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Jochen Rindt

C’était l’un des pilotes les plus talentueux de sa génération, aussi rapide que caractériel. Sa destinée n’en sera que plus tragique. Flashback sur l'histoire du seul champion à titre posthume, Jochen Rindt.

L’autrichien naît en 1942 mais ce n’est que dans sa période adolescente qu’il s’initia à la conduite sportive. Non pas en compétition, mais plutôt pour amuser la galerie en pleine rue. A de multiples reprises, le jeune Rindt court dans des courses interdites, notamment face à l’un de ses amis au nom connu et reconnu en Formule 1 encore aujourd’hui : Helmut Marko. S’il débuta ses rodéos en moto, il comprit vite que la voiture était bien plus sécurisante. Problème, il n’en n’a pas. Ce n’est qu’à ses dix-huit ans que Jochen trouve enfin refuge derrière un volant. Sa Simca marchait tellement bien qu’il n’hésita pas à concourir face à des bolides bien plus rapides que le sien. L’autrichien n’accepte pas de perdre et cherche à tout prix à gagner davantage de puissance. Après un bref passage par une école de commerce, il s’achète une Alfa Romeo et repart en compétition. En 1963, et après avoir ramassé quelques sous, il prend possession d’une Cooper Formule Junior. Sa carrière était véritablement lancée. Dès le début, Rindt se montra très rapide, tellement qu’il ne laissa que des miettes à la concurrence. En fin d’année, il tente même de participer à une manche hors-championnat de Formule 1 : c’est une réussite malgré son abandon. Il décide donc de grimper d’un échelon pour disputer le championnat de Formule 2. Là encore, l’autrichien se montre le plus agile, glanant la pole pour sa première épreuve avant de remporter la suivante, devant le champion du monde 1962, Graham Hill. Il ne lui en fallait pas plus pour tenter l’aventure Formule 1. Ce sera chose faite et ce, dès 1964…

Ses débuts officiels auraient pu se tenir sur le terrifiant Nürburgring mais faute de temps et de préparation, il dû renoncer à y participer. Il retenta sa chance chez lui, en Autriche, sur l’un des circuits les plus étranges de l’histoire sur l’aéroport de Zeltweg. Cette fois-ci, tout est prêt pour lui permettre de courir. Avec le Walker Racing Team, il prend possession d’une Brabham BT11, la même que le double champion Jack Brabham. Personne n’a d’expérience sur ce drôle de tracé et la chance du débutant pourrait sourire à l’autrichien. Mais à la place, il réalisa une piètre performance : treizième en qualifications, grimpant jusqu’en neuvième place avant de redescendre et de renoncer sur ennui technique. Tout n’a pas été aussi idyllique qu’en Formule 2 mais cette simple prestation lui ouvrit définitivement les portes de la catégorie reine, de nouveau grâce à Cooper. En effet, l’écurie anglaise décida de l’engager pour trois années mais à cette époque là, Cooper n’est plus le Cooper des années 50. Les Brabham, Lotus, BRM et Ferrari trustent le devant de la scène et les différents changements de réglementation, surtout au niveau moteur, n’aide pas la petite structure anglaise. Le poussif moteur Climax sera une réelle plaie en cette saison 1965. L’année débuta par un abandon en Afrique du Sud mais c’est à Monaco que Rindt chuta au plus bas. Dans les rues de la principauté, il ne parviendra même pas à se qualifier, gros coup dur pour lui et son équipe. Toujours embêté par les problèmes de sa monture, il atteindra finalement la zone des points en Allemagne avec une étonnante quatrième place, avant de prendre le point de la sixième, en fin de saison à Watkins Glen. Dans le même temps, et comme beaucoup de pilotes à cette époque, il participa au championnat F2, sans réel succès non plus. Mais c’est en endurance que l’autrichien va commencer à se faire un nom, dans le championnat des voitures de sport. Après avoir tenu la troisième place aux 1000km du Nürburgring sur une Porsche 908/4, il fut appelé par un team privé, le NART, pour courir les 24 Heures du Mans sur une Ferrari 250 LM. Après un début de course perturbé, Rindt, et son équipier américain Gregory, attaquent sans cesse jusqu’au drapeau à damiers, accrochant une splendide victoire au général. La légende Rindt était en marche. Ne restait plus qu’à concrétiser en Formule 1…

Pour la saison 1966, Cooper abandonne le Climax pour équiper ses voitures d’un moteur Maserati, vieux de déjà dix ans. Si sur le papier, tout laisse penser que ce choix est grotesque, en réalité, il fut plutôt intelligent. S’il renonce prématurément à Monaca, Rindt accroche la deuxième place sur la grille à Spa-Francorchamps. Mais le jour de la course, c’est le déluge. La longue piste ardennaise est noyée sous des trombes d’eau et après un premier tour des plus rocambolesques, l’autrichien semblait avoir perdu toute chance de beau résultat. C’était sans compter sur son talent d’équilibriste et à ses pneumatiques Good Year très performants. Sous ces conditions, la Cooper est magistrale, tout comme son pilote. En quelques boucles, le voici passant du fond de classement à la première place, à la surprise générale. Il ne ralentira jamais le rythme mais à quelques tours du but, son différentiel casse, l’obligeant à fortement ralentir pour éviter la sortie de piste. S’il parvient à rester sur le circuit jusqu’à l’arrivée, Surtees est déjà passé. Pour l’autrichien, cette deuxième place, synonyme de premier podium, n’est qu’une maigre consolation après sa splendide épopée. Cette performance est pourtant le signe d’une année au premier plan, Rindt accumulant les points, retrouvant même le podium en Allemagne et aux Etats-Unis. A l’issue de la saison, il se classe troisième du championnat, un résultat extraordinaire pour celui qui ne court que sa deuxième campagne, qui plus est, dans une modeste voiture. Malheureusement pour lui, cette modeste voiture lui causera bien des ennuis en 1967. Bien plus légère que sa devancière, la Cooper T81B, puis la T86, se révèleront d’une fragilité terrible. En cause, le moteur Maserati, assez fiable par le passé, devenu une catastrophe cette année-là. Les abandons s'enchaînent alors qu’en parallèle, ce sont les victoires qui lui reviennent en Formule 2. Il terminera toutefois quatrième à Spa-Francorchamps et Monza mais pour lui, s’en est trop. Connu pour son franc-parler, son manque de patience et sa provocation, Rindt finira par se faire renvoyer avant la dernière manche au Mexique, sans avoir ménagé le directeur d’écurie, Roy Salvadori. En effet, alors que son bloc italien rendait l’âme, il poussa sans cesse dans la zone rouge pour achever volontairement son bolide. Cette fois, l’aventure Cooper est définitivement révolue.

Mais son splendide coup de volant ne passa pas inaperçu et bon nombre d'équipes souhaite acquérir l’autrichien. C’est Jack Brabham qui aura le dernier mot, prenant Rindt sous son aile en 1968. L’écurie, double tenante des titres pilotes et constructeurs, représente le meilleur choix possible et imaginable pour lui. Mais après deux saisons d’utilisation du petit moteur Repco, l’heure est venue de sortir un nouveau bloc, bien plus puissant pour contrer les Ford-Cosworth. Mais avant l’entrée en scène de la BT26, c’est avec la BT24 que la saison débute et une chose est sûre, elle n’a pas perdu de sa superbe. Quatrième sur la grille puis troisième en course, Rindt s’imagine déjà triomphant sur la prochaine monture. Hélas, la fiabilité du précédent Repco n’est plus. Malgré de bons chronos sur un tour, les casses se suivent et se ressemblent toutes. Pourtant, la vitesse est bien présente, comme en témoigne la deuxième position sur la grille à Zandvoort, puis la pole, la première de sa carrière, sur le tracé de Rouen-Les-Essarts. Il parviendra à sortir la tête de l’eau sur le Nürburgring, s’élançant troisième et terminant au même rang, dans des conditions périlleuses. Malgré une seconde pole sur la piste de Mosport, Rindt, qui s’entend formidablement bien avec Jack Brabham, comprend que son avenir ne peut se jouer à coup de casses moteur. Mais en 1968, un drame marqua tout le paddock : la mort du légendaire Jim Clark. Sans sa tête d’affiche, Chapman, directeur de Lotus, repose tous ses efforts sur le vieillissant Graham Hill mais souhaite aussi acquérir un nouveau jeune talent pour succéder à son poulain anglais. Il proposa ainsi une coquette somme d’argent à l’autrichien qui finira par accepter. Le chemin vers la gloire était enfin pris.

Mais chez Lotus, tout ne sera pas rose entre Chapman et son pilote. Pour 1969, c’est à bord de la belle mais fragile 49B que l’autrichien court. En parallèle, l’ingénieur anglais travaille sans relâche sur un prototype de Formule 1 à quatre roues motrices. Cependant, Rindt et Hill, les deux pilotes officiels, refusent d’apporter leur soutien à leur patron, jugeant la voiture trop dangereuse et délicate à piloter. Il faut dire qu’en ces temps-là, chez Lotus, les performances se faisaient souvent au détriment de la fiabilité et de la sécurité. Ainsi, quand la folie des ailerons débarqua en Formule 1, Chapman n’hésita pas à en faire bon usage, sans pour autant vérifier la solidité de ses ensembles. Alors qu’il avait signé la pole à Montjuïc, Rindt, quelques tours après son équipier Hill, frappe de plein fouet les barrières, la faute à l'effondrement de son aileron arrière, provoquant l’embardée de sa monoplace. Touché mais conscient, il restera plusieurs jours à l’hôpital, blessé à la tête. Là, il s’adressa par courrier aux journalistes, insistant sur le fait que Chapman ne se soucie aucunement de la sécurité, menant une politique de “marche ou crève” envers ses pilotes. Après seulement deux épreuves, les deux partis sont déjà en conflit. Dès lors, les deux hommes ne communiquent plus que grâce au manager de Rindt, un certain Bernie Ecclestone. S’il manqua le grand-prix de Monaco, l’autrichien réapparait plus qu’en forme aux Pays-Bas, réalisant une nouvelle pole position mais comme toujours, en course, sa monture s’arrêta. Ce n’est qu’à Silverstone qu’il rallie enfin l’arrivée, au pied du podium, bien que le week-end n’ait pas pas commencé sur de bonnes bases. En effet, Chapman voulait coûte que coûte, faire rouler ses Lotus 63 à quatre roues motrices et pour obliger ses pilotes, il fit vendre leurs 49B habituelles aux écuries privées roulant sur Lotus. Furieux de cette décision, Rindt et Hill échangèrent leur monture, réel acte de rébellion envers le génial ingénieur. La fin de saison fut plus réussie, la fiabilité étant enfin de leur côté. L’autrichien termina deuxième à Monza après être parti de la pole, puis troisième à Mosport, avant de connaître son heure de gloire à Watkins Glen. De nouveau en pole, il profita des ennuis de Stewart pour mener jusqu’au terme l’épreuve américaine et ainsi s’imposer pour la première fois de sa carrière. Pourtant, la joie de ce succès est masquée par le terrible accident dont a été victime Hill lors de la course lorsque le pilote anglais fut éjecté de sa monture disloquée. La saison s’achève sur une énième casse. Rindt souhaiterait rejoindre Brabham mais dans le même temps, Chapman souhaite conserver son pilote, qu’il juge comme l’un des tous meilleurs...

En cette année 1970, pas question de réutiliser la monoplace à quatre roues motrices. A la place, Chapman a conçu une autre monture tout aussi révolutionnaire : la 72. Pour autant, la saison débute à Kyalami avec la version C de la 49, qui se conclut par un abandon. A Jarama, la nouvelle voiture apparaît enfin. Plus aérodynamique, plus rapide, plus performante, la 72 inquiète déjà la concurrence. Mais plus encore, ce sont les pilotes Lotus eux-mêmes qui s’en inquiètent le plus. La sécurité n’est toujours pas optimale et l’autrichien en fut une nouvelle fois le triste témoin, percutant violemment le mur après une rupture de freins. La 49 est ressortie du garage à Monaco mais c’est Brabham qui mène la danse. Mais dans le tout dernier virage du tout dernier tour, l’australien percuta le mur. Cette faute inespérée profita à Rindt qui s’imposa en ayant mené quelques dizaines de mètres seulement ! A Spa-Francorchamps, la 72 est de retour en piste et une nouvelle fois, une rupture de suspension l'envoie dans le mur, pulvérisant la monoplace anglaise. Furieux, Rindt affirma à Chapman que cette voiture finirait par le tuer. Révélation prémonitoire. Il finira même par dire à sa femme Nina, présente à chaque grand-prix, qu’il arrêtera à l’issue de cette saison. A Zandvoort, c’est une 72C évoluée qui apparaît. Dès lors, l’autrichien devient intouchabe. Victoire à Zandvoort, à Clermont-Ferrand, à Brands Hatch, puis sur le Nürburgring, personne ne lui arrivait à la cheville. En Angleterre, le succès fut pourtant chanceux. En effet, Jack Brabham, parti pour s’imposer, tomba en panne sèche juste avant la ligne d’arrivée. Dans son sillage, Rindt le dépassa in extremis pour s’adjuger un succès inattendu. Sur l’Osterreichring, il réalisa la pole position mais son moteur l’obligea à renoncer devant son public. Le titre ne fait plus vraiment de doute, reste à savoir où et quand il le décrochera. A Monza, sur le plus rapide de tous les circuits, Rindt demande certains ajustements pour les essais, notamment l’absence d’ailerons pour augmenter la vitesse de pointe, au détriment de la stabilité. Chapman n’est pas contre cette décision et demande même l'imitation de la procédure sur l’autre voiture de Miles. Mais le samedi matin, lors d’une séance d’essai, c’est le drame. La Lotus de Rindt zigzague dangereusement sur la piste avant de se fracasser contre les barrières. La 72 se décompose avant de retoucher sol. Les commissaires et médecins arrivent rapidement sur les lieux du drame mais il est trop tard : Jochen Rindt est mort. La nouvelle se répand rapidement dans un paddock décontenancé. Pour autant, la course à bien lieu, mais sans son champion.

Rindt n’aura pas décroché le titre à Monza comme beaucoup le pensaient. Il arriva deux courses plus tard, à Watkins Glen, après la victoire de son remplaçant, Emerson Fittipaldi. De ce fait, Jochen Rindt devient champion du monde 1970, le seul à ce jour à titre posthume. L’autrichien n’aura pas disputé tant de courses que cela, n’aura pas autant triomphé qu'escompté, mais se sera montré comme l’un des tout meilleurs de sa génération. Sa mort laissa une trace indélébile au sport automobile et à Lotus, qui finira par connaître ce nouveau coup du sort, huit ans plus tard, avec la mort de Peterson, toujours sur ce même tracé de Monza. L’autrichien n’aura pas eu le temps de découvrir celui qui fera triompher l’Autriche par la suite, le grand Niki Lauda.

Jochen Rindt en chiffres...

Meilleur classement en championnat du monde F1 :

Champion du monde (1970)

Grands-prix :

60 (64 engagements)

Victoires :

6

Podiums :

13

Poles Position :

10

Meilleurs Tours :

3

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