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Lorenzo Bandini

Après une décennie marquée par la puissance italienne, les années 60 se retrouvent presque dépourvues de pilotes transalpins. Il en est un pourtant qui laissa une trace indélébile au sport : Lorenzo Bandini.

Natif de Libye, le jeune Bandini retrouva très rapidement la terre de ses ancêtres, l’Italie. Près de Florence, où sa famille s’installa, l’italien découvrit l’automobile et la mécanique, ce qui deviendra l’une de ses grandes passions. A quinze ans, alors que son père disparaissait, il intégrait, pour la première fois, un atelier de réparation automobile. Les mains dans le cambouis, Lorenzo se mettait déjà à rêver de pilotage. S’il débute sur de petits engins à deux roues, il s’initie très vite à la conduite de voitures, notamment celles sortant du garage où il travaillait. Son patron, un certain Goliardo Freddi, remarqua très vite le coup de volant de sa jeune recrue, le poussant sans cesse à courir lors d’épreuves locales, petits rallyes et courses de côte, dès 1956. Rapidement, sa petite FIAT 1100, prêtée par le patron, n’est plus assez rapide pour lutter face aux monstres de l’époque. En 1958, il participe aux célèbres Mille Miglia, sur une Lancia Appia, préparée par Zagato. Sa prestation fut plus que remarquable puisque l’italien remporta sa catégorie, une sacré performance. Ce résultat ne resta pas sans conséquences puisque dès 1959, il est engagé dans le tout récent championnat de Formule Junior, devenant plus tard le relevé championnat de Formule 3. Les monoplaces à moteur avant sont délicates à piloter mais Bandini les manie à merveille, si bien qu’en 1960, il décroche plusieurs succès comme à Cuba ou sur l’interminable tracé de Pescara. Son nom latin n’échappe pas à l’oreille fine du Commendatore qui commence à approcher le jeune homme en vue d’une probable titularisation dans son équipe à compter de la saison 1961. Les choses semblent actées quand la Scuderia Ferrari finit par retourner sa veste et choisir Giancarlo Baghetti. Coup dur pour l’italien qui se voyait déjà affublé d’une monoplace rouge. Mais rien n’est perdu pour autant, le contact est toujours là, les propositions extérieures aussi…

Si la saison de Formule 1 est déjà bien entamée, les changements de pilotes ne sont pas choses rares. Ainsi, la petite Scuderia Centro Sud lui propose un volant pour quatre des six manches restantes au calendrier. Bandini ne peut refuser cette offre tombant à pic pour lui. C’est donc lors du grand-prix de Belgique 1961, sur le terrifiant tracé de Spa-Francorchamps, que l’italien démarre enfin sa carrière à haut niveau, cinq ans à peine après avoir touché une voiture de sport pour la première fois. Entre ses mains, le jeune pilote dispose d’une Cooper T53, la même qui mena Jack Brabham au titre un an plus tôt, enfin presque. Avec la nouvelle réglementation moteur, le fabuleux Climax n’est plus envisageable et est remplacé par un quatre cylindres Maserati. Mais avant de fouler le toboggan ardennais, l'italien pris ses marques hors-championnat, débutant par une étonnante troisième place à Pau, puis à Naples quelques semaines plus tard. Son premier rendez-vous officiel en Belgique fut tout sauf une partie de plaisir. Qualifié à près de vingt secondes de la pole, il renonça aux deux-tiers d’épreuve suite à une chute de pression d’huile. Sa monture n’est que trop peu fiable et performante pour chercher les machines de la Scuderia Ferrari, invincibles en cette année 1961. Mais si ces résultats ne sont pas incroyables, Enzo Ferrari n’en demeure pas moins intéressé, notamment grâce à son magnifique succès lors des 4 Heures de Pescara. Ainsi, dès 1962, Bandini se voit proposer un panel de volants, à commencer par la Formule 1 et les voitures de sport. En monoplace, l’italien n’est qu’un second couteau parmi tant d'autres, seuls Phil Hill et Ricardo Rodriguez pilotant à plein temps. Et pourtant, le nouveau venu impressionne dans les rues de Monaco, là où l’erreur est proscrite. Tenant le rythme de son équipier champion, Bandini évita toutes les embûches pour remonter jusqu’à la porte du podium, avant de grimper à la troisième place après l’abandon de Ginther dans les derniers instants de course. Ce premier podium, non loin de chez lui en Italie,est un petit exploit mais cependant, Enzo Ferrari ne lui laisse que peu d’autres chances. Tout d’abord en Allemagne, où il renonça sur accident, puis à Monza, pour la manche à domicile, avec une lointaine huitième place sous le drapeau à damier. L’aventure Formule 1 est loin d’être aussi idyllique que prévue. Son championnat parallèle ne sera guère plus réussi, aucune victoire en fin de saison, pas le meilleur des palmarès. Fin 1962, le Commendatore décide de se séparer de l’italien, du moins en F1. Il finira bien vite par le regretter…

Peu à peu, Bandini devenait un personnage des paddocks, un playboy toujours impeccable, souriant et très appréciable mais son éviction de chez Ferrari stoppa net son élan. C’étant sans compter sur son ancien employeur, la Scuderia Centro Sud, désormais possesseur de châssis BRM. Mais la nouvelle monture n’est pas prête pour l’entame de saison et l’italien doit ronger son frein avant de pouvoir à nouveau s’aligner en grand-prix. Heureusement, la Scuderia Ferrari le garde sous le coude pour les épreuves de sport-prototypes, avec à la clé, de beaux résultats à Sebring ou lors des tests pour les 24 Heures du Mans. La classique sarthoise qui réussira plutôt bien à Lorenzo. Associé à Ludovico Scarfiotti, il réalise une solide prestation, préservant sa mécanique tout en poussant continuellement. Les deux pilotes transalpins passent sans problèmes le cap de la nuit jusqu’au moment où, la voiture sœur de Surtees et Mairesse s’embrase. Sans adversaires à leur taille, les italiens foncent vers l’arrivée pour signer une victoire cent-pour-cent italienne historique, la première pour une voiture à moteur arrière. Fort de ce magnifique succès, Bandini retourna gonflé à bloc en Formule 1 mais les résultats ne sont plus les mêmes. Seulement dixième en France, il sauve les deux points de la cinquième place à Silverstone, deux semaines après un nouveau triomphe en endurance sur le tracé de Charade, à Clermont-Ferrand. Sur le tortueux circuit du Nürburgring, il réalise une très belle qualification avec le troisième temps mais sa course ne durera pas plus d’un tour. Bandini le sait, sans l’appui d’une équipe de pointe, difficile de réaliser des prouesses. Mais lors de la course allemande, Willy Mairesse, alors pilote de la Scuderia Ferrari, sort de la piste et se blesse sérieusement. A Maranello, c’est la panique. Quelqu’un doit être trouvé pour le remplacer et c’est finalement l’italien qui obtient gain de cause, revenant là où les rêves peuvent être réalisés. Jusque-là, seul Surtees aura pu tirer tout le potentiel de sa monoplace rouge mais face à un Jim Clark des grands jours, il n’y a rien à faire. Cette fin de campagne devient donc une séance d’essai grandeur nature pour l’italien qui comprend vite que le travail d’équipe est très important. Lors de ses quatre grands-prix avec les déclinaisons 63 et Aero de sa Ferrari 156, l’italien n’accroche que deux cinquièmes places, loin de ses attentes initiales mais les jeux sont déjà fait et tous les yeux sont tournés sur 1964, l’année du succès...

Car cette année-là, Ferrari sort la 158, une petite merveille. Mais face à la grande Scuderia, la concurrence anglaise est toujours présente : BRM, Lotus, Cooper, de grands noms toujours à l'affût dans la quête d’une nouvelle couronne. Pour Bandini, il s’agit de briller sur les deux tableaux : à la fois en endurance et à la fois en Formule 1, même s’il sait d’avance que Surtees sera largement favorisé dans la course au titre. Son année démarre idéalement avec, en prototype, un enchaînement de troisièmes places à Sebring, aux tests pour les 24 Heures du Mans, et à Spa-Francorchamps. Mais en monoplace, c’est la débandade. Abandon à Monaco, puis à Zandvoort, puis à Spa-Francorchamps, sa saison débute vraiment mal. Ce n’est pas forcément mieux pour son équipier anglais, sauvant son entame de campagne par une deuxième place aux Pays-Bas. Ce n’est qu’en France, soit une semaine après le double-tour d’horloge manceau achevé à la troisième place, que l’italien croise enfin la ligne d’arrivée, seulement neuvième. A Brands Hatch, alors que la 156 Aero est de retour en piste, Bandini récolte ses premiers points mais pour le titre, c’est déjà fichu. Clark et Hill sont désormais loin devant mais Surtees à encore une maigre chance de les surprendre. Sur le Nürburgring, il se qualifie à nouveau parmi les premiers avec le quatrième temps et cette fois, l’italien ne commet pas d’erreur. Impeccable dans son pilotage, il s’adjuge la troisième place finale, deux rangs derrière son équipier vainqueur et plus que jamais dans la lutte pour la couronne. La machine Ferrari, bien que poussive au démarrage, commence peu à peu à prendre l’ascendant sur ses rivales anglaises. Puis en Autriche, sur le si particulier tracé de Zeltweg, c’est la délivrance. Lorenzo Bandini s’installe enfin au commandement d’une course, profitant des abandons de Clark et Gurney devant lui pour s’échapper. Après avoir bouclé les cent-cinq tours, l'italien s’assure de son premier succès en Formule 1, la première pour un italien depuis trois ans et Baghetti, celui qui lui aura volé sa place en 1961. Désormais, le pilote Ferrari a les crocs et s’il sait que le championnat est terminé pour lui, il continuera à se battre pour permettre à Surtees d’être sacré. A Monza, l’anglais l’emporte, suivi de McLaren er Bandini, sur le podium chez les siens. La Scuderia est revigorée et croit de plus en plus à un retournement de situation inespéré oui mais voilà, Enzo Ferrari lève la voix contre les autorités concernant la l’homologation de sa 250 GTO en catégorie GT. De ce fait, la Scuderia annonce ne pas disputer les deux derniers grands-prix outre Atlantique, à Watkins Glen et Mexico. Fort heureusement, l’importateur américain Luigi Chinetti fit venir les pilotes et les voitures, repeintes en bleu et blanc pour l’occasion. Mais aux Etats-Unis, la bonne série de Bandini prend fin, moteur cassé. La grande finale se dispute donc au Mexique. Grand favori, Graham Hill n’a pourtant que peu de marge face à Jim Clark et John Surtees. Dès le début de l’épreuve, c’est le champion sortant qui prend les devant. Un peu plus loin, Bandini et Hill luttent pour la troisième place devant l’autre Ferrari mais alors que la bagarre fait rage, l’italien commet une erreur et percute l’anglais. Le pilote BRM peut repartir mais son échappement est en mauvaise posture. Clark semble alors se diriger tout droit vers une seconde couronne consécutive lorsque dans l’avant-dernier tour, de l’huile s’échappe du moteur de sa Lotus. C’est l’abandon. De ce fait, c’est l’autre anglais qui devient virtuellement champion bien qu’étant absent de la zone des points. Mais dans la dernière boucle, Bandini, alors second, décide de lever le pied pour laisser passer l’autre Ferrari. Les positions interchangées, le titre change à nouveau de main, tombant cette fois-ci définitivement entre les mains de Surtees. L’anglais ne peut que remercier l’italien, véritable héros du jour. S’il reconnaît le bienfait de son geste, Bandini souhaite désormais passer un cap et aller de l’avant. Qui sait, la chance finira sûrement par tourner…

Mais en 1965, les Ferrari sont moins compétitives. Du moins, tout le monde est moins compétitif que Clark, véritable phénomène cette année-là. Après un abandon en Afrique du Sud pour la nouvelle année, il réintègre le podium à Monaco lors d’une course à rebondissements. Loin d’être le plus rapide, l’italien évite les pépins et après l’erreur de Hill, il s’empare du commandement durant une vingtaine de tours. Mais derrière lui, revenu de nulle part, le double champion anglais klaxonne et rapidement, le pilote BRM reprend son dû. Dépassé par son équipier champion, Bandini repasse au deuxième rang dans le dernier tour, voyant l’autre Ferrari s’arrêter sur le bas-côté, en panne d’essence. Mais avant de reprendre le volant en Principauté, l’italien parcouru les belles routes transalpines pour disputer la célébrissime Targa Florio. Après avoir échoué au second rang deux ans auparavant, Bandini remporte enfin la grande classique, à bord d’une Ferrari, évidemment. Loin d’être dans le coup en Belgique, il parvient à retrouver les premières places de la grille en France, avant de mener une course calme, jusqu’au trente-sixième des quarante boucles où un accident mit fin à tous ses espoirs de points. Les choses ne s’arrangent pas ni en Grande-Bretagne ni aux Pays-Bas, toujours sans top 6. Le championnat ne sera encore pas pour cette année. Mais à partir du meeting allemand, les résultats s’améliorent. Après avoir inscrit l’unité de la sixième place sur le Nürburgring, il se classe quatrième à Monza puis à Watkins Glen, sauvant quelque peu sa campagne,désastreuse. Les 158 et 1512 vont tirer leur révérence à Mexico, théâtre du sacre surprise de son équipier un an auparavant, grand absent de ces rendez-vous américain à cause d’un accident en Can-Am. Seulement huitième à l’arrivée, Bandini espère que les nouveaux changements réglementaires de 1966 joueront enfin en sa faveur.

Pour débuter cette nouvelle campagne, Bandini se voit attribuer la nouvelle 246 et son moteur V6, alors que son équipier et leader l’équipe, Surtees, dispose de la 312, nouvelle elle aussi. Dans les rues de Monaco, la souplesse du six cylindres fait des merveilles et pourtant, c’est bien l’autre machine rouge qui vire en tête au départ avant d’abandonner sur casse de la transmission. L’italien s’en sort bien mieux et malgré un mauvais envol, il recolle peu à peu aux avant-postes pour remonter jusqu’au second rang, derrière l’un des futurs grands de la discipline, Jackie Stewart. Sous la pluie de Spa-Francorchamps, il se montre très à l’aise, prenant le commandement de l’épreuve au second tour avant de rétrograder au troisième rang à l’arrivée, laissant la victoire aux mains de Surtees. Pour la première fois de sa carrière, Bandini mène le championnat du monde de Formule 1 mais à partir de ce moment-là, tout changea pour lui. Car au sein de la Scuderia, l’entente entre le champion 1964 et la direction est des plus mauvaises. Sans trop hésiter, l’anglais claque la porte de la firme de Maranello, poussant Bandini à devenir le premier pilote de l’écurie, une lourde responsabilité à porter. Et pourtant, c’est motivé comme jamais qu’il débarque en France, sur le circuit de Reims. Pour l’unique fois de sa carrière, l’italien s’installe en pole position avant de mener une bonne partie de l’épreuve, jusqu’au moment où son câble d’accélérateur se rompt, le conduisant inévitablement à l’abandon. Absent à Brands Hatch à cause d’une grève touchant une bonne partie de l’Italie, il reprend le volant de sa 312 à Zandvoort puis au Nürburgring, achevant les courses au sixième rang. Auteur d’un splendide départ à Monza, il se retrouve relégué en fond de peloton dès la deuxième boucle, finissant par renoncer sur souci mécanique, alors que son équipier Scarfiotti, pigiste pour l’occasion, remportait son unique succès dans la discipline. Comme à l’habitude, la saison s’achève de l’autre côté de l’Atlantique, à Watkins Glen. Là encore, Bandini mène une course solide, luttant face à Brabham, alors champion du monde, pour le leadership. Mais alors que le premier tiers de l’épreuve est dépassé, son V12 rend l’âme, le privant d’une nouvelle belle occasion de briller. La malchance est de mise en cette année 1966 mais 1967 est déjà là. Comme depuis déjà de nombreuses saisons, l’italien joue sur deux tableaux, en endurance et en Formule 1. Après la déculottée infligée par Ford aux 24 Heures du Mans 1966, Ferrari annonce vouloir se venger chez les américains lors des fameuses 24 Heures de Daytona. Pari gagné. Là où les GT40 stoppent les unes après les autres, les 330 P3 font preuve d’une régularité exemplaire. Associé à son nouvel équipier en F1, Chris Amon, Bandini accroche le double tour d’horloge américain à son palmarès, avant d’enchainer sur les tests de la classique mancelle avant de s’imposer aux 1000 km de Monza. Rien ne semble pouvoir l’arrêter et quoi de mieux pour lui que de débuter la saison de monoplace par son circuit fétiche : Monaco. Deuxième sur la grille, il chipe le commandement à Jack Brabham dès le départ mais à la suite d’une casse moteur rapide de ce dernier, de l’huile se répand sur la piste, faisant patiner les voitures. L’italien se prend au piège mais parvient à rester dans le sens de la marche, bien que Denny Hulme soit passé devant. Peu à peu, l’écart entre les deux hommes diminue mais au quatre-vingt-deuxième tour, c’est le drame. A la chicane du port, sa monoplace tape à l’arrière gauche avant de se retourner puis de s’embraser. Les images sont terribles mais le pauvre pilote est toujours coincé dans le brasier. S’il en est extrait vivant, ses brûlures sont très importantes. Trois jours après le grand-prix, Lorenzo Bandini pousse son dernier souffle. Il avait trente-et-un an.

L’italien laisse derrière lui un vide immense dans le monde des sports mécaniques. Que ce soit en Formule 1 ou en endurance, tout le monde connaissait Bandini. Sa volonté de bien faire, son pilotage propre et son charisme faisaient de lui un pilote à part entière adoré de tous. Tout avait si bien débuté cette année-là mais le destin rattrapa bien vite celui que beaucoup voyait comme favori pour la couronne. Sa mémoire est toujours saluée encore aujourd’hui, notamment en Formule 1, avec un trophée à son nom remis au meilleur espoir de la saison écoulée, un espoir que l’italien n’aura jamais lâché, lui qui voulait tant accomplir ses rêves les plus fous à bord de ses Ferrari...

Lorenzo Bandini en chiffres...

Meilleur classement en championnat du monde F1 :

4e (1964)

Grands-prix :

42 (47 engagements)

Victoires :

1

Podiums :

8

Poles Position :

1

Meilleurs Tours :

2

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