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Jacky Ickx

Si vous donnez n’importe quel volant à Jacky Ickx, vous êtes presque certain de l’emporter…

Jacky Ickx n’a pas été piqué par hasard par le virus de la compétition. Fils d’un éminent journaliste automobile de la grande époque, il s’initie dès ses seize ans au plaisir des engins motorisés avec, en premier lieu, plusieurs sorties en deux roues. Après deux ans à limer le bitume, il décide de passer sur quatre roues, s’essayant, avec brio, sur les routes et circuits belges et alentours. Les BMW et autres Ford de tourisme ne l’effraie pas, bien au contraire, puisqu’il s’affichera très souvent dans le sommet des classements. C’est lors de l’une de ses épreuves qu’un certain Ken Tyrrell remarque le jeune bruxellois. Dénicheur de talents, Oncle Ken s’empresse de prendre contact avec Ickx, future étoile montante du sport automobile. Son nez fin ne l’aura pas trompé. Engagé dans son équipe officielle en Formule 3 et Formule 2, le belge prend le temps d’apprendre, même s’il ne faut pas attendre très longtemps pour voir son nom parmi les lauréats. Son premier succès d’envergure arrive chez lui, à Spa-Francorchamps, lors de l’iconique double tour d’horloge, avant de doubler la mise lors de quatre-vingt-quatre heures du Nürburgring. En cette même année 1966, il s‘offre un premier plongeon aux 24 Heures du Mans, épreuve reine qui deviendra indissociable du personnage. En 1967, Jacky Ickx voit toujours plus grand et se projette déjà en F1, en Touring Cars et en endurance. L’homme est inarrêtable et sa quête de succès tout autour du globe ne fait que commencer. Aussi à l’aise dans un sprint de quelques tours qu’une longue course, le bruxellois ne vit que pour une chose : piloter. Son entame de saison en F2 est plutôt bonne face aux pilotes de Formule 1, descendus d’un échelon pour titiller les petits nouveaux. Si la classique mancelle ne lui réussit pas encore, il est à nouveau maître à Spa-Francorchamps, remportant la course des 1000 km au volant de sa Mirage M1 aux couleurs Gulf. Sa glorieuse épopée se poursuit avec une victoire lors du London Trophy en Formule 2, de quoi le voir logiquement s’aligner au Nürburgring lors d’une manche un peu spéciale. Face au petit nombre d’inscrits en Formule 1, les petites F2 sont admises au départ. Si les différences de performances sont notables, personne ne peut expliquer la performance d’Ickx. Troisième des qualifications officielles à seulement dix secondes de la pole position décrochée par Jim Clark, le belge colle vingt-trois secondes à son plus proche poursuivant ! L’Enfer Vert, qui deviendra l’un de ses terrains de jeu favoris, ne lui sourira pas, lui qui devra renoncer sur problème de suspension à quelques kilomètres du terme. Malgré cet abandon, son image de pilote supersonique a fait mouche. Son accession à la catégorie reine n’est désormais plus qu’une question de jours…

A peine un mois plus tard, c’est le grand jour. En ce dimanche 10 Septembre 1967, Jacky Ickx prend part à son premier départ en Formule 1 et c’est sur le Temple de la Vitesse italien que tout commence. Sur sa modeste Cooper T81B à moteur Maserati, le belge se fait discret mais l’apprentissage se fait bien vite. Premier grand-prix et premier point sous le drapeau à damier avec la sixième position, une belle prouesse pour ce novice de la Formule 1. Si sa deuxième sortie à Watkins Glen n’est pas une franche réussite, le bruxellois se console en empochant la manche de F2 à Vallelunga et les 1000 km de Paris à Linas-Montlhéry. Fort d’un coup de volant spectaculaire et d’une capacité d’analyse exemplaire, le jeune prodige impressionne, à commencer par Enzo Ferrari, qui décide de l’engager au sein de la Scuderia dès 1967. L’ascension est fulgurante mais son chemin vers la gloire reste des plus étonnants. Alors qu’il s’associe aux rouges en F1, il s’allie également à Ford en endurance, un comble, surtout à l’époque ! Malheureusement pour lui, cet engagement sur deux fronts n’est pas synonyme de triomphe, lui qui abandonnera au grand-prix d’Afrique du Sud, en Espagne, aux 24 Heures de Daytona, aux 12 Heures de Sebring ou à la Course des Champions. Son retour au sommet ne tarde cependant pas à revenir et avec une victoire après six heures de course à Brands Hatch, la machine Ickx reprend des couleurs. Sa Ford GT40 bleue et orange file sur les circuits du monde entier, à commencer par le Nürburgring et Spa-Francorchamps, là où il accrochera une troisième et première places au bout des 1000 km. Le tracé belge qui lui sourit également en monoplace puisque c’est ici-même, chez les siens, que Jacky décroche son premier podium après seulement cinq départs dans la discipline. Il fera encore mieux sur les départementales de la piste de Reims-Gueux. Alors qu’un léger crachin s’abat sur la grille de départ, Ickx fait le choix de monter des gommes à grosses rainures contrairement à tous ses concurrents. L’avenir lui donnera raison. Dès le premier tour, plusieurs averses s’abattent sur le bitume champenois. Instantanément, la Ferrari caracole en tête et s’envole même si au dix-neuvième tour, une petite escapade hors-piste le fait rétrograder de deux rangs dans le classement. Sans en démordre, le belge reprend son rythme et profite des conditions dantesques pour ravir les places perdues à Rodriguez et Surtees. Dorénavant, il y a Ickx et les autres. Après deux heures et vingt-cinq minutes d’efforts, le drapeau à damier est abaissé. Jacky Ickx est déjà vainqueur en Formule 1 et avec la manière ! Presque deux minutes d’avance sur son plus proche poursuivant, voilà un week-end rondement mené. Seule petite ombre au tableau : le décès de Jo Schlesser au deuxième tour. En signe d’hommage, le récent gagnant dépose sa gerbe de fleurs sur les lieux de l’incident. Lui qui a déjà vu partir Jim Clark en début d’année croise à nouveau la mort en compétition. Dans la foulée, il impose sa GT40 à Watkins Glen avant d'enchaîner avec deux podiums pour Ferrari à Brands Hatch et Monza, non sans récolter sa première pole position dans l'Eifel. Au soir du grand-prix italien, il ne pointe qu’à trois petites unités du leader du championnat Graham Hill et ses récentes bonnes prestations ne font qu’augurer un avenir radieux. Hélas, lors des essais de la manche canadienne en Formule 1, un accélérateur bloqué envoie sa 312/68 contre le talus à plus de 180 km/h. La machine rouge décolle avant de lourdement retomber contre une clôture. Le belge est touché aux jambes mais par bonheur, ses jours ne sont pas en danger. En revanche, plus question de viser le titre, ni même les 24 Heures du Mans. Son retour au Mexique ne sera pas des plus glorieux mais le cap est déjà mis sur 1969, année charnière dans la carrière du belge. Après avoir abandonné Ferrari sur conseil de John Wyer, son employeur en endurance, c’est chez Brabham que l’aventure F1 se poursuit, en parallèle des sorties en GT40. Il tentera même de s’essayer à la NASCAR lors du Daytona 500 mais un accident lors des essais le contraint à déclarer forfait. Face à des Matra MS80 imbattables et un Stewart des grands jours, difficile de jouer aux avant-postes. Sa BT26A n’est pas la plus véloce des monoplaces et il faudra passer trois abandons pour enfin retrouver le top 6 et mieux. Troisième en France, deuxième en Grande-Bretagne avant de dominer outrageusement la course allemande avant de rééditer l’exploit au Canada. Ce réveil tardif ne sera pas suffisant pour contrer l’écossais, facile champion du monde, largement devant Ickx, vice-champion. Mais c’est à bord de la splendide américaine que sont écrites les lettres de noblesse du bruxellois. Après s’être imposé dans la classique floridienne de Sebring, le belge retrouve la Sarthe, là où il réalisera son geste le plus mythique de sa carrière. A l’abaissement du drapeau tricolore, Ickx décide de marcher vers sa voiture, là où ses concurrents se ruent pour démarrer au plus vite, quitte à ne pas s’attacher correctement. Ce geste délibéré met en avant l’insécurité de ce type de départ, fatal à John Woolfe dès le premier tour. Dernier au premier passage, le pilote Ford attaque sans retenue et au petit matin, le voici lancé, avec son équipier Oliver, dans une course effrénée face à la Porsche de Larrousse et Herrmann. Dans l’ultime boucle, Ickx laisse volontairement passer la 908 pour mieux l’attaquer dans les Hunaudières. Le dépassement est somptueux, le succès retentissant. Ce n’était que le début de l’histoire entre le petit belge et la piste mancelle…

1970 est synonyme de retour au bercail pour Ickx. Avec la disparition des Ford GT40 du monde de l’endurance, plus rien ne le retient chez Brabham en Formule 1, d’où son retour à Maranello, chez Ferrari. Désormais, que ce soit en sport-proto ou en F1, le belge ne connaitra que le chant des criards douze cylindres, à commencer par le nouveau bloc à plat en Formule 1 monté dans sa nouvelle 312B. Hélas, la fiabilité des bolides transalpins laisse à désirer malgré de belles performances. Abandon aux 24 Heures de Daytona puis au grand-prix d’Afrique du Sud, voilà une entame de campagne pas vraiment rêvée. Elle prendra une tournure dramatique lors de la manche espagnole du championnat du monde de Formule 1. Sur la piste de Jarama, le bruxellois se fait percuter de plein fouet par la BRM d’Oliver en perdition. Le choc est si violent qu’instantanément, un gigantesque brasier éclate après la perforation des réservoirs d’essence remplis à ras-bord. Le malheureux pilote Ferrari est pris au piège des flammes ardentes qui dévorent sa monoplace. Après de terribles efforts, Ickx parvient enfin à s’extraire de son cockpit brûlant, non sans voir le feu s’attaquer à sa combinaison. Les images sont terribles et aucun commissaire ne semble prendre conscience du danger. Pour ne rien arranger, un commissaire un peu trop vigoureux oublie de retirer la jugulaire de son casque. Par le plus grand des miracles, le vice-champion 1969 s’en tire avec de simples brûlures superficielles mais le résultat aurait pu être bien pire. Trois semaines plus tard, le valeureux pilote réapparaît au départ du grand-prix de Monaco mais là encore, une défaillance de sa transmission le prive de ses premiers points. Pas plus de chance non plus à Spa-Francorchamps, là même où quelques semaines auparavant, il renouait avec le podium en endurance sur sa belle 512 S. Ce n’est qu’après des 24 Heures du Mans désastreuses pour lui que sa saison prend enfin la bonne tournure. Sur le circuit de Zandvoort, il caracole en tête avant de laisser Rindt filer vers la victoire. Touché par une crevaison lente en dernière partie d’épreuve, le belge s’arrête aux stands et repart le couteau entre les dents. Résultat : une troisième place sous le drapeau à damier. Enfin des points pour celui qui n’aura couru qu’après la malchance depuis le début de saison. Ce chat noir qui ne le quitte pas vraiment en France et en Grande-Bretagne et ce, malgré la pole sur le circuit de Charade. Mais dès lors, presque plus rien n’arrête la machine Ickx. Deuxième à Hockenheim après une lutte de tous les instants face à Rindt, victoire sur l’Ӧsterreichring, revoilà Jacky à son meilleur niveau. Mais à Monza, la mort frappe à nouveau. Après McLaren et Courage, c’est Jochen Rindt qui perd la vie en Italie. Le belge ne verra pas l’arrivée sur les terres de son écurie mais au Canada, c’est bien lui qui l’emporte. Mathématiquement, lui seul peut encore contrer le défunt autrichien, ce que le bruxellois ne souhaite pas vraiment. Son abandon à Watkins Glen scelle le sort du championnat. Une fois encore, c’est le rang de vice-champion qui l’attend, une place plutôt étonnante à la vue de ses résultats. Une dernière victoire à Mexico parachèvera cet exercice 1970. Désormais, place à 1971. Grandissime favori sur sa 312 B2, Jacky Ickx déchantera bien vite. Que ce soit sur la scène de l’endurance ou de la F1, rien ne va plus. Face à des Tyrrell et BRM redoutables, il n’y a rien à faire. Sa saison n’avait pourtant pas si mal démarrée avec deux poles positions et trois podiums dont une victoire d’anthologie sous la pluie à Zandvoort face à un Rodriguez des plus coriaces. Mais entre le grand-prix de France et celui des Etats-Unis, alors que le mexicain a lui aussi perdu la vie, ce ne sont pas moins de six abandons qui seront à mettre à son actif en sept départs. Face à ces déconvenues, beaucoup auraient sans doute laissé tomber, mais pas Jacky Ickx. Le belge, brillant pilote sur tous les terrains, s’est forgé une vraie image d’un homme téméraire, prêt à prendre des risques au détriment de la sécurité. Ce comportement ne sera d’ailleurs pas sans agacer un certain Jackie Stewart, fervent défenseur de la sécurité des circuits et des machines. Il n’y a plus rien à tirer de 1971, ce n’est que partie remise en 1972…

Pourtant, rien ne change vraiment en 1972. La 312 B2 est toujours de la partie et entre ses mains, les résultats peinent à venir. Non pas que le pilote soit mauvais, bien au contraire, mais le cruel manque de fiabilité de la belle italienne fait terriblement défaut au pilote Ferrari. Celle-ci résiste au grand-prix d’Argentine avec un premier podium chanceux de par les nombreux abandons de la concurrence. Dans le même temps, sur le prototype 312 PB, la mécanique tient le coup et lors des 6 Heures de Daytona, à la place de l’iconique double tour d’horloge, c’est bien le belge qui s’impose avec Mario Andretti. La mise sera doublée aux 12 Heures de Sebring quelques semaines plus tard avant d’être triplée et même quadruplée à Brands Hatch et Monza pour les épreuves de 1000 km. Seule ombre au tableau : la non-participation au Mans, ordonnée par Ferrari pour d’éventuels problèmes de fiabilité. Si tout marche comme sur des roulettes en sport-proto, en Formule 1, rien n’est vraiment acquis. A Jarama, il s’élance de la pole position et même s’il se fait passer par Fittipaldi, c’est le seul à pouvoir réellement lutter face au brésilien. Sur le Rocher de Principauté, la météo est exécrable, une aubaine pour le bruxellois, très adroit dans ces conditions précaires. Mais ce jour-là, il y a un os nommé Jean-Pierre Beltoise. Le pilote Ferrari pousse autant qu’il peut mais il n’y a rien à faire, la BRM est trop rapide. Sa deuxième place est sauvée in-extremis car après un rude accrochage avec Peterson dans les derniers kilomètres, sa 312 B2 est dans un piteux état. Les espoirs de sacre refont surface mais bien vite, il faut se rendre à l’évidence : la monoplace rouge et blanche n’est pas assez rapide et fiable. Après une énième panne en Belgique, c’est une crevaison tardive en France qui le fait échouer au onzième rang. De retour dans le Kent pour la manche anglaise, Ickx démontre son plein potentiel en hissant sa monture en pole position avant de caracoler en tête un long moment. Hélas, une fuite d’huile survenue dès le premier tour ne laissait guère entrevoir une chance de victoire. Après deux-tiers d’épreuve passée en première place, le 12 cylindres à plat expire, un comble lorsque l’on sait que ce même moteur remporte les 1000 km de l’Ӧsterreichring et les 6 Heures de Watkins Glen entre ses mains. Sur le terrifiant Nürburgring, Ickx dévoile tout son talent. Décrochant une pole record en battant de presque douze secondes le meilleur temps de l’année passée, le belge se place en véritable homme fort sur l’Enfer Vert. A vrai dire, il sera le seul à le dompter. Quarante-huit secondes d’avance sur son équipier Regazzoni à l’arrivée, voilà un succès plus que mérité. Difficile alors de croire que cette victoire n’en appellera pas d’autres en Formule 1. Le bon élan entrevu n’est finalement qu’un coup d’épée dans l’eau. Abandon en Autriche, panne de batterie en Italie alors qu’il menait depuis le départ, problème de bougie au Canada, les pépins s’accumulent. Le talent seul ne suffit plus. Pourtant, il réitère l’expérience en 1973. Mal lui en prend. La nouvelle 312 B3, qui arrive en cours de saison, est une calamité dont le bruxellois ne pourra jamais en tirer parti. Sa quatrième place récoltée au grand-prix d’Argentine pour ouvrir cette douloureuse campagne restera son meilleur résultat dans une voiture rouge. L’envie n’y est pas vraiment, surtout lorsque la presse transalpine commence à le désigner comme principal fautif de la non-compétitivité des italiennes. Pourtant, le prototype fonctionne bien avec des podiums à Vallelunga, Dijon ou Watkins Glen, et des victoires à Monza et au Nürburgring. Le circuit allemand qui sera le théâtre de l’absence totale de la Scuderia Ferrari, comme à Zandvoort, de quoi pousser Ickx à se séparer définitivement des rouges. A l’inverse, il se lie à McLaren pour cette manche allemande, décrochant une splendide troisième position finale sur la nouvelle M23. Une dernière danse pour le compte de l’écurie de Maranello à Monza viendra parachever ce long chapitre de la carrière du bruxellois, pas toujours verni avec la belle mais fragile mécanique italienne. Pour clôturer cette saison difficile, Jacky Ickx s’associe avec Frank Williams pour piloter son Iso-Marlboro à Watkins Glen. Malgré un manque de performance, le belge rallie l’arrivée au septième rang, un petit exploit pour une si modeste équipe. Maintenant que la Scuderia est derrière lui, que reste-t-il à prouver pour Jacky Ickx ? Peut-être enfin accrocher un titre…

Et quelle meilleure opportunité que de rejoindre l’équipe championne en titre Lotus ? La désormais antique 72E est toujours de la partie mais une nouvelle 76 devrait rapidement voir le jour. Est-ce le virage que Jacky attendait ? Pas vraiment. Les McLaren M23, Tyrrell 007 et Ferrari 312 B3/74 sont bien plus performantes que la belle mais vieillissante noire et or. Pour la manche d’ouverture en Argentine, c’est un abandon sur problème de transmission qui l’attend. Pour la première au Brésil, à Interlagos, Ickx s’en sort plutôt bien puisqu’aux trois-quarts de course, il pointe au troisième rang. Quelques tours plus tard, un violent orage s’abat sur la région de Sao Paulo, obligeant la direction de course à brandir le drapeau rouge. Le podium est retrouvé pour le belge, grand absent de la grande estrade depuis 1972. Ce retour en forme se confirme par un succès hors-championnat dans la Course des Champions mais là encore, ce regain de performance n’est que passager. Cinq retraits consécutifs puis une onzième place à Zandvoort, les résultats promis ne sont clairement pas là. La nouvellement arrivée 76 n’améliore en rien les choses si bien que la majorité du temps, c’est la 72E qui s’aligne au départ, sans grande réussite non plus. Si la Formule 1 ne se passe pas comme prévu, c’est également le cas en endurance. Depuis qu’il a quitté la Scuderia, Ickx n’a plus de volant officiel chez un grand constructeur de prototype. Après un bref passage couronné de succès chez Matra lors des 1000 km de Spa-Francorchamps, il rejoint Alfa Romeo mais la barquette rouge demeure trop fragile pour truster les premières places. Alors que plus de la moitié de la saison de F1 a été couverte, le belge connaît un net regain de forme durant l’été. Cinquième à Dijon, troisième à Brands Hatch et de nouveau cinquième sur le Nürburgring, le double vice-champion reprend des couleurs, du moins, le temps d’une saison. Tandis qu’il s’aligne sur une Mirage en sport-proto pour terminer troisième au Paul Ricard, les déconvenues s'enchaînent chez Lotus. Pas mieux que seizième sur la grille, toujours touché par les avaries et les accrochages, Ickx ne montre plus vraiment de motivation pour la monoplace. Son style remarquable sur la piste ne colle plus avec les nouveaux standards de la Formule 1. Il ne le cache pas : son avenir se fera très prochainement en endurance. Et une chose est sûre, le belge n’amuse pas le terrain. Deuxième au Mugello et sur le toboggan des Ardennes sur Alfa Romeo, puis victoire étincelante lors des 24 Heures du Mans 1975 sur Mirage GR8 avec l'indissociable Derek Bell, voilà le bruxellois dans ses plus belles œuvres. Nul doute que son passage, toujours dans l’écurie de Chapman, ne sera que de courte durée. Après une rude entame marquée par la déroute totale des Lotus 72, Ickx profite des accidents successifs de Lauda, Regazzoni, Hunt, Jones et bien d’autres au grand-prix d’Espagne pour remonter à une folle vitesse aux avant-postes. Au vingt-sixième tour, la Hill de Stommelen perd son aile arrière et s’envole dans les rails, touchant Pace mais également plusieurs spectateurs et photographes. Le drapeau jaune est brandi, ce qui n’empêche pas le belge de dépasser Mass pour lui ravir le commandement. Un tour plus tard, un passage de vitesse raté laisse la voie grande ouverte à l’allemand pour reprendre son dû. Quelques secondes plus tard, le drapeau rouge est agité, synonyme de fin de course. Finalement deuxième, Jacky Ickx n’a pas vraiment le cœur à fêter ce qui restera son dernier podium en Formule 1. Avec cinq morts, cet accident reste l’un des plus tragiques en catégorie reine. Quelques semaines plus tard, le double vainqueur de la classique mancelle se sépare à l’amiable avec Chapman. L’histoire avec la Formule 1 s’achève donc sur un énième abandon mécanique. Ou peut-être pas…

Car pour huit des neuf premiers rendez-vous de 1976, Jacky Ickx est encore sur la grille, du moins, quand il y arrive. Embauché par Frank Williams pour piloter une Hesketh 308C transformée en FW05, le belge essaye tant bien que mal de juste se qualifier, ce qu’il échouera à faire à quatre reprises. Sa modeste machine noire et or, qui n’est plus une Lotus, est catastrophique et jamais il ne pourra jouer les points. Absent du grand-prix de Suède pour cause de 24 Heures du Mans, qu’il remportera d’ailleurs sur une Porsche 936, le belge claque la porte après la manche anglaise. Est-ce la fin ? Pas vraiment. Car à Zandvoort, le revoilà dans les paddocks, sélectionné par le Team Ensign. Sa monoplace rouge n’est pas franchement meilleure et jamais il ne parviendra à en tirer quoi que ce soit. Mais pourquoi s'entêter alors que la gloire est omniprésente en prototype ? Que ce soit à Vallelunga, au Mugello, à Imola, Monza ou Dijon, le bruxellois domine ses adversaires sur ses Porsche 935 et 936. A Watkins Glen, pour l’avant-dernier meeting de l’année en F1, il subit un très grave accident qui aurait très bien pu lui coûter la vie. Sa machine s’est littéralement disloquée en deux morceaux au contact des rails en acier découpés. Son sort aurait très bien pu être le même que Koinigg deux ans auparavant… Sa saison est terminée, tout comme sa carrière en monoplace, a priori. En fait, non. A Monaco, en 1977, alors qu’il visite le paddock, son ancien patron chez Ensign lui propose de piloter sa machine le temps d’un week-end. Le belge reprend du service mais sans grand résultat. A l’inverse, il continue d’enflammer les pistes du monde entier sur les monstres de Stuttgart, empochant de très nombreux succès de classes, dont le Bathurst 1000, sur Ford, ou 24 Heures du Mans pour la quatrième fois, égalant alors le record de Gendebien. Pourtant, cette édition ne lui était pas vraiment destinée, lui qui vit sa Porsche d’origine rendre l’âme après seulement trois petites heures. Rapatrié sur la n°4 avec Haywood et Barth, le belge écrit là l’une des plus belles pages de la classique mancelle. Pilotant à la limite pendant près de quatorze heures, il remonte inlassablement sur la tête de course jusqu’à la chiper aux Alpine après leurs casses moteur. Mais à quelques minutes du but, un problème se déclare sur le prototype aux couleurs Martini. Clouée aux stands un long moment, la bête allemande reprend la piste pour les deux derniers tours qu’elle bouclera au ralenti mais en tant que gagnante. Ickx le dira lui-même, c’est probablement son plus beau succès dans la Sarthe. En 1978, on reprend les mêmes et on recommence. Son aventure F1 n’aurait pas dû avoir de suite mais Jacky Ickx ne s’arrête jamais. Ainsi, il reprend le poste de pilote Ensign pour quatre meetings, toujours sans grande réussite. Cette année-là sera d’ailleurs pauvre en résultats dans toutes les catégories, lui qui ne connaîtra la plus haute marche du podium lors des 6 Heures de Silverstone. Au Mans, c’est Renault Alpine qui l’emporte, cinq boucles devant la Porsche du belge, deuxième. 1979 ne sera pas une bonne année pour Ickx. Peu de succès en endurance, un abandon dans la Sarthe mais surtout, un ultime come-back raté en F1. Cette fois-ci, c’est Ligier qui l’appelle pour remplacer au pied levé un Depailler blessé. Le bruxellois découvre alors les monoplaces à effet de sol, qu’il trouve terrifiantes. Son intérim pour huit grands-prix ne sera pas vraiment concluant. Après un ultime tête-à-queue à Watkins Glen, Jackie Ickx quitte définitivement la catégorie reine. La Formule 1 ne l’intéresse plus et malgré deux arrivées dans les points, il est temps de dire stop, du moins, à ces engins du démon. Car de l’autre côté de l’Atlantique, le belge s’en donne à cœur joie et survole le championnat Can-Am. En 1980, il ne concourt qu’aux 24 Heures du Mans, terminant deuxième derrière Jaussaud et Rondeau. L’épreuve mancelle qui restera sa seule sortie endurance en 1981 mais cette fois-ci, c’est la victoire qui l’attend avec Derek Bell. La légende de “Monsieur le Mans” continuait de s’écrire. Etonnement, dans le même temps, l’ex pilote F1 s’adonne au rallye-raid avec notamment, des performances remarquées au Paris-Dakar. L’apogée de sa carrière viendra entre 1982 et 1984. Durant ces trois années, il remportera pas moins de neuf épreuves d’endurance autour du globe, accrochant par deux fois le titre mondial. Il glanera ses sixièmes 24 Heures du Mans en 1982, un record qui tiendra jusqu’à l’arrivée fracassante de Kristensen au sommet de la hiérarchie deux décennies plus tard. La Porsche 956 est la reine des Groupe C. A Spa-Francorchamps, au Nürburgring, à Silverstone ou à Fuji, Jacky balaye la concurrence jusqu’à tomber sur des os nommés Mass et Bellof en 1984. Un an auparavant, il réussit l’exploit de gagner le Paris-Dakar sur une Mercedes avec l’acteur Claude Brasseur. Ses tentatives suivantes seront infructueuses, même s’il tiendra le podium à deux autres reprises. Lors du grand-prix de Monaco de Formule 1 en 1984, Ickx tient une grande responsabilité dans le résultat de l’épreuve. Alors que la pluie noie le circuit et que Prost demande l’arrêt de la course, le bruxellois, alors directeur de course, agite le drapeau rouge. Le classement est entériné, ce qui prive le jeune Senna d’un succès potentiel. Cette action vaudra au belge un retrait de ses fonctions. Toujours est-il qu’en 1985, Ickx est toujours de la partie mais sur une Porsche 962 à présent. La bataille face au redoutable Bellof fait rage mais à Spa-Francorchamps, elle tourne au drame. Alors qu’il attaquait son adversaire, l’allemand tente l’intérieur dans le Raidillon. Les deux prototypes se touchent avant de s’échouer dans le mur. Si Jacky s’en sort sans encombre, ce n’est pas le cas de son adversaire, tué sur le coup. Ce douloureux évènement conduira inévitablement Ickx vers un choix de carrière décisif. Ainsi, à l’issue de la saison 1985, le belge raccroche son casque de pilote officiel, se contentant uniquement de faire du hors-piste ou les 24 Heures de Spa avec sa fille, Vanina.

Mais l’homme à la classe certaine n’a pas terminé avec le sport automobile. Tantôt conseiller pour plusieurs écuries, tantôt ambassadeur pour des marques de luxe, Jacky Ickx n’en finit plus de se montrer sous son meilleur jour. “Monsieur le Mans” n’a peut-être pas eu la vie rêvée en Formule 1 mais face à une adversité des plus coriaces et un matériel par toujours au point, il aura su démontrer tout son talent pour chasser la gagne. S’il n’a jamais atteint le Graal en monoplace, ses différents succès chez Ford, Ferrari, Mirage ou Porsche sur la scène de l’endurance mondiale le propulsent inévitablement au rang de meilleur pilote sur longues distances. Jamais avare de conseils pour les plus jeunes comme les plus talentueux, Ickx se rappelle aux bons souvenirs de tous en devenant ambassadeur du projet Genesis en catégorie Hypercar, tout un symbole qui rappelle ô combien cet homme n’est pas qu’un pilote à part entière. C’est une légende vivante.

Jacky Ickx en chiffres...

Meilleur classement en championnat du monde F1 :

2e (1969, 1970)

Grands-prix :

114 (123 engagements)

Victoires :

8

Podiums :

25

Poles Position :

13

Meilleurs Tours :

14

Mis à jour le 

15/10/2025

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