Jim Clark
Un talent inné qui fit les grandes heures de la F1 dans les années 60 : voici Jim Clark
L’insertion de ce jeune écossais dans le monde des sports mécaniques ne fut pourtant pas si simple. Fils de riches éleveurs, sa carrière semblait s’orienter vers ce même milieu comme le souhaitaient ses parents. Son adolescence le poussera à s’essayer à la conduite et étonnement, son comportement derrière un volant impressionne. A peine âgé de vingt ans, le voici qui incorpore l’écurie des Border Reivers, une petite structure locale menée par John McBain. Poussé par son ami et mentor Ian Scott-Watson, Clark s’improvise pilote de course à défaut d’être copilote et cela paye. En rallye ou en course de côte, les résultats sont bien présents. En 1958, c’est sur circuit que se poursuit sa formation au volant. Désormais, ce sont des Jaguar Type-D et autres Porsche 356 qui l’attendent. Cette première saison à plus haut niveau se conclut par onze succès dans divers championnats. Mais c’est en fin d’année, le 26 décembre 1958, que l’avenir du timide Jim se construit officiellement. Ce jour-là, sur le circuit de Brands Hatch, il se retrouve confronté à Colin Chapman, le génial fondateur de la marque Lotus. C’est d’ailleurs sur l’une de ces voitures que l’aventure entre les deux hommes débute, mais sur la piste. A l’issue des dix tours en catégorie GT, c’est celui qui deviendra son futur patron qui s’impose, à peine deux secondes devant l’écossais. Fasciné par son pilotage et sa maîtrise, Chapman pense pouvoir miser sur ce jeune homme pour atteindre les sommets. Couvé par l’anglais jusqu’à son arrivée, désormais plus qu’imminente, en catégorie reine, Clark poursuit sa belle aventure avec les Border Reivers en 1959, glanant pas moins de seize nouvelles coupes de vainqueur, tentant même l’aventure aux 24 Heures du Mans avec, à clé, une dixième place au général mais une deuxième en catégorie GT1.5, sur une Lotus Elite. Il retentera sa chance en 1960 et décrochera la troisième position avec Roy Salvadori sur une Aston Martin DBR1. Le constructeur aux ailes qui souhaiterait bien piquer à Lotus ce jeune prodige de vingt-quatre-ans pour l’initier à la Formule 1 mais face aux désastreuses performances des machines vert anglais en catégorie reine, le choix de Clark se porte définitivement sur Lotus. Pour se préparer au mieux aux monoplaces les plus rapides du monde, Chapman autorise son poulain à concourir en Formule Junior, Formule 2 anglaise et Formule 2. Trois victoires en l’espace de quatre meetings puis une quatrième quelques semaines plus tard, la machine écossaise était en marche. C’est donc sans aucun doute que Colin Chapman propulse Clark en Formule 1. L’histoire magique pouvait débuter…
Tout le long de sa carrière dans la catégorie reine, Clark ne pilotera que pour Lotus et ses voitures vertes et jaunes. Pourtant, cette carrière aurait pu ne jamais avoir lieu. 6 Juin 1960. Le nom de Clark apparaît pour la première fois sur une grille de départ de Formule 1. C’est aux Pays-Bas, sur le circuit de Zandvoort, que tout commence. Si sa course se solde par une casse de transmission sur sa Lotus 18, le grand-prix est marqué par le décès d’un spectateur, fauché en bord de piste par la monoplace folle de Gurney. La manche suivante à Spa-Francorchamps ne sera guère plus réjouissante pour l’écossais qui vécut l’un de ses plus horribles grand-prix. Sur la très longue piste ardennaise, le moindre écart de trajectoire peut être fatal et en 1960, ils sont deux à perdre la vie lors cette effroyable course : son ami Chris Bristow et Alan Stacey, sous les yeux du pauvre Clark. Choqué par la vue de l’extraction des corps sans vie sous ses yeux et par les tâches de sang qui couvraient le capot de sa voiture, l’envie de tout arrêter était grande pour le jeune prodige, mais sans doute moins que celle de piloter pour la gagne. Comme en Belgique, c’est la cinquième place finale qui l’attend sur les nationales de Reims-Gueux. En verve à Silverstone, il ne pourra jouer les gros points, suspension cassée à quelques tours du but. En parallèle de ses activités en Formule 1, Clark poursuit son apprentissage en monoplace dans les catégories inférieures, notamment en Formule Junior britannique avec le titre en poche en fin de saison. Ses aventures en voitures de sport, bien que de plus en plus restreintes, ne sont pas vraiment une réussite, si l’on excepte cette victoire à Charterhall sur une Aston Martin DBR1. La manche suivante du championnat du monde de F1 se dispute dans les rues de Porto mais tout commence mal pour Jim, accidenté lors des essais. S’il ne souffre d’aucune blessure, sa monture est sérieusement touchée et sa participation au grand-prix est menacée. La monoplace sera réparée en hâte mais malgré un châssis complètement tordu et une colonne de direction branlante, l’écossais réalise une performance incroyable, profitant des ennuis de ses adversaires pour atteindre la troisième marche du podium, un résultat tout bonnement inouï. Cette première campagne de mise en jambe doit désormais être accompagnée de la confirmation en 1961. Avec une nouvelle Lotus 21 plus performante, les résultats de choix sont attendus. Malheureusement, une nouvelle réglementation moteur piège l’écurie anglaise dont le moteur Climax s'avère trop peu puissant et fiable face au bloc Ferrari. Mais avant que le championnat ne s’ouvre officiellement, Jim Clark participe à quelques manches hors-championnat, dont celle de Pau, où il triomphera pour la première fois à bord d’une F1. Ce petit exploit aura bien du mal à se réaliser à nouveau en 1961 tant la concurrence orchestrée par la Scuderia Ferrari et Cooper à l’avantage. Après une course ratée à Monaco, il remonte sur le podium à Zandvoort, troisième, tout comme à Reims un peu plus tard. Sa dernière apparition aux 24 Heures du Mans, sur une Aston Martin ne sera pas couronnée de succès, tout comme le reste de sa saison F1. A Monza, là où peut se sceller le titre pilote entre Von Trips et Hill, un terrible accident remet en question toute la carrière de Clark. Dans le deuxième tour, alors qu’il se porte à l'extérieur du pilote allemand de Ferrari en abordant la Parabolique, les deux monoplaces s’accrochent. Von Trips, qui voulait se rabattre, n’avait sans doute pas connaissance de la présence de la Lotus à cet endroit précis. La voiture rouge plonge vers le talus, décolle, avant de faucher mortellement quatorze spectateurs. Le malheureux allemand ne survivra pas non plus à cette sortie. C’est à ce jour le plus terrible accident de l’histoire de la Formule 1. L’écossais va bien physiquement mais c’est un nouveau drame qui s’ajoute à ceux déjà connus en peu de temps. Alors que faire ? Tout arrêter ou continuer avec la notion de risque ?
La réponse ne met que peu de temps à arriver : c’est la course qui prime, rien d’autre. En 1962, Lotus étrenne sa 25 et son V8 Climax. Fort de trois succès consécutifs hors-championnat en Afrique du Sud en fin d’année passée, Clark se place comme un potentiel et étonnant outsider pour la gagne. Aux Pays-Bas, il réalise le départ parfait, caracolant en tête durant une dizaine de boucles avant de voir son embrayage le trahir. La dernière création de Chapman allait devenir l’arme ultime de Clark, à condition que la mécanique tienne le coup. Dans les rues de la Principauté de Monaco, c’est la pole position qui l’attend, sa première, mais comme à Zandvoort, l’embrayage ne tiendra pas la route et après cinquante-cinq passages, la belle Lotus est stoppée définitivement. A Spa-Francorchamps, rien ne va mieux. La fiabilité lui fait encore défaut en qualifications si bien que son meilleur temps est sept secondes plus lent que le poleman Graham Hill. Seulement douzième sur la grille, il lui faudra compter sur la chance et sur sa bonne étoile pour accrocher un résultat de choix. Bien élancé, il pointe en quatrième place à la fin du premier tour mais une visière décrochée le handicape. Cet affront ne sera pourtant pas des plus gênant, l’écossais, avec l’aide de son équipier Taylor, efface coup sur coup Hill, Mairesse et McLaren pour prendre le leadership. La mécanique tient le coup et pour la première fois de sa carrière, c’est en vainqueur que Jim Clark croise la ligne d’arrivée. Chapman est aux anges et n’a qu’une idée en tête : faire de son pilote le plus grand de tous les temps. Dans l’élan de sa première victoire, il signe consécutivement deux nouvelles poles. S’il renonce sur le tracé de Rouen-Les Essarts, il tient bon à Aintree pour s’adjuger un nouveau succès mais également, son premier grand Chelem : pole, victoire, meilleur tour et course menée de bout en bout, ce qui deviendra d’ailleurs sa marque de fabrique. Sur l’enfer vert du Nürburgring, Clark réalise l’une de ses plus belles courses et même s’il ne termine que quatrième, sa folle remontée après son départ totalement manqué en raison d’une pompe à essence désactivée, en impressionnera plus d'un. Très rapide en qualifications comme en témoignent ses trois poles de rang en fin de saison, il est pourtant trop souvent victime du manque de fiabilité de sa monture. A Watkins Glen, il arrache un troisième succès, repoussant l’échéance du titre pilote en Afrique du Sud. Si tout est théoriquement jouable pour l’écossais, il lui faudra bénéficier d'incroyables circonstances pour l’emporter. Face à lui, Graham Hill n’a besoin que d’un top 5 pour s’assurer de cette première étoile mondiale. En cas de victoire de Clark et d’abandon du britannique, c’est bien l’écossais qui rafle la mise, égalité de points oblige si l’on tient compte du drôle de barème de l’époque et de ses points retenus. Bien préparé avec une victoire hors-championnat à Kyalami, le pilote Lotus donne tout pour s’échapper en tête mais à vingt tours de l’arrivée, une fuite d’huile condamne ses derniers espoirs. L’écossais laisse alors le titre s’échapper mais tout le monde sait que dès à présent, il va falloir compter sur lui. La légende allait s’écrire…
1963 doit être son année. Tout démarre en fanfare avec trois premières places en course hors-championnat à Pau, Imola et Silverstone, toujours sur cette fabuleuse Lotus 25. A Monaco, son coup de volant lui permet de devancer Graham Hill de sept dixièmes en qualifications et même si le récent champion lui subtilise la première position au départ, Jim ne tarde pas à reprendre son dû. Sa monoplace est incroyablement performante et la victoire lui tend les bras mais à une vingtaine de boucles du but, sa boite de vitesses se brise, bloquant les roues arrière. La Lotus n’est plus opérationnelle. Cette déconvenue sera très vite oubliée, lui qui s’autorise un déplacement outre-Atlantique pour tenter sa chance lors des 500 Miles d’Indianapolis. La course sur ovale n’a rien à voir avec ce qui se fait en Europe mais le vice-champion 1962 s’en donne à cœur joie, terminant deuxième derrière Parnelli Jones. Cette remise en confiance sera plus que bénéfique pour celui qui deviendra un monstre absolu de performance. A compter du meeting belge, Clark ne laisse que des miettes à ses concurrents, dominant comme rarement en Formule 1. En dix épreuves, il en remporta sept. Cette folle série débute à Spa-Francorchamps, sur le tracé qu’il déteste le plus. Pourtant, il dompte la piste ardennaise, noyée sous la pluie, pour l’emporter haut la main, cinq minutes devant son plus proche poursuivant McLaren. Grand vainqueur à Zandvoort, il réalise une prouesse à Reims en maintenant son leadership alors que son moteur capricieux perd de la puissance. Deux nouveaux grands Chelem dans son escarcelle auxquels viendront se greffer une nouvelle victoire aisée à Silverstone. Sur le Nürburgring, une bougie malade viendra compromettre ses chances de succès mais avec une deuxième place sous le drapeau à damier, la mise est plus que sauvée. Personne ne peut rivaliser avec lui et cela se voit au tableau du championnat. Le titre ne devrait être qu’une formalité pour Jim, affolant tous les compteurs. Sa marche en avant reprend à Monza, là où, le 8 Septembre 1963, Jim Clark deviendra champion du monde de Formule 1. Il ne lui aura fallu que trois petites années pour passer de petit nouveau à grand de la discipline. Son mentor, Colin Chapman, ne peut que saluer la performance de celui qui fait, dès lors, briller le nom de Lotus sur la scène internationale. Ses nouvelles victoires à Mexico et East London ne feront que confirmer le talent de ce jeune homme, toujours bien apprêté. Auréolé de sa première étoile, le protégé de Chapman débarque dans le championnat 1964 en tant que grandissime favori. Tout commence à Monaco et malgré sa pole position, la malédiction qui semble le toucher dans la principauté ne le lâche toujours pas. Alors qu’il jouait le podium face à Hill et Ginther, son moteur Climax se tait à quelques kilomètres du terme de l’épreuve. Comme l’année passée, la déconvenue monégasque est remplacée par la jubilation du succès en Belgique et aux Pays-Bas, le ramenant nettement en haut de la feuille du championnat. Il retente également sa chance dans l’Indiana, réalisant la pole position mais une usure trop importante de ses pneumatiques conduira à un abandon précoce alors que tout était en sa faveur. Ce cruel destin sera identique en Formule 1. Pourtant bien installé aux commandes du championnat après sa victoire à Brands Hatch, il voit sa monoplace le trahir à cinq reprises consécutives, réduisant presque à néant ses espoirs de second titre. Cependant, après avoir vu Hill et Surtees recoller au classement, il subsiste une possibilité pour lui d’atteindre son dû. Sa seule opportunité : la victoire et l’abandon du champion 1962. Tout se goupille étonnement bien pour Clark. Accroché par Bandini, Graham Hill est trop loin pour espérer scorer alors que pour Surtees, la tenue de route de sa Ferrari bleue et blanche est désastreuse. En tête depuis le début, Jim fonce vers cette couronne quasi inespérée mais à moins de dix kilomètres du but, l’impensable se produit : une conduite d’huile se rompt sur son bloc Climax. Arrêté en bord de piste, l’écossais ne peut que regarder le spectacle des Ferrari intervertissant leurs positions dans le dernier tour pour permettre au champion moto Surtees de sceller un sacre improbable. Maigre consolation pour l’écossais : son titre en championnat anglais des voitures de tourisme qu’il remporte en s’imposant lors de toutes les manches dans sa catégorie. La défaite est certes dure à encaisser mais Jim saura rebondir en 1965.
Il ne faudra pas attendre très longtemps pour revoir Clark sur la plus haute marche du podium en 1965. En ce jour de l’an, c’est jour de grand-prix en Afrique du Sud. La nouvelle Lotus 33, étrennée sans grand succès en cours d’année passée, survole les débats, aussi bien en qualifications qu’en course. La machine Jim Clark allait désormais terrasser le monde entier. Champion de Formule Tasmane en empochant quatre succès en sept meetings, il est contraint de faire l’impasse sur le grand-prix de Monaco pour disputer les 500 Miles d’Indianapolis, courue le lendemain, choix de Chapman et du motoriste Ford. Sur le Brickyard, l’écossais s’élance deuxième à bord de sa Lotus 38, juste derrière A.J.Foyt. Rapidement, Clark lui chipe le leadership. La bataille pour la victoire entre les deux hommes s’annonce épique mais une casse mécanique sur la monture l’américain tue le restant de suspense de l’épreuve. Le champion 1963 est d’ailleurs bien aidé lors des ravitaillements grâce au ballet fort bien orchestré des Wood Brothers, équipe de NASCAR précurseur pour ce qui est de la rapidité et de la méthode lors des arrêts aux stands. En menant 190 des 200 tours, Jim Clark s’impose sur la plus grande course de vitesse au monde, la première pour une monoplace à moteur arrière et pour Lotus. Il est également le premier non-américain vainqueur depuis 1920. De retour en Europe, il étincèle en remportant la manche belge sous la pluie et la française sous le soleil de Clermont-Ferrand. Comme si cela ne suffisait pas, il accroche plusieurs succès en Formule 2 britannique et française, raflant la mise dans les deux championnats en fin de saison, une razzia complète pour celui qui n’a toujours pas passé le cap des trente ans. A Silverstone, de nouveaux problèmes mécaniques touchent sa monture mais son style caractéristique et sa conduite très douce lui permettent de maintenir G.Hill à trois secondes à l’arrivée malgré une voiture très souffrante. Personne ne peut rien faire face à lui si bien qu’après les manches de Zandvoort et du Nürburgring et ses deux nouveaux succès, le titre des pilotes est déjà en sa possession. Il faut dire qu’avec un règlement ne comptant que les six meilleurs résultats, difficile de faire mieux que six victoires en autant de départs. Le pilote écossais est sur le toit du monde et collectionne les résultats de choix en cette année 1965. Aurait-on trouvé le meilleur pilote du monde ? Pas impossible. Son alliance forte avec Lotus et Chapman le pousse à réussir et les performances sont bien là. C’est d'ailleurs l’unique fois de l’histoire qu’un pilote remporte les 500 Miles et le titre de champion du monde de Formule 1. Mais au soir du grand-prix allemand, l’avenir prend un 180° fracassant. Trois courses restantes et autant d’abandons pour Clark. Sa Lotus se montre anormalement peu fiable, retrouvant ses travers des années passées. 1966 voit l’apparition d’un important changement réglementaire au niveau des cylindrées des moteurs. Les petites Lotus se retrouvent alors bien mal armées face aux puissantes Brabham ou Ferrari et leurs gros blocs. La saison s’avère être un véritable chemin de croix pour Chapman et Clark. Si la pole est réalisée d’emblée à Monaco, rien n’ira dans le sens du double champion du monde. Nouvel abandon à Monte-Carlo, puis à Spa-Francorchamps avant d’être blessé à la tête par un oiseau lors des essais du grand-prix de France, rien ne va plus. Deuxième des 500 Miles d’Indianapolis derrière son futur équipier Hill malgré deux tête-à-queue, son équipe n'acceptera jamais ce classement, estimant qu’un des tours n’a pas été décompté. Il faut attendre Zandvoort pour revoir Clark aux avant-postes, se battant contre Brabham pour le leadership mais à quelques boucles du but, une fuite d’eau le contraint à ralentir et à repasser aux stands pour ravitailler du précieux liquide, lui permettant de terminer troisième. Outre ce podium hollandais, l’écossais accroche son seul succès de la saison à Watkins Glen, bien aidé par les multiples abandons de ses rivaux. Le passage au moteur BRM en fin de campagne ne changera pas vraiment les choses. Il ne termine que sixième du championnat, son plus mauvais classement depuis 1961. Difficile à croire que toutes catégories confondues, Jim Clark n’aura amassé que deux succès sur l’entièreté de l'année 1966. Y-aura-t ’il un rebond dès 1967 ?
Cette année-là, Chapman planche sur une nouvelle machine révolutionnaire : la Lotus 49. Cette beauté sur quatre roues, équipée de l'incroyable V8 DFV Ford Cosworth, sera à coup sûr une arme absolue de vitesse et de performance. Cependant, la nouvelle machine n’est pas encore totalement fignolée en entame de saison et ce sont les Lotus 33 et 43 qui sont ressorties avant son entrée en piste officielle. Comme très souvent, son premier grand-prix se solde par un abandon sur ennui mécanique. Fort heureusement, le chat noir qui s’était glissé dans ses baquets l’an passé semble avoir trouvé nouveau refuge. Dans le championnat de Formule Tasmane, il domine de la tête et des épaules ses adversaires, remportant cinq des huit épreuves, terminant les trois autres au deuxième rang. A Monaco, l’abandon est inévitable, évidemment. Mais quand la nouvelle monture au V8 Ford-Cosworth débarque, elle fait tout de suite sensation, gagnant d’entrée aux Pays-Bas avec Clark. Pour autant, la course à la légèreté menée par Chapman prive ses pilotes de nouveaux grands résultats. Quand la mécanique tient, l’écossais parvient à briller. Victorieux à Silverstone, Watkins Glen et Mexico, il porte son palmarès à vingt-quatre, soit le même nombre que le grand Fangio. Pourtant, c’est à Monza que Clark réalise une performance surréaliste en Formule 1. En tête lors du premier tiers de course, une crevaison lui fait perdre un tour. Bien aidé par le surpuissant moteur de sa monoplace, il cravache jusqu’à revenir dans le tour des leaders et lorsque son équipier Hill renonce à dix tours du but, il se rapproche de la tête avant même de la prendre quelques boucles plus tard. Malheureusement, un réservoir quasiment vide l’oblige à baisser de rythme pour se contenter de la troisième place finale. La jeunesse de la monoplace fait défaut au tandem Clark-Chapman, dominateur face à son équipier champion Graham Hill. Face à des Brabham Repco très performantes, l’écurie anglaise se rabat sur 1968 pour faire triompher sa machine et son pilote vedette. Si la Lotus 49 est la meilleure voiture des années 60, l’écossais ne peut en tirer son plein potentiel que lorsque le V8 sera enfin fiabilisé. L’espoir est donc grand pour cette nouvelle saison et cela se voit d’entrée de jeu avec la pole position du double champion à Kyalami, sa trente-troisième. Le jour de la course, tout roule et même si c’est Stewart qui boucle le premier tour en tête, la Lotus retrouve le commandement pour ne plus jamais le quitter. Premier devant son équipier, Jim Clark vient de s’approprier le record de victoires en catégorie reine. Personne ne se doutait alors que ce nombre n’évoluerait plus jamais. Auréolé d’un nouveau titre en Formule Tasmane, l’écossais ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin, surtout lorsque la meilleure machine du moment est entre ses mains. Toujours en quête de sensations et de compétitions, Clark continue de passer d’un championnat à l’autre. C’est ce qu’il fit le 7 Avril 1968 en participant à la manche d’Hockenheim de Formule 2. Sur sa Lotus 48, Jim ne vise qu’une chose comme toujours : la victoire. Au troisième des quarante tours, Jim Clark passe devant les stands. C’est sa dernière apparition vivant. Quelques secondes plus tard, l’un de ses pneumatiques explose. La monoplace anglaise quitte instantanément la trajectoire pour s’écraser contre un arbre. Le malheureux n’a pas survécu. Il avait trente-deux ans.
Considéré comme l’un des plus grands pilotes de tous les temps, l’écossais aurait pu contrer son équipier Hill qui remportera la couronne mondiale sur la Lotus 49 en cette année 1968. Le jeune écossais, élégant en toutes circonstances, était doué, extrêmement doué. Les statistiques qu’il laissera dans les livres d’Or de la Formule 1 restent encore uniques à ce jour. Longtemps les records du nombre de victoires, de poles position et de meilleurs tours tiendront. Il faut dire qu’en remportant plus d’un tiers des grands-prix auxquels il a participé, les chiffres sont évidemment exceptionnels. Un record subsiste toujours et non des moindres : celui du plus grand nombre de grand Chelem, à savoir huit. Quel aurait été son palmarès si la mécanique avait plus souvent tenue ? Et quel avenir aurait-il pu avoir ? Personne ne peut le savoir mais une chose est sûre : Jim Clark sera toujours une légende et les légendes ne meurent jamais.
Jim Clark en chiffres...
Meilleur classement en championnat du monde F1 :
Champion du monde (1963, 1965)
Grands-prix :
72 (73 engagements)
Victoires :
25
Podiums :
32
Poles Position :
33
Meilleurs Tours :
28