James Hunt
Certains pilotes auront marqué la Formule 1 de par leur coup de volant, d’autres par leur personnalité. L’un d’entre eux concilia étonnement bien les deux : James Hunt.
C’est bien le britannique lui-même qui est à l’origine de sa carrière en sports automobiles. Débutant dans des courses de Mini, il rejoint la monoplace en 1968 avec la Formule Ford 1600. C’est d’ailleurs là qu’il se fit une belle frayeur lorsque sa voiture quitta la piste et termina sa course dans un étang. Par souci d’économies, l’anglais n’avait pas de ceinture de sécurité, ce qui l’a sûrement sauvé de la noyade ce jour-là. L’année suivante, c’est la Formule 3000 qui l’attend avec à la clé, quelques beaux résultats qui lui vaudront d'être nommé meilleur espoir anglais. En 1970, un incident puis une bagarre avec Dave Morgan terniront quelques peu la notoriété de l'anglais, en proie à de nombreux soucis mécaniques et sorties de piste. A noter que durant ses classes européennes, il se retrouve à partager un appartement avec différents pilotes. L’un d’eux n’est autre que Niki Lauda, avec qui il devient bon ami. Deux ans plus tard, March cesse le contrat avec Hunt qui se retrouve sans volant. C’était sans compter sur l'excentrique Lord Alexander Hesketh et sa petite équipe de Formule 2. Le duo s’entend à merveille et dès 1973, les voilà en Formule 1.
La toute nouvelle écurie débarque à Monaco avec une March 731 vierge de sponsors. Tout de suite, les deux personnages font mouche dans le paddock de la Formule 1 : fêtes en tout genre, tenues très décontractées, abus d’alcool et de drogue... Pour sa première course, l’anglais réalise une bonne performance mais à quelques tours de l’arrivée, son moteur arriva à bout de souffle. L’équipe anglaise fait sourire et subit les moqueries mais contre toute-attente, Hunt performe. Sur les six autres épreuves auxquelles il participe en 1973, il parviendra à terminer quatre fois dans les points, raflant une troisième place pour sa quatrième course à Zandvoort. Mieux encore à Watkins Glen où le jeune anglais pourchassa Peterson, jusqu’à finir à six dixièmes de ce dernier, passant tout près de son premier succès. Dès lors, l’abandon du châssis March est obligatoire pour pouvoir atteindre les sommets. C’est donc l’équipe Hesketh elle-même qui construira ses voitures à partir de 1974. Les premiers tests sont bons et la victoire d’entrée lors de la course hors-championnat de Formule 1 fonde de bons espoirs pour la saison à venir. Finalement, les résultats escomptés ne sont pas là, la faute à une fiabilité pas toujours optimale, engendrant de gros soucis mécaniques. Pour autant, le fougueux britannique performe avec sa nouvelle monture et réalise quelques coups d’éclat. En Afrique du Sud, il se propulse en cinquième position dès le premier tour après s’être élancé quatorzième ! Malgré un très bon départ, sa voiture peine à tenir la distance. En Suède, c’est enfin la délivrance. Hunt tient bon et c’est la troisième place pour sa modeste Hesketh. Les travers réapparaissent dans la suite de la saison avant le vrai réveil à quatre courses du but. En terminant troisième à deux reprises et quatrième au Canada, la petite équipe fanfaronne commence à effrayer la concurrence, notamment les Lauda, Fittipaldi ou Reutemann. Le style de vie de l’anglais en choque plus d’un mais son coup de volant est indéniable. Reste à concrétiser en 1975.
Toujours chez Hesketh, Hunt aborde cette nouvelle saison avec la casquette d’outsider. Si Ferrari est l’équipe à battre, l’écurie anglaise court toujours après son premier succès. Pour l’ouverture de la saison, l’anglais se bat contre Fittipaldi et manque de peu de lui chiper la victoire, grimpant sur la deuxième marche du podium. Après une sixième place au Brésil, le reste de la première moitié de saison sera catastrophique avec cinq abandons consécutifs. Mais aux Pays-Bas, la pluie brouille les cartes de toutes les écuries. Hunt démontre alors tout son talent, étant l’un des premiers à changer de gommes pour les slicks. Le pari est gagnant et l’anglais pointe en tête après l’arrêt de tous ses concurrents. Mais rapidement, Lauda et sa Ferrari recolle à l’Hesketh. Le combat semble inégal mais pourtant, l’autrichien n’attaqua jamais, se contentant des points de la seconde place. Et voici donc Hunt vainqueur de grand-prix, une consécration pour lui et l’équipe Hesketh. La manche suivante en France verra les mêmes protagonistes se disputer la victoire mais cette fois, c’est Lauda qui sort victorieux de cette lutte serrée. Après deux manches glorieuses, deux abandons consécutifs touchèrent l’anglais qui su rebondir pour les trois dernières épreuves, toutes finies dans les points, dont une belle deuxième place en Autriche derrière le victorieux Brambilla. Avec tous ces bons résultats, Hunt se classa quatrième du championnat, un classement inespéré deux ans plus tôt. Au volant de sa très modeste Hesketh, le britannique démontra toute l’étendue de son talent, côtoyant les plus grands, luttant souvent contre eux. Mais alors que tout semblait se dérouler comme sur des roulettes, une terrible nouvelle tomba : Lord Alexander Hesketh n’a plus les moyens financiers de faire tourner son écurie. Malgré une recherche précipité de sponsors, l’aventure ne connut pas d’autres suites. Mais que faire ? Toutes les places dans les équipes de pointes sont réservées, aucun bon volant n’est disponible. C’est alors qu’une très étonnante information arriva aux oreilles de l’anglais : Fittipaldi serait sur le point de quitter McLaren pour rejoindre l’écurie familiale Copersucar. Rapidement, les négociations se mirent en place et, avec le soutien de Marlboro, le contrat fut signé. Désormais, l’outsider de 1975 se transforme en prétendant à la couronne en 1976.
L’attitude de l’anglais ne colle pas vraiment avec ce que désire McLaren mais l’envie de retrouver les sommets est plus fort que tout. Celui qui s’affiche avec une combinaison ornée de l’inscription “le sexe est le petit-déjeuner des champions” n’est pas vraiment fervent des costumes et n’a jamais sa langue dans sa poche. La saison débute au Brésil et sans attendre, Hunt signe la pole d’entrée, devant le champion en titre Lauda. La course s’acheva par un accident pour l’anglais, son accélérateur s’étant bloqué. L’anglais récidive avec le meilleur temps à Kyalami mais dès le départ, son rival autrichien le double sans jamais être inquiété. Ce n’est qu’au quatrième rendez-vous de la saison, en Espagne, que les choses évoluèrent. Si la pole revient encore à la McLaren, la victoire est enfin accrochée par les anglais, heureux d’avoir battus Ferrari. Mais quelques minutes plus tard, stupéfaction. Hunt est disqualifié car son aileron arrière est trop large de dix-huit millimètres. Lauda récupère la première place et s’envole au championnat. Pour devenir légales, les McLaren sont modifiées mais leur comportement empati. De plus, la fiabilité du bloc Ford Cosworth ruine quelques belles performances. La mi-saison approche et Hunt n’a que six points au compteur. Il faudra attendre la France pour revoir Hunt en haut du classement, convertissant pour la première fois une pole en succès. Si aucune Ferrari ne termine la manche française, les récentes modifications de la McLaren remontent le moral de l’équipe qui s’en va en guerre contre Lauda et sa couronne mondiale. De plus, l’écurie apprend dans la foulée la levée de la disqualification du grand-prix d’Espagne, redonnant à l’anglais sa victoire perdue plus tôt dans la saison. Chez lui, sur le sinueux tracé de Brands Hatch, Hunt est pris dans le carambolage du départ. Les dommages sont peu importants mais selon le règlement, il lui est interdit de prendre part au second départ. Pourtant, sa McLaren est bien présente sur la grille et dispute bel et bien l’épreuve. Malgré l’incident, l’anglais ne lâcha pas prise et s’imposa de main de maître devant son public. Mais rapidement, les esprits s’échauffent car le retour en piste de Hunt n’était vraisemblablement pas toléré. Ferrari sera la première à porter réclamation contre sa rivale anglaise. Sur le terrifiant Nürburgring, les conditions ne sont pas parfaites. Le départ est reporté en raison du mauvais temps mais la course est tout de même courue. Au second tour, c’est le drame. Lauda quitte la piste, sa 312 T2 s’embrase. Le pilote est sévèrement touché, très brulé. L’état de l’autrichien est critique mais quelques concurrents parviennent à l’extraire de son épave. Si l’épreuve est naturellement neutralisée, elle connaîtra un second départ. Cette fois-ci, Hunt règne et s’impose une nouvelle fois, grappillant de nouveaux points sur son rival meurtri. Sans Ferrari, l’anglais signe sans problèmes la pole mais échoue en quatrième place finale. A Zandvoort, théâtre de son premier succès un an plus tôt, Hunt est plus en forme que jamais. Le jour de ses vingt-neuf ans, il décroche une nouvelle victoire devant les yeux d’un Lauda scotché devant son écran de télévision, dans sa chambre d’hôpital. L’écart en tête du championnat se réduit considérablement mais en Italie, coup de théâtre : l’autrichien est déjà de retour ! Si le champion du monde 1975 est au centre de toutes les attentions, une nouvelle polémique éclata en marge des qualifications. Les écuries McLaren et Penske sont disqualifiées des qualifications en raison d’un indice d’octane trop important dans leur essence. Coup dur pour Hunt. Par chance, quelques places se libèrent au dernier moment sur la grille et l’anglais peut à nouveau se confronter au grand brûlé. Si ce dernier fit un retour époustouflant avec une quatrième place finale, l’anglais rongea son frein, abandonnant suite à un tête-à-queue. Pire encore, en arrivant au Canada, la fédération a tranché : Hunt est disqualifié du grand-prix de Grande-Bretagne après avoir pris part au second départ. Les espoirs de titre semblent définitivement perdus. Sur le tracé de Mosport, il délivra une course fantastique ponctuée d’un nouveau succès, le rapprochant à huit points du leader du championnat. A Watkins Glen, la motivation de ses récentes performances le pousse dans ses retranchements, lui permettant d’arracher son premier hat-trick, pole, victoire, meilleur tour. Avec un Lauda terminant troisième, les espoirs sont encore présents. C’est donc la dernière course à Fuji qui décernera la couronne mondiale. L’autrichien n’a qu’à terminer devant son rival pour s’adjuger un deuxième titre. Au contraire, Hunt doit finir au pire troisième si l’autrichien ne marque pas de points. Mais alors que tous les pilotes attendent cette grande finale en se préparant physiquement, l’anglais jouit de la vie, de ses plaisirs et de ses vices. Avec Barry Sheene, le champion de moto, Hunt se trouve très souvent sous l’emprise d’alcool et de drogue. Grand séducteur qu’il était, il profitait des escales d'hôtesses de l’air pour les inviter dans son lit. Au total, ce n’est pas moins de trente-trois femmes qui passèrent dans sa chambre en l’espace de deux semaines. Puis arriva le jour fatidique de la course. La pluie tombait à torrents mais les caméras du monde entier étaient présentes, l’épreuve devait avoir lieu, coute que coute. Comme avant chaque course, Hunt vomissait, son corps ne supportant peut-être plus tout ce qu’il lui infligeait. La course est lancé mais au deuxième tour, c’est la stupéfaction : Lauda rentre aux stands et abandonne, jugeant les conditions beaucoup trop dangereuses. L’anglais est désormais maître de son destin. La McLaren est en tête mais dans la dernière partie de course, les pneumatiques s’usent et Dépailler, ainsi qu’Andretti, parviennent à le dépasser sans difficultés. Si la Tyrrell du français est victime d’une crevaison, c’est à quatre tours du but que l’impensable se produisit : Hunt rentre aux stands avec un pneumatique dégonflé. L’anglais reprend la piste le couteau entre les dents et dans l’avant-dernière boucle, il passe Regazzoni et Jones. Le classement est confu et personne ne connaît le résultat final. La course est terminée et Hunt rejoint son stand, furieux, persuadé d’avoir perdu. Alors que le directeur de l’écurie McLaren lui annonça la nouvelle, l’anglais fut tout proche de lui envoyer son poing à la figure. Mais il n’en fut rien car Hunt termina troisième, synonyme de titre de champion du monde. En un instant, la colère du pilote se changea en éclatement de joie qu’il ne manqua pas de démontrer sur le podium, cigarette à la main. Les célébrations de la couronne furent très arrosées, rien d’étonnant à vrai dire.
La folle saison 1976 terminée, voilà l’année 1977. Toujours chez McLaren, Hunt entend bien conserver sa couronne. Avec sa nouvelle monture, la M26, l’anglais espère faire plier une seconde fois son rival mais ami Lauda. Dès l’entame de saison, toujours avec la vieille M23, il réalise trois poles consécutives, sans jamais concrétiser le lendemain. La Ferrari 312 T2 semble encore meilleure que l’an passé et l’autrichien plus en forme que jamais et malgré une deuxième place au Brésil et une troisième en France, Hunt ne retrouve pas le chemin de la victoire. Il faudra attendre la course à domicile de Silverstone pour voir la McLaren à nouveau victorieuse. Si Lauda s’envole très rapidement au championnat, l’anglais ne peut lutter à la régulière. Avec deux autres succès à Watkins Glen et à Fuji, il ne termine que cinquième du championnat. Cette même année, Hunt pousse McLaren à tester un jeune pilote prometteur : Gilles Villeneuve. Le rebond est attendu en 1978 mais la saison fut plus que catastrophique. La M26 n’est pas fiable et peu performante, dépassée par les premières voitures à effet de sol. L’unique podium est décroché en France avec une troisième place finale, le dernier de sa carrière. En Allemagne, il est disqualifié pour avoir roulé en sens inverse à la suite d’une crevaison l’envoyant en tête-à-queue dans les stands. Sur le très rapide tracé de Monza, l’anglais est pris dans le carambolage qui coûta la vie à Peterson. Sans réelle motivation et à la suite de ce tragique incident, Hunt quitte McLaren pour rejoindre la jeune équipe Wolf. L’écurie avait fort impressionné pour ses débuts en 1978 mais ces exploits semblent déjà bien loin. La voiture est lente et la fiabilité absente. Les abandons s'enchaînent et l’envie n’est plus là. A Monaco, s’en est trop. Hunt se retire définitivement, sa carrière est terminée.
Quelques mois plus tard, Hunt est embauché par la BBC pour commenter les courses de Formule 1 aux côtés de Murray Walker. L’improbable duo partagea chaque grand-prix des années 80, non sans un humour très british et de très nombreuses critiques et phrases devenues mythiques aujourd’hui. En 1990, un dernier test sur une Williams moderne acheva une carrière bien remplie. Trois ans plus tard, Hunt meurt d’une crise cardiaque dans son sommeil. Il avait quarante-trois ans. En 2013, il est le héros du film Rush de Ron Howard où est retracé sa rivalité avec Lauda en cette saison 1976.
James Hunt en chiffres...
Meilleur classement en championnat du monde F1 :
Champion du monde (1976)
Grands-prix :
92 (94 engagements)
Victoires :
10
Podiums :
23
Poles Position :
14
Meilleurs Tours :
8