Jim Clark
C’est l’un des plus grands de l'histoire de la Formule 1. Disparu trop rapidement, Jim Clark aurait pu étoffer encore plus son incroyable palmarès déjà très riche pour l’époque.
Au milieu des années 50, le jeune écossais Jim Clark était prédestiné à devenir fermier dans l’exploitation locale de ses parents. Mais rapidement, il se découvrit une réelle vocation : le pilotage de voitures de sport. Après de multiples rallyes et courses de côte, les premiers tours sur circuits arrivèrent en 1956. Très vite, le timide pilote enchaîne les succès et en 1958, il remporte de nombreuses courses dans divers championnats nationaux au volant de Porsche et autre Jaguar. D’ailleurs, c’est cette même année qui changea à jamais la carrière de Clark. Le 26 décembre, le voici aligné à Brands Hatch sur une Lotus Elite. S’il ne gagne pas, il termine toutefois second, juste derrière le fondateur de la marque Lotus, Colin Chapman. Rapidement, les deux hommes se lient d’amitié, une amitié qui les conduira au sommet quelques années plus tard. Ce dernier lui proposa d’ailleurs de courir en Formule Junior sur une Lotus, bien entendu, véritable porte d’entrée pour la catégorie reine : la Formule 1. Mais avant de piloter au plus haut niveau, l’écossais se lança de nouveaux défis avec notamment les 24 Heures du Mans, toujours sous l’oeil avisé de Chapman. En 1959, il termina second de sa catégorie, dixième au général. L’année suivante, sur une Aston Martin cette fois-ci, il grimpa sur le podium final avec la troisième place, un exploit qu’il ne récidivera pas en 1961, renonçant sur souci d’embrayage. Mais entre temps, ses performances en monoplace sont incroyables et en 1960, la Formule 1 est enfin à lui, le début d’une belle histoire, toujours sur Lotus.
Tout le long de sa carrière dans la catégorie reine, Clark ne pilotera que pour Lotus et ses voitures vertes et jaunes. Pourtant, cette carrière aurait pu ne jamais avoir lieu. Après des débuts à Zandvoort marqués par la mort d’un spectateur à la suite de la sortie de Gurney et une casse de transmission pour lui, l’écossais vécu l’un de ses plus horribles grand-prix à Spa-Francorchamps. Sur la très longue piste ardennaise, le moindre écart de trajectoire peut être fatal. En 1960, ils sont deux à perdre la vie lors cette effroyable course : son ami Chris Bristow et Alan Stacey perdirent la vie, sous les yeux du pauvre Clark. Choqué par la vue de l’extraction des corps sans vie et par les tâches de sang qui couvraient le capot de sa voiture, l’envie de tout arrêter était grande, mais sans doute moins que celle de piloter pour la gagne. Au Portugal, et malgré une voiture réparée avec les moyens du bord à cause d’un accident le samedi, l’écossais mena à bien une course sans accroc, le conduisant vers la troisième place finale et son premier podium en Formule 1. L’année 1961 s’annonce meilleure avec l’arrivée de la Lotus 21, même si les Cooper et Ferrari occupent les têtes d’affiche. La saison débute sur le circuit de Monaco, tracé que l’écossais admirait pour sa technicité. Après un troisième chrono en qualifications, la course sera moins bonne, terminant loin, en dixième place. Il se rattrapa dès la manche suivante à Zandvoort, grimpant sur la troisième marche du podium, un résultat qu’il égala à nouveau à Reims, en France. La saison est dominée par l’écurie de Maranello mais lors de l’avant-dernière manche en Italie, un terrible drame se produisit. Dans le deuxième tour de course, Clark percute Von Trips. La monture au cheval cabré s’écrasa dans la foule au niveau de la Parabolica, tuant quatorze spectateurs, ainsi que le pilote allemand. C’est à ce jour le plus terrible accident de l’histoire de la Formule 1.
Durant les années 60, les courses hors-championnats étaient nombreuses et Clark y prenait souvent part. Il y décrocha son premier succès à Pau en 1961. Arriva la saison 1962 et les premiers espoirs de couronne mondiale. A bord de sa Lotus 25, il réalise sa première pole position à Monaco. Si la course s’acheva plus tôt que prévu en raison d’un embrayage défectueux, il se rattrapa dès la manche suivante en Belgique, bondissant depuis la douzième place, pour finalement remporter son premier grand-prix en Formule 1. Dans l’élan de sa première victoire, il signa consécutivement deux nouvelles poles, ne la transforment en succès qu’à Aintree, en Grande-Bretagne. Sur l’enfer vert du Nürburgring, Clark réalisa l’une de ses plus belles courses et même s’il ne termina que quatrième, sa folle remontée après son départ totalement manqué en raison d’une pompe à essence désactivée en impressionnera plus d'un. Très rapide en qualifications comme en témoignent ses trois poles de rang, il fut pourtant victime du manque de fiabilité de sa monture. Victorieux à Watkins Glen, il fut pourtant à même de remporter son premier titre lors de la dernière manche en Afrique du Sud. Dans ces années-là, seuls les cinq meilleurs résultats comptaient dans l’attribution des points pour le championnat. En cas de victoire de Clark, c’est bien lui qui rafle la mise, égalité de points oblige, le nombre de succès serait décisif. Ce scénario complètement fou aurait bel et bien pu se dérouler si une fuite d’huile à vingt tours de l’arrivée n’avait pas condamné la course en tête. L’écossais laisse le titre s’échapper mais sait que dès à présent, il va falloir compter sur lui.
1963 est son année. Si la manche en principauté qui ouvre la saison ne lui réussit toujours pas malgré la pole, Clark opéra une réelle démonstration, dominant comme rarement en Formule 1. En dix épreuves, il en remporta sept. Cette folle série débuta en Belgique, sur le tracé qu’il déteste le plus. Pourtant, il dompta la piste ardennaise, noyée sous la pluie, pour l’emporter haut la main, cinq minutes devant son poursuivant McLaren. Surviennent ensuite Zandvoort, Reims et sa monture récalcitrante, Silverstone, Monza, Mexico et East London. Outre l’abandon à Monaco, cette fantastique série fut accompagnée d’une deuxième et troisième place, au Nürburgring et à Watkins Glen respectivement. C’est donc avec une facilité déconcertante et un score parfait que Clark accrocha sa première couronne mondiale. Dans le même temps, l’écossais s’adonna à un nouveau défi outre-atlantique : les 500 Miles d’Indianapolis, où il terminera second pour sa première participation. Il coura également hors championnat, notamment à Aintree où il réalisa une incroyable performance en reprenant près d’une minute au leader et ce, malgré un changement de voiture en cours d’épreuve. Auréolé de sa première étoile, le protégé de Chapman débarqua dans le championnat 1964 en tant que grand favoris. Rapidement, il défendit son rang, s’imposant à nouveau aux Pays-Bas, en Belgique et en Grande-Bretagne. Mais cette fois-ci, sa Lotus lui fait défaut. Auteur de la pole à Monaco et en France, il ne put rejoindre l’arrivée. Pire encore en fin de saison où sa monture casse lors des cinq dernières épreuves. La dernière course de l’année au Mexique aurait pourtant pu le couronner s’il s’imposait et que Surtees ne faisait pas mieux que troisième. Mais dans l’avant-dernier tour, une nouvelle fuite d’huile l’obligea à renoncer alors que son adversaire n’était pas dans le coup. Finalement, l’aide de Bandini sur l’autre Ferrari blanche et bleue (!) sauva l’anglais qui rafla le titre pour un petit point devant Hill. Mais en 1964, Clark ne roula pas qu’en Formule 1, disputant les 500 Miles mais aussi le championnat anglais de voiture de tourisme, le BTCC, qu’il remporta en s’imposant lors de toutes les manches !
Mais c’est lors de la saison 1965 que Clark étala tout son talent. A bord de sa Lotus 33, étrenné lors de quelques courses en 1964, il empocha six succès consécutifs, synonymes de titre mondial en raison de la règle des six meilleurs résultats. En début de saison, il fit pourtant l’impasse sur le grand-prix de Monaco pour disputer les 500 Miles. Si la principauté ne lui à jamais réussie, les Etats-Unis semblent être plus propice aux résultats. Après avoir mené 190 des 200 tours de course, l’écossais gagne sur le Brickyard, devenant le premier non-américain vainqueur depuis 1916. C’est également la première victoire d’une monoplace à moteur arrière, la Lotus 38. A Silverstone, de nouveaux problèmes mécaniques touchent sa monture mais son style caractéristique et sa conduite très douce lui permettèrent de maintenir G.Hill à trois secondes à l’arrivée malgré une voiture souffrante. Champion de Formule 1 pour la seconde fois à trois courses du but, Clark aurait bien aimé dominer jusqu’au bout. Malheureusement pour lui, sa Lotus en décida autrement et jamais il ne franchira l’arrivée. Qu’importe, l’écossais était champion du monde et vainqueur des 500 Miles, cas unique dans l'histoire des sports mécaniques. Mais ce n’est pas tout puisqu’il décrocha la couronne en Formule Tasmane mais aussi en Formule 2 française, une sacrée année pour lui.
Mais en 1966, la réglementation change et les Lotus ne sont plus à la fête, notamment en raison des moteurs Climax et BRM très fragilespppppp. La saison s’avère être un véritable chemin de croix pour Chapman et Clark. La saison débute par une pole position mais la suite est catastrophique. Les abandons se succèdent et son accident lors des essais en France où il fut percuté à la tête par un oiseau n'arrange rien. Il faut attendre Zandvoort pour revoir Clark aux avant-postes, se battant contre Brabham pour le leadership. Mais à quelques boucles du but, une fuite d’eau le contraint à ralentir et à repasser aux stands pour ravitailler du précieux liquide, lui permettant de terminer troisième. Outre ce podium hollandais, l’écossais accrocha son seul succès de la saison à Watkins Glen, bien aidé par les multiples abandons de ses rivaux. L’année suivante voit l’apparition de la révolutionnaire Lotus 49 mais n’étant pas prête à temps, il faut continuer d’utiliser la 33 peu fiable. Mais quand la nouvelle monture au V8 Ford-Cosworth débarque, elle fait tout de suite sensation, gagnant d’entrée aux Pays-Bas avec Clark. Pour autant, la course à la légèreté menée par Chapman priva ses pilotes de nouveaux grands résultats. Quand la mécanique tenait, l’écossais parvenait à briller, remportant quatre succès, portant son palmarès à vingt-quatre, soit le même nombre que Fangio. Pourtant, c’est à Monza que Clark réalisa une performance surréaliste en Formule 1. En tête lors du premier tiers de course, une crevaison lui fit perdre un tour. Bien aidé par le surpuissant moteur de sa monoplace, il cravacha jusqu’à revenir dans le tour des leaders et lorsque son équipier Hill renonça à dix tours du but, il se rapprocha de la tête avant même de la prendre quelques boucles plus tard mais avec un réservoir quasiment vide, Clark dû baisser de rythme et se contenter de la troisième place finale. Si la Lotus 49 est la meilleure voiture des années 60, l’écossais ne put pourtant en tirer tout son potentiel lorsque le V8 fut enfin fiabilisée. La saison 1968 commença sur les chapeaux de roues. Auréolé de deux nouveaux titres (1967 et 1968) en Formule Tasmane, Clark s’affirme d’entrée comme l’homme à battre en Afrique du Sud. Il y réalisa ce qui reste sa dernière pole et sa dernière victoire, battant tous les précédents records de Fangio. Ce que personne ne savait, c’est qu’il ne remettrait jamais les pieds dans une Formule 1.
Lors d’une course de Formule 2 à Hockenheim, un problème de pneumatique fit quitter de la route sa Lotus qui s’encastra dans un arbre. Clark décéda sur le coup, laissant un grand vide dans le monde du sport automobile. Considéré comme l’un des plus grands pilotes de tous les temps, l’écossais ne put contrer son équipier Hill qui remporta la couronne mondiale sur la Lotus 49 en cette année 1968. Mais quoi qu’il en soit, il reste un record que le grand Clark détient toujours aujourd’hui aussi étonnant soit-il, c’est le nombre de grand Chelem, c’est-à-dire pole, victoire, meilleur tour et course menée de bout en bout, avec un nombre de huit.
Jim Clark en chiffres...
Meilleur classement en championnat du monde F1 :
Champion du monde (1963, 1965)
Grands-prix :
72 (73 engagements)
Victoires :
25
Podiums :
32
Poles Position :
33
Meilleurs Tours :
28