Bruce McLaren
Dans les années 60, la mode était aux pilotes chefs de leur propre écurie. L’un d'eux marqua le début d’une incroyable épopée toujours en marche aujourd’hui : Bruce McLaren.
C’est chez lui, en Nouvelle-Zélande, que le petit Bruce McLaren se découvrit une passion pour le sport automobile et l’automobile en général. Bercé par la mécanique grâce à sa famille depuis sa tendre enfance, le néo-zélandais démarra en compétition peu après ses quatorze ans. Ses débuts en course de côte se firent sur une Austin préparée par son père et rapidement, les performances étonnent. Passant d’Austin à Ford, puis retournant à Austin, plus rien n’arrêtait McLaren qui filait sans conteste vers la victoire. Avec l’acquisition d’une Cooper-Climax F2, le jeune néo-zélandais monta en grade et disputa le championnat national. Avec son expérience de la mécanique, il n’hésita pas à modifier, à améliorer sa monture pour gagner en performance. C’est d’ailleurs lors d’une course de ce championnat qu’un certain Jack Brabham fut impressionné par le coup de volant de la pépite de Nouvelle-Zélande. A l’époque, les pays les plus développés cherchent à tout prix à montrer leur supériorité et par le biais d’un programme national, McLaren est envoyé en Europe pour concourir auprès des plus grands. L’ascension pouvait commencer. Sur les conseils de l’australien Brabham, l’écurie Cooper engagea le néo-zélandais dans le championnat de Formule 2, ultime étape avant la Formule 1. C’est sur la piste d’Aintree que McLaren débuta sa saison de Formule 2. Cette épreuve, mélangeant Formule 1 et Formule 2, est l’occasion pour les pilotes de la catégorie inférieure de se montrer en battant à la régulière leurs aînés en catégorie reine. Si le circuit anglais n’est pas le plus favorable pour ce faire, le vertigineux Nürburgring l’est encore moins. Et pourtant, McLaren délivra un somptueux résultat sur le très long tracé allemand, malgré sa monture bien moins performante que l’élite. Parti douzième, le néo-zélandais se fraya un chemin parmis ses concurrents et termina premier des pilotes de Formule 2, en cinquième place au classement général, à moins de dix secondes du quatrième Wolfgang Von Trips et sa Ferrari bien plus performante. Ce coup d’éclat lui ouvrit une voie royale en Formule 1, toujours chez Cooper.
Après un bon début de saison 1958, l’écurie Cooper s'essouffla et laissa libre champ à Vanwall et Ferrari pour la conquête du titre. Mais en 1959, la donne est différente. Certes le règlement n’évolue pas mais les machines anglaises s’améliorent sensiblement. Opposé à une armada de voitures similaires, McLaren disputa son premier vrai grand-prix sur le mythique tracé de Monte-Carlo. Après une qualification décevante, le néo-zélandais gratte de nombreuses positions au départ mais après quelques tours, un problème mécanique l’oblige à rejoindre les stands. Si l’arrêt dure plusieurs minutes, le Kiwi parvient à repartir et au gré des abandons et des tours rapides, il remonta jusqu’en cinquième position, synonyme de points pour sa première course. Absent de l’épreuve de Zandvoort, il retrouve la Formule 1 en France, terminant à nouveau cinquième, avant d’enfin trouver le chemin du podium en Grande-Bretagne, sur le tracé d’Aintree, avec la troisième place finale. Mais alors que McLaren semblait tirer davantage de potentiel de sa monture, les problèmes techniques l'empêchèrent de concrétiser. Avec trois abandons en trois courses, ses espoirs de couronne s’étaient définitivement envolés. Pour la dernière manche à Sebring, le pilote Cooper ne s’élance qu’en dixième position mais après un départ tonitruant, le voici déjà troisième dès la première boucle. Quelques tours plus tard, l’abandon de Moss offre le championnat à Jack Brabham tandis que McLaren grimpe au second rang. Dominant l’épreuve, l'australien est cependant victime d’une panne d’essence à quelques mètres de l’arrivée. Il n’en fallait pas plus pour le Kiwi pour accrocher une première victoire inespérée, battant par la même occasion, le record de précocité pour un vainqueur à seulement vingt-deux ans et cent-quatre jours, un record battu seulement en 2003 par un certain Fernando Alonso. Fort de ce premier triomphe, McLaren se lance en 1960 avec l’objectif de ramener le titre à la maison. Avec sa victoire d’entrée de jeu en Argentine, le néo-zélandais s’offre une belle option pour la consécration à bord de sa Cooper très performante. Avec trois autres podiums lors des quatre épreuves suivantes, le Kiwi se place idéalement mais la menace Brabham gronde. Dès lors, la tendance s’inversa et le jeune McLaren perdit la tête du championnat à Silverstone, à trois courses du but. Malgré ses deux podiums au Portugal et aux Etats-Unis, le néo-zélandais doit s’avouer vaincu. Pour autant, son talent de mise au point en épata plus d’un, lui qui toucha si souvent à la mécanique. Mais en 1961, les résultats déclinent. Revenue en force avec la splendide 156, la Scuderia Ferrari domina la saison. Avec un petit podium à Monza, McLaren sait que l’année 1962 peut-être celle du succès. En effet, son grand rival Jack Brabham quitte Cooper pour fonder sa propre écurie Brabham. En leader d’équipe, il s'afficha comme le grand favori en s’imposant dans les rues de la principauté de Monaco. C’était sans compter sur le retour en force des BRM et Lotus, menant la vie dure aux Cooper et à McLaren. Malgré une belle constance, le néo-zélandais voit Graham Hill et Jim Clark lui voler la vedette, une nouvelle fois.
Si McLaren espérait un retournement de situation en sa faveur en 1963, c’est tout l’inverse qui se produisit. Avec une Lotus 25 incroyable, Jim Clark domina comme jamais, privant ses concurrents de sept victoires sur les dix rendez-vous de l’année. Cette même année, le néo-zélandais fonda sa propre écurie de compétition, la Bruce McLaren Motor Racing. Si son équipe ne débute pas immédiatement en Formule 1, elle commence son épopée en 1964 dans le nouveau championnat d’Océanie, les Tasman Series. Cette série, regroupant plusieurs pilotes de haut niveau, se dispute exclusivement en Australie et Nouvelle-Zélande, à bord de Formule 1 propulsées par des moteurs répondant à la réglementation d’avant 1961. Si la monoplace du néo-zélandais reste une Cooper, l’écurie est désormais celle de McLaren. S’il remporte trois des quatre courses organisées à domicile, le Kiwi vit le retour de son grand adversaire Brabham lors des manches australiennes. Avec trois victoires chacun, la dernière course sur le circuit de Longford est décisive. Si la victoire revient à Graham Hill, McLaren termine second, lui offrant alors le titre de champion pour la première année d’existence de ce championnat qui plus est, avec sa propre écurie. Bien sûr, le championnat du monde de Formule 1 se dispute également mais la réussite est différente. Touché par un manque chronique de fiabilité, le Kiwi doit se résoudre à jouer les places d’honneur au volant d’une Cooper pas toujours très performante. Avec deux podiums à la clé, il ne s’adjuge qu’une lointaine septième place au championnat du monde. La saison 1965 sera pire que la précédente. Avec une troisième place comme meilleur résultat en Belgique, le néo-zélandais renonça à cinq reprises, glissant à la neuvième place finale. Les Tasman Series ne seront guère meilleures, une seule petite victoire en fin de saison l’obligea à abandonner sa couronne au profit d’un Jim Clark magistral. Après trois campagnes décevantes, McLaren décida de quitter Cooper. Au vue des performances croissantes des Brabham, le Kiwi prit alors la décision de se lancer lui même dans l’aventure. L’écurie McLaren F1 venait d’entamer sa route vers la gloire.
La première voiture développée est la McLaren M2B. Peu performante et peu fiable, elle donna du fil à retordre à son fondateur et pilote. Là où son ex-équipier Brabham accrochait des victoires et le titre dans une monoplace à son nom, Bruce McLaren utilisa cette première année à des fins de tests grandeur nature. Sous la pluie de Brands Hatch, le néo-zélandais réalisa une solide performance avec la sixième position, synonyme de premier point pour son écurie éponyme. Il récidiva à Watkins Glen, croisant la ligne un rang plus haut, ramenant deux points supplémentaires. En 1967, la M2B est abandonnée au profit de la M4B en début de saison. Terminant quatrième à Monaco, le néo-zélandais ne connaîtra pas même joie le reste de l’année. Après trois courses, le Kiwi prend le volant d’une Eagle, sans jamais voir l’arrivée. Pour les quatre dernières de l’année, c’est la nouvelle M5B qui fait son apparition, toujours aux mains de son fondateur. Le V12 BRM est puissant mais pas toujours le plus résistant. Pour autant, un net gain de performance est à noter. Qualifié sixième au Canada, il finira à la porte des points le lendemain. Sur l’ultra-rapide tracé de Monza, c’est de la troisième place que s’élance la McLaren. Alors qu’il luttait pour le podium face à Surtees, son moteur explosa dans le dernier quart d’épreuve. La désillusion est grande mais les espoirs pour la suite sont grands. Focalisé sur la saison suivante, Bruce McLaren imaginea la M7B, une voiture plutôt révolutionnaire, notamment sur le plan aérodynamique avec ses énormes ouïes sur le museau pour éjecter l’air chaud du radiateur tout en apportant un appui supplémentaire. De plus, le néo-zélandais appela l’un de ses compatriotes pour piloter l’une de ses machines : le champion sortant Denny Hulme.
La première épreuve de l’année à Kyalami se fit sans Bruce mais avec Denny. Sous sa couleur orange, véritable marque de fabrique de McLaren, la M5B reprend une dernière fois du service, rapportant les deux points de la cinquième place. Dès lors, l’écurie McLaren commença sa renommée actuelle. Dès la première course, Hulme grimpe sur le podium en deuxième place, Bruce McLaren renonçant à une dizaine de boucles de la fin alors qu’il était troisième. La délivrance arriva à Spa-Francorchamps. Après un départ raté, le Kiwi remonta doucement mais sûrement dans la hiérarchie jusqu’à prendre la deuxième place à six tours du but. C’est alors que la Matra de Stewart, solide leader, tomba en panne d’essence dans la dernière boucle. Comme pour son premier succès, McLaren hérite du commandement in extremis et s’impose pour la quatrième fois de sa carrière en Formule 1, à bord d’une voiture de sa conception, une performance réalisée uniquement par Brabham et Gurney encore aujourd’hui. La joie est grande mais la concurrence reste rude. Si les points s’accumulent, la Lotus 49B de Graham Hill est bien supérieure. Mais en fin de saison, les voitures oranges refont surface et à Monza, puis à Mont-Tremblant, Hulme s’adjuge à deux reprises la victoire. Mieux encore, Bruce McLaren termina second au Canada, apportant le premier doublé de son écurie. Avec autant de points marqués, c’est à la deuxième place du championnat que se classe la nouvelle équipe, une fierté pour le néo-zélandais. L’année 1969 se poursuit sur la même lancée, tantôt avec la M7A, tantôt la M7C. Si son équipier Hulme se montre moins performant, il ne peut retrouver le chemin de la victoire, la faute à un Stewart et sa Matra invincible. Toujours constant et souvent sur le podium, le Kiwi connaît une tournée américaine très douloureuse, devant renoncer deux fois consécutivement avant même le départ. En 1970, la nouvelle M14A fait son apparition mais une fois encore, elle n’est pas au niveau de ses concurrents. Malgré une deuxième place en Espagne, à tout de même un tour du vainqueur, la saison s’annonce mal engagée. Mais le 2 juin 1970, c’est le drame. Alors qu’il testait son prototype Can-Am sur le circuit de Goodwood, le Kiwi sortit de la route et percuta un poste de commissaire. Bruce McLaren fut tué sur le coup. Une enquête conclua à la perte du capot moteur, provoquant une perte aérodynamique immédiate et donc une perte du contrôle du véhicule. La Formule 1 et le sport automobile en général venait de perdre l’un de ses plus grands noms.
Mais la carrière de McLaren ne se résume pas qu’à la Formule 1. A une époque où les championnats étaient plus variés les uns que les autres, nombreux étaient les pilotes qui s’aventuraient autour du globe pour démontrer au monde entier la force de chacun. Le néo-zélandais n’y fit pas exception. Avec la Formule 2 et la Formule Tasman, le Kiwi s’adonna à d’autres types de catégories, notamment l’endurance. En effet, Bruce McLaren participa au championnat nord-américain de prototypes, le Can-Am. Avec ses propres McLaren, il se fit un nom à jamais gravé dans l'histoire de cette discipline. Après des débuts difficiles en 1966, le néo-zélandais remporta deux courses en 1967, contre trois pour son équipier Hulme mais en terme de points, c’est bien le fondateur de l’équipe qui glane le titre. Avec cinq succès en six épreuves, la M6A était quasi imbattable. Si l’année 1968 fut moins glorieuse avec seulement quatre victoires, 1969 fut impériale. Avec un calendrier porté à onze rendez-vous, aucun n’échappa aux pilotes McLaren. Résultat, six victoires pour Bruce McLaren contre cinq pour Hulme avec à la clé, une seconde couronne dans la discipline. Outre ces prototypes hyper puissants, le Kiwi participait au championnat du monde des voitures de sport, regroupant les plus grandes courses d’endurance au monde. En 1966, il s’imposa aux 24 Heures du Mans sur la Ford GT40 n°2, partagée avec Chris Amon, dans un finish quelque peu contesté. Il remporta, l’année suivante, la célèbre classique des 12 Heures de Sebring, toujours sur Ford.
Si le néo-zélandais s’en est allé, son nom reste aujourd’hui encore, l’un des plus grands du sport automobile avec plus de 180 succès, 12 titres pilotes et 8 titres constructeurs en Formule 1, ou encore une victoire au général lors des 24 Heures du Mans 1995 avec la fameuse McLaren F1-GTR, sans oublier les trois sacres aux prestigieux 500 Miles d’Indianapolis. De plus, l’héritage laissé par Bruce McLaren vit toujours au travers de la marque McLaren, produisant différentes supercars et hypercars, toujours avec le même esprit de perfection recherché par son fondateur.
Bruce McLaren en chiffres...
Meilleur classement en championnat du monde F1 :
2e (1960)
Grands-prix :
98 (104 engagements)
Victoires :
4
Podiums :
27
Poles Position :
0
Meilleurs Tours :
3