’est avec une certaine assurance qu’il entame sa longue aventure F1. D’emblée, les performances sont présentes. Pour ses deux premiers grands-prix, Prost rentre deux fois dans les points, dominant plus que largement le vétéran Watson. Mais à Kyalami, un premier déboire mécanique le contraint à rester aux stands six longues semaines, poignet cassé. A Monaco, il ne peut éviter le carambolage provoqué par la Tyrrell de Daly dès le départ et lorsque ce ne sont pas des accidents involontaires qui le freinent, la mécanique s’occupe de le titiller. Il ne marquera que quelques points supplémentaires, à Brands Hatch et Zandvoort, lui valant la place de numéro 1 de l’équipe. C’est même lui qui sera chargé de l’entrée en compétition de la M30, une catastrophe. A Watkins Glen, une nouvelle rupture de suspension et une roue dans la tête le blesse à nouveau. Malgré une promesse de résultats rapide, le français a fait son choix. Exit les anglais de McLaren, retour dans sa mère patrie avec Renault-Elf. Associé au téméraire René Arnoux, l’association s’annonce tendue. Pour ne rien arranger, la RE20B est toujours en proie à de gros problèmes de fiabilité, notamment au niveau du turbo. Ce sont pourtant deux accrochages qui le contraignent à l’abandon en ouverture de saison mais à Buenos Aires, le déclic arrive enfin. Après s’être qualifié deuxième, le jeune français grimpe sur son premier podium le lendemain en arrachant la troisième place finale, le premier d’une très longue série. Mais la monoplace jaune et blanche est inconstante et les pépins mécaniques redoublent. Il faudra attendre l’arrivée et la mise au point de la nouvelle RE30 pour que les choses changent, et pas qu’un peu. Sur le tracé de Dijon-Prenois, il passe de la troisième à la première place pour signer sa première victoire en carrière au terme d’une course coupée en deux par la météo. Personne ne s’en doutait mais un nouveau talent venait d’éclore. Tout proche de rééditer l’exploit à Silverstone avant la casse de son moteur, il se hisse pour la première fois en haut de la feuille des temps à Hockenheim, avant de s’incliner le lendemain face à Piquet. De nouveau contraint de mettre pied à terre en Autriche alors qu’il menait, Prost ressurgit sur le devant de la scène à Zandvoort et Monza, remportant coup sur coup les deux épreuves. Mathématiquement, le titre est toujours possible mais au Canada, c’est un Mansell brouillon, en slicks sous la pluie, qui vient éliminer ses dernières chances de sacre. Deuxième pour la dernière de l’année à Las Vegas, Prost s’affirme comme le leader de l’équipe Renault, ce qui n’est pas pour plaire à son équipier. 1982 reste une année étonnante pour le tricolore. Si la RE30B s’affirme comme la machine à battre en début de saison avec deux succès en deux meetings pour Prost, la descente dans la hiérarchie sera des plus cruelles. Accident à Long Beach, casse moteur à Imola, sortie de piste à Zolder alors qu’il partait de la pole, les mauvais coups s'enchaînent. Tout semble aller mieux à Monaco avec une solide course en tête mais à trois tours du but, et alors que la pluie s’abat désormais violemment, la Renault s’encastre dans les rails après la chicane du Port. Sonné par le choc, Prost perd ici une belle opportunité de s’échapper au championnat. Malgré ses déboires, le français caracole toujours en tête du championnat mais les résultats sont loin de ses espérances. Toujours pas de chances à Detroit, touché cette fois-ci par des problèmes d’allumage alors qu’à Montréal et à Zandvoort, c’est le V6 Renault qui le trahit. Rien n’est perdu pour autant dans cette folle saison 1982, même si les récents décès de Villeneuve et Paletti ont quelques peu chamboulé l’ambiance du paddock. Une ambiance qui n’est pas au beau fixe chez Renault non plus, notamment en France, pour le grand-prix du Castellet. Sur leurs terres, les français réalisent un quadruplé, Arnoux - Prost - Pironi - Tambay. Pourtant, cet exploit reste en travers de la gorge de Prost, lui qui pensait que l’autre pilote Renault le laisserait passer en vue du championnat, comme ils en avaient discuté avant le départ. La fin de saison ne sera guère plus brillante. Toujours embêté par des soucis d’alimentation en essence, Prost ne peut jouer le titre jusqu’au bout et s’incline en quatrième place du championnat, à dix points de Rosberg et de son unique victoire. Sans l’accident de Monaco et avec des consignes respectées au Paul Ricard, le sacre lui était promis. 1983 sera de la même trempe. Désormais séparé d’Arnoux, Prost a désormais toutes les chances d’inscrire son nom au palmarès des champions de la discipline. Mais en cette même année, Piquet et sa Brabham-BMW répondent présent. Les deux premiers grands-prix sont cauchemardesques mais la nouvelle RE40 se perfectionne vite et au Castellet, son plein potentiel est démontré. Lors des qualifications, le français atomise la concurrence, reléguant son équipier Cheever, pourtant deuxième sur la grille, à presque deux secondes et demie sur un tour ! Sa victoire ne fait aucun doute, le début d’une belle moisson de points. Deuxième à Imola, troisième à Monaco puis vainqueur à Spa-Francorchamps pour le grand retour de la F1 dans les Ardennes, voilà de quoi largement le propulser en tête du classement pilote. Après un coup de moins bon à Détroit, il retrouve le devant de la scène en raflant deux nouveaux trophées de vainqueur, l’un à Silverstone, l’autre sur l’Österreichring. A quatre meetings du but, son avance se porte à quatorze points sur son principal rival, Nelson Piquet. Malgré sa position de force, l’ambiance paraît de plus en plus tendue chez Renault, à tel point que l’avenir semble se dessiner en pointillés pour le français. A Zandvoort, le “Professeur” commet l’une de ses rares erreurs en accrochant la Brabham-BMW de son principal adversaire brésilien, conduisant à l’abandon des deux hommes. Pire encore, son V6 Turbo viendra à casser à Monza, réduisant l’écart à seulement deux unités face à un René Arnoux plus en forme que jamais. Ils sont trois hommes à se disputer la couronne jusqu’au bout mais avec la victoire de Piquet à Brands Hatch, pour le grand-prix d’Europe, tout est redistribué. Le français n’est clairement plus à l’aise avec sa voiture et n’est surtout pas confiant à l’abord de l’ultime manche à Kyalami. Son mauvais présage ne lui donnera pas tort. En, Afrique du Sud, sa RE40 le lâche à mi-course, comme s’il s’y attendait. Piquet sécurise la troisième place pour coiffer au poteau le pilote Renault. Quelques semaines plus tard, Prost annonce son départ pour McLaren, ce qui ne semble étonner personne. Dans le même temps, Brabham avoue avoir triché avec son carburant mais reste impunie, comme si tout allait à l’encontre d’Alain. Ne reste plus qu’à retrouver la motivation…

Et en 1984, la motivation s’appelle TAG-Porsche. En effet, le motoriste allemand s’est décidé à essayer la F1 et quoi de mieux que de s’associer à McLaren, une équipe déjà historique avec un duo de pilotes exceptionnel : Prost et Lauda. Les deux hommes sont de vraies machines des vrais génies du volant, aussi fins régleurs que tacticiens de renom. Ron Dennis le sait, son équipe apparaît comme la meilleure malgré la grosse inconnue sur les performances moteur. Mais ce qui inquiète surtout, c’est cette fameuse interdiction des ravitaillements en essence. Gare à la panne sèche en fin d’épreuve… Mais après le premier grand-prix, tout doute est balayé. Prost, qui a pourtant manqué son envol, remonte facilement le peloton pour s’adjuger sa dixième victoire en arrière, la première pour le bloc allemand. Rapidement, les McLaren occupent le devant de la scène et deviennent des armes presque infaillibles. Après une seconde place à Kyalami derrière son équipier et un abandon à Zolder sur problème de distributeur, le français renoue avec la première place à Imola, puis à Monaco, dans une course rentrée dans la légende. Ce jour-là, la pluie tombe très fort sur la principauté et malgré son statut de leader, Prost s’inquiète pour la sécurité et demande l’arrêt de la course. Ickx, alors directeur de course, écoute le français et fait stopper l’épreuve au trente-deuxième tour, soit moins de 75% de la distance totale. Mais derrière le français, deux hommes revenaient comme des boulets de canon avant que tout ne soit interrompu : Ayrton Senna et Stefan Bellof, deux pilotes au destin tragique. Au vue de la distance parcourue, seule la moitié des points est attribuée, un compte qui pèsera lourd en fin de saison. Après avoir pris la troisième place à Montréal et la quatrième à Detroit, le vice-champion 1983 caracole en tête du championnat devant Lauda mais en deuxième partie de saison, les ennuis s'enchaînent : accident à Dallas, boîte de vitesses cassées à Brands Hatch, sortie de piste sur l’Österreichring ou encore casse moteur à Monza, cela coûte très cher. Au bout du compte, et même si quatre nouveaux succès s’ajoutent à son palmarès, portant son total à sept sur une saison, égalant alors le record de Clark, Prost doit encore s’incliner au championnat face à Lauda pour … un demi-point ! Jamais l’écart n’aura été aussi faible entre le champion et son dauphin au championnat. Certes, la défaite est dure à encaisser mais le français sait qu’elle forgera son envie de triompher qui finira par venir un jour ou l'autre. En 1985, on prend les mêmes et on recommence. Cette fois-ci, la machine est fiabilisée et malgré la montée en puissance des Lotus et des Williams Pourtant, son entame de saison était loin d’être parfaite. S’il s’impose pour l’ouverture au Brésil, il sort de piste sous la pluie à Estoril avant de connaître un terrible coup du sort à Imola où, bien que premier à passer la ligne d'arrivée, il finit par être disqualifié pour poids non-conforme. La monoplace rouge et blanche semble perdre son statut de favorite, perturbée par les progrès constants de la concurrence. Après avoir été relégué au troisième rang du classement derrière Alboreto et De Angelis à mi-saison, le pilote français reprend les choses en main et grapille de précieux points en terminant presque à tous les coups sur le podium. A Brands Hatch, pour le grand-prix d’Europe, c’est enfin la délivrance. A trente ans, Alain Prost remporte le championnat du monde de Formule 1, le seul français l’ayant réussi à ce jour. Même s’il n’est pas spectaculaire en piste, le pilote McLaren est un fin stratagème qui sait saisir toutes les opportunités de scorer tout en commettant le moins de gaffes possible. Prost est sur le toit du monde et ce n’est que le début. En 1986, alors que Lauda a pris sa retraite et que Rosberg le rejoint à Woking, ce sont les Williams-Honda qui se démarquent. Piquete et Mansell sont indiscutablement des deux acteurs principaux de cette saison, enfin presque. Pendant que les deux équipiers ennemis de chez Didcot se chamaillent, Prost en profite pour accumuler de précieux points. Seulement deux victoires en neuf courses mais une constance incroyable ponctuée par sept podiums, de quoi lui faire espérer un possible second titre, enfin, seulement si tout lui sourit. A Hockenheim, une panne d’essence dans le dernier virage l’oblige à pousser sa voiture jusqu’à la ligne d’arrivée, le faisant chuter de la troisième à la sixième place. Il avait pourtant eu un peu plus de chances à Imola en passant sous le drapeau à damier en tête mais moteur coupé, réservoir vidé. Cette course à la consommation n’est donc pas forcément aisée, même pour un homme très réfléchi comme Prost. Mais après un accrochage avec Arnoux à Budapest et une disqualification à Monza pour utilisation interdite de son mulet, les choses se complexifient. Par chance, deux deuxièmes places viendront sauver l’honneur à Estoril et Mexico. Rien n’est perdu mais sans un réel coup de chance, la mission s’annonce impossible. Dans les rues d’Adélaïde, ils sont trois à pouvoir espérer glaner la couronne : Mansell, Piquet et Prost. L’usure des pneus sera la clé et le français en sait quelque chose. En décidant de s’arrêter aussi tardivement que possible, les pilotes Williams prennent de gros risques. De son côté, le pilote McLaren, pensant d’ailleurs être touché par une crevaison, choisit de s’arrêter, espérant profiter de ses balles neuves pour fondre sur ses adversaires et les coiffer au poteau. La stratégie Williams sera la bonne jusqu’au 64ème tour. A ce moment précis, le pneu arrière gauche de Mansell éclate. C’est la panique chez les jaune, bleu et blanc qui rappellent en hâte leur voiture rescapée. Prost profite de cette cohue pour prendre la tête et s’imposer, raflant par la même occasion un titre qui ne lui semblait pas vraiment prédestiné. C’est d’ailleurs le premier pilote à remporter deux fois de suite le titre depuis Brabham en 1960, une éternité. Mais si 1986 est sauvé in-extremis, 1987 sera d’une autre trempe. Le moteur Porsche n’est plus au niveau, la monoplace rouge et blanche non plus. Bien qu’il ait remporté deux trois des premières courses, le récent double champion du monde se fait rapidement dépasser par les Williams et la Lotus de Senna, toutes motorisées par Honda, le Graal à cette époque précise. Sa stratégie d’épicier ne sera pas récompensée et au bout d’une saison terne, uniquement marquée par l’obtention du record de victoires en grands-prix, Prost converge tous ses efforts vers 1988, année charnière dans la carrière du pilote français…

Car en 1988, le meilleur équipage de l’histoire est composé : Prost - Senna - Murray - McLaren MP4/4 - V6 Turbo Honda. Le duel s’annonce majestueux alors même que la saison n’a pas commencé et pour cause, la nouvelle monoplace anglaise a de quoi faire tourner les yeux. Les résultats ne seront qu’une confirmation des hypothèses de l’intersaison. Pour Prost, retrouver une voiture gagnante est une réussite mais face à un adversaire aussi coriace que Senna, dur de faire la différence. Avec un style de pilotage très différent mais une volonté de bien faire indéfectible, les deux hommes vont proposer un spectacle homérique lors des trois prochaines saisons. Dès l’entame de championnat, tout est clair : McLaren est et sera sûrement intouchable. Pourtant, c’est bien cette voiture qui fit défaut à Senna pour sa manche à domicile, alors que son équipier français s’impose. 1-0. S’il s’incline pour deux petites secondes à Imola, Prost prend sa vengeance sur 1982 à Monaco, profitant de l’accident de Senna, pourtant solide leader, pour s’imposer en Principauté, avant de doubler la mise à Mexico lors de la manche suivante. 3-1. L’ambiance est encore bonne chez McLaren mais la méfiance entre les deux pilotes commence à s’installer. Les grands-prix se suivent et finissent toujours par se ressembler. Les MP4/4 ne font que ridiculiser la concurrence et finissent toujours par glaner, et avec la manière, un doublé sans forcer. Ron Dennis imagine même le parfait scénario où son écurie pourrait tout rafler. Mais qui dit razzia totale dit championnat à suspense. Alors que la saison comporte seize courses, seuls les onze meilleurs résultats sont retenus. Celui qui remportera le plus de victoires sera alors quasi assuré du titre, à condition que nulle autre écurie ne viennent déranger leurs plans. Après avoir remporté son quatrième succès de l’année au Castellet, Prost prend une décision étonnante à Silverstone en s’arrêtant volontairement, jugeant que les conditions météorologiques, désastreuses il faut dire, ne permettait pas de rouler en sécurité. Ce choix amènera un déferlement de critiques sur le français, lui qui mène toujours le championnat à mi-saison. Jusque-là, personne n’a réussi à défaire les anglaises de la plus haute marche du podium et sans un coup du destin, les vaincre sera sûrement impossible. Durant la deuxième moitié de l’été, la situation change au sein de l’équipe de Woking. Senna prend l’ascendant sur le double champion du monde qui réalise la passe de quatre en triomphant aussi bien à Silverstone, Hockenheim, Budapest et Spa-Francorchamps. Prost,bien que second à plusieurs reprises, admet avoir “baissé les bras” devant le retour triomphal de son équipier, désormais devant avec 4-7. A Monza, rien ne s’arrange avec un problème moteur le contraignant à l’abandon. Seul point positif pour le français : Senna n'accroît pas son avance, victime d’un accrochage avec Schlesser. McLaren ne fera pas le grand chelem mais peu importe, l’un de leur pilote finira par être sacré. En Espagne et au Portugal, Prost reprend confiance et s’impose à deux reprises mais il sait pertinemment que battre le brésilien ne sera pas aisé. A Suzuka, maison mère du motoriste Honda, l’opportunité de recoller au classement est bien réelle. Suite à un départ complètement raté, Senna passe de la première à la quatorzième place, une aubaine pour le français qui peut, dès lors, caracoler en tête. C’était sans compter sur une fougue sans failles de son principal adversaire, revenu comme un boulet de canon sur lui avant de le dépasser et de filer vers le titre. Cette fois-ci, Prost ne peut plus rien faire et doit s’incliner. Avec neuf succès, Ayrton Senna accroche son premier championnat du monde, même si au total des points, il pointe à neuf unités derrière son aîné ! Ah les réglementations en Formule 1… Le Professeur s’est bien battu mais la jeunesse à triompher. Reste à remettre les choses en place en 1989, année de la terreur. Cette saison 1988 restera dans les annales mais 1989 la surpasse. Non pas sur le plan sportif mais sur l’animosité générale entre les deux hommes. A l’aube de cette nouvelle campagne, les deux hommes ont tous les deux le même objectif : le titre, et tout sera permis. Imola sera le premier tournant de la relation avec Senna. Alors que les deux pilotes avaient conclu à un “gentlemen agreement” pour éviter tout accroc au départ, le brésilien fait tout sauter dès le départ en attaquant Prost. L’ambiance devient de plus en plus morose chez McLaren, d’autant plus que le français attaque publiquement son équipe et son motoriste, estimant que sa voiture et son moteur ne seraient pas identiques à ceux de Senna, ce que ne démentent pas officiellement certaines personnes. Les deux champions finissent par se bouder et se détester au point que le développement de la voiture ralentit. Pour Prost, l’heure du changement d’atmosphère commence à se faire sentir mais avant d’envisager l’avenir, priorité est faite à la bataille avec son équipier. Absent de la plus haute marche lors des quatre premières manches, le double champion du monde retrouve les sommets avec trois victoires en quatre meetings, à Phoenix, au Castellet et à Silverstone. A mi-saison, Prost domine largement avec vingt points d’avance sur l’autre pilote McLaren mais les histoires qui secouent le team anglais commencent à peser lourd sur sa volonté de continuer. Le coup de massue arrive durant l’été avec l’annonce de Ron Dennis du recrutement de Berger pour épauler Senna à compter de 1990. Bien qu’attendu, le départ du français précipite le marché des transferts. Une seule opportunité réelle semble s’offrir à lui : la Scuderia Ferrari. Le challenge pourrait être intéressant. Est-ce qu’un homme comme lui, calculateur, réfléchi et droit dans ses bottes pourrait relever une écurie historique en mal de titre depuis presque une décennie ? C’est à Monza que l’annonce officielle tombe. Le Professeur rejoindra donc Maranello à compter de 1990 pour une, voire deux années ou plus si affinités et résultats. A Estoril, le français profite de la bévue de son futur équipier moustachu pour voler de précieux points à Senna et s’approcher au plus près d’un troisième sacre historique. Il lui faudra pourtant attendre Suzuka pour le toucher du doigt, lors d’une course rocambolesque. Alors qu’il menait à quelques tours du but, Senna tente une attaque quasi suicidaire à la chicane finale. Alors que la McLaren au casque jaune plonge à l’intérieur, Prost prend le virage normalement. Les deux monoplaces s’accrochent. La scène est surréaliste. Le français sort de sa monture, persuadé d’avoir bien agi. De son côté, Senna demande à répartir avec l’aide des commissaires et bien qu’il finisse par passer la ligne d’arrivée en premier, il sera disqualifié pour court-circuitage, utilisation d’une zone hors-piste pour dépasser et aide extérieure. De ce fait, Prost hérite d’un troisième sacre mondial, le plus douloureux pour lui. Personne ne semble satisfait de ce résultat chez McLaren, pas même le patron Ron Dennis qui annonce faire appel de la décision de la FIA concernant Senna. Totalement désabusé et décontenancé par la situation le français claque la porte du team anglais avant la dernière de l’année à Adélaïde. Désormais, une grosse mission l’attend de l’autre côté des Alpes…

Ferrari, une équipe qui aura fait rêver bon nombre de pilotes mais sans vraiment de réussite. En 1990, la Scuderia compte sur une paire de pilotes de très haut niveau, bien que très différents. Aux côtés du calme et bosseur Prost se trouve le grand gaffeur de la F1, le charmant, rapide et parfois trop agressif Nigel Mansell. La 641 est une très bonne voiture et en peu de temps, la voilà déjà capable de matcher avec les McLaren et les Williams. Il ne faudra d’ailleurs pas attendre longtemps pour revoir le français au sommet de son art puisqu’au Brésil, fief de son plus grand rival, c’est lui qui décroche la timbale. Si la McLaren semble encore un cran au-dessus, les italiens ne ménagent pas leurs efforts et Prost travaille sans interruption pour développer une nouvelle machine, la 641/2. Les premiers grands-prix ne sont pas exceptionnels mais à partir du Mexique, les rôles semblent s’inverser. C’est d’ailleurs ici même que le Professeur accrochera, sans doute, son plus beau succès en Formule 1. Seulement treizième sur la grille, le français part pourtant très confiant et sûr de lui. Les points sont inscrits le dimanche alors à quoi bon s’entêter de travailler sur un tour lorsqu’il y en a 69 à parcourir. Avec des réglages précis et bien mesurés, le français fait des merveilles et au fur et à mesure que les tours s’égrainent, la Ferrari remonte dans le classement. Après un formidable dépassement sur Mansell et grâce à la crevaison de Senna, Prost vole le leadership pour s’imposer avec la manière. Tout est à présent relancé et avec deux nouveaux succès consécutifs, l’un en France, le centième pour la Scuderia, l’autre à Silverstone. Pour la première fois de l’année, la tête du championnat change de mains. La féroce lutte de 1989 peut enfin reprendre. Sur la piste comme en dehors, Prost et Senna restent de grands adversaires mais les querelles politiques à presse interposée commencent à peser sur le moral des troupes, aussi bien chez les italiens et que chez les anglais. A Hockenheim, le triple champion doit se satisfaire de la quatrième place finale alors que sur le Hungaroring, c’est un abandon qui l’attend suite à une panne de transmission. A Spa-Francorchamps, le Professeur se voit volontairement gêner par Berger, l’équipier de Senna, au moment du départ, une action bien étudiée chez McLaren puisque le français échoue à seulement trois secondes de son éternel rival. Si le brésilien semble prendre un certain avantage comptable, le pilote Ferrari ne baisse pas les bras. A Monza, le scénario se répète et les chances de Prost diminuent dangereusement. Fait intéressant : à l’issue du grand-prix, lors de l’interview d’après-course, les deux grands ennemis se serrent la main en public, comme pour se pardonner mutuellement, mais la méfiance guette toujours. A Estoril, c’est Mansell qui l’emporte, rappelant très nettement à la Scuderia que malgré son âge et ses multiples bévues, le succès lui était encore promis. Malheureusement pour lui, sa place est déjà prise pour 1991. Ce sera Jean Alesi qui épaulera Prost pour un duo 100% français, comme au début des années 80 avec Pironi-Tambay et Tambay Arnoux. Mais le Professeur n’est pas vraiment d’humeur à fêter la victoire du moustachu, lui qui l’a involontairement tassé dès le départ, laissant s’infiltrer les deux McLaren. A Jerez, la 641/2 se comporte de la meilleure des manières et Prost retrouve le chemin de la victoire mais à deux courses du but, difficile d’imaginer rattraper Senna. Une fois encore, c’est Suzuka qui sera juge de paix pour cette saison 1990. SI la Ferrari s’est bien battue, la McLaren est incontestablement la meilleure machine du plateau. Les deux hommes se retrouvent sur la première ligne et à l’extinction des feux, la machine rouge prend les commandes. Mais au moment de rentrer dans le premier gros freinage, la McLaren déboule tel un boulet de canon et percute la Ferrari de plein fouet. Les deux pilotes s’échouent dans le bac à graviers dans un nuage de poussière. Avec ce double abandon, Senna devient double champion du monde mais après l’euphorie, l’heure du constat s’impose. Les images sont claires : le pauliste a clairement sorti volontairement son adversaire, comme un remake de l’année passée. Le restant d’amitié entre les deux champions venait de voler en éclat. La presse et la fédération ne font qu’enfoncer le clou. Le geste est certes prémédité mais pour cela, Senna ne sera jamais sanctionné. Prost est touché au plus profond de lui, conscient qu’il vient de perdre de la manière la plus irrespectueuse qui soit, impunie de plus. Le champion français espère un rebond en 1991 pour oublier cette satanée année. Il n’en sera rien. La nouvelle 643 n’est pas aussi performante que sa devancière et même les Williams-Renault prennent l'avantage sur les rouges. Malgré plusieurs podiums à son actif, Prost ne gagnera pas, une première depuis 1980. A Imola, il subit même l’affront d’un non-départ après être sorti de piste sous la pluie lors du tour de chauffe, une erreur à ne surtout pas commettre devant les tifosi. Les tensions entre la Scuderia et le français ne cessent d’augmenter et le pré-contrat signé pour 1992 finit par être déchiré. Prost ne veut plus de cette atmosphère toxique. Tout sera fait pour le mettre à la porte en fin d’année. La carrière du petit français semble s’écrire en pointillés. La rumeur l’envoyant chez Ligier s’amplifie mais pour l’heure, aucune raison de rejoindre les bleus. Alors que son rival brésilien égalise avec un troisième championnat, Prost décide de prendre une année sabbatique, en espérant mieux rebondir…

Après une saison 1992 passée derrière le micro de TF1 à commenter les grands-prix, le Professeur fait son come-back à 38 ans chez Williams, l’équipe championne en titre avec Mansell. Le moustachu n’est pourtant plus de la partie et c’est un jeune homme au nom déjà connu qui s’aligne aux côtés du français, un certain Damon Hill. Après avoir dominé avec sa FW14B, l’écurie de Didcot présente la FW15C, un véritable ordinateur sur roues. Cette monoplace est sûrement la plus aboutie de l’histoire concernant la technologie embarquée, un “Airbus” selon Prost. Dès son entrée en jeu, le pilote et sa machine reprennent les devants. Victoire à Kyalami, à Imola et Barcelone, de quoi redonner très vite confiance, même si son accident sous la pluie à Interlagos lui coûte quelques points. Mais le retour du français dans les paddocks ne fait pas que des heureux, à commencer par la FISA, désormais gouvernée par Mosley. Les querelles politiques reprennent, ce qui finira évidemment par énerver Prost, las d’être malmené par une fédération pas toujours en accord avec ses principes. Sur le plan sportif en revanche, le succès est au rendez-vous. Les bons résultats sont de coutumes et un quatrième titre semble se dessiner très rapidement. Face à lui, la concurrence paraît quelque peu maigrichonne. Hill prend encore ses marques, Senna n’a pas une monoplace performante, Alesi ne peut rien faire d’une Ferrari catastrophique, ne reste que le petit nouveau Schumacher, déjà croisé en 1991 pour les dernières manches de l’année. Victorieux à Montréal, Magny-Cours, Silverstone et Hockenheim, Prost fait un grand pas vers le Graal mais surtout, il porte son total de victoires à 51, un record qui ne sera battu qu’en 2001 par Schumacher ! A Estoril, c’est la délivrance. Alain Prost arrache un quatrième championnat, sûrement son plus simple à décrocher. Mais malgré le succès, la passion du pilotage n’est plus, ou du moins, elle est désormais éclipsée par la politique, devenue reine dans les années 90 en Formule 1. Le quadruple champion du monde se retire sur une deuxième place en Australie, juste derrière Senna. Les deux hommes se congratulent sur le podium, s’échangent des poignées de mains, montent de concert sur la plus haute marche. Les tensions du passé sont effacées. La paix entre deux géants de la discipline a été retrouvée, la fin d’un sacré chapitre de l’histoire. Mais Prost ne compte pas s’éloigner de sitôt car au fond de sa tête germe une idée : monter sa propre équipe. En attendant de mettre sur pied une grande structure, le français retrouve un poste de commentateur sur TF1, là où il entendra ces mots de la voix de son ami Senna : “Tu me manques Alain”. Quelques minutes plus tard, le brésilien se tuait à Imola. Triste destin. C’est un véritable choc pour la Formule 1 et surtout pour Prost. Ce douloureux passage n’ébranlera cependant pas son envie de gérer son team. C’est ainsi qu’en 1997, après deux ans passés chez McLaren en qualité de consultant, le team Ligier devient Prost Grand-Prix. La première année est pleine de surprises et son pilote fétiche, Olivier Panis, grimpe sur le podium à deux reprises. Il figurera même quelque temps au troisième rang du championnat avant de connaître un sérieux accident à Montréal. La suite de l’histoire sera bien moins glorieuse. Après avoir signé avec Peugeot pour une équipe 100% tricolore, Prost venait de sceller son sort. Jamais les machines bleues ne seront performantes et il ne faudra compter que sur la chance pour voir Trulli grimper sur la deuxième marche du podium au Nürburgring en 1999. Les résultats deviennent de plus en plus catastrophiques, les opportunités inexistantes. Après le départ de Panis puis d’Alesi, l’équipe sombre en 2001, non sans être passée proche de la catastrophe avec les deux gros crashs de Burti à Hockenheim et à Spa-Francorchamps. Le nom de Prost disparaissait alors pour de bon de la Formule 1…

Enfin, presque. Le petit français aux cheveux bouclés ne s’en est jamais vraiment éloigné. Il faut dire qu’avec un tel palmarès, fait de 4 titres mondiaux, de 51 victoires, 33 poles positions, 106 podiums et 41 meilleurs tours en 199 départs, l’homme est une légende. A la fin des années 2010, il se rapproche du team Renault, qui deviendra Alpine, pour devenir directeur non-exécutif jusqu’en 2022. Avant cela, Prost s’est essayé à la conduite sur glace au Trophée Andros, remportant par trois fois ce championnat en 2007, 2008 et 2012. En 2014, il décide de s’associer avec Jean-Paul Driot pour monter la structure e.DAMS en Formule E, une aventure couronnée de succès jusqu’en 2018. Alain Prost demeure encore aujourd’hui comme l’un des meilleurs de tous les temps, un pilote au style certes peu spectaculaire mais à l’intelligence démesurée. Ses luttes dantesques face à Piquet, Mansell et Senna auront marqué la Formule 1 de leur empreinte et bien que les querelles politiques aient causés de nombreux torts, le pilote français s’est toujours accroché à son rêve de dominer le monde, ce qu’il aura réalisé à quatre reprises…

Alain Prost en chiffres...

Meilleur classement en championnat du monde F1 :

Champion du monde (1985, 1986, 1989, 1993)

Grands-prix :

199 (202 engagements)

Victoires :

51

Podiums :

106

Poles Position :

33

Meilleurs Tours :

41

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