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Phil Hill

Difficile de convaincre le Commendatore de piloter ses monoplaces. Il est pourtant un qui, en plus de son talent, usa de son culot pour provoquer le destin : Phil Hill.

Né à Miami, le jeune Phil passa la majeure partie de son enfance sur la côte Ouest, en Californie. Si l’école n’est pas son passe-temps préféré, il s’intéresse tout particulièrement aux arts, que ce soit la peinture ou la musique. Pourtant, ce n’est pas vers ces domaines que l’américain se dirige à ses dix-huit ans révolus. Son truc, c’est la mécanique et les belles voitures. Après avoir stoppé ses études, il décide de rejoindre un atelier où il peut enfin exercer ce qu’il aime faire. A ce moment-là, rien ne laissait penser que Hill finirait par piloter. Il s’y essaya lors de petites épreuves à bord d’une petite MG, juste pour le plaisir de conduire. Quelques mois plus tard, il est envoyé en Angleterre par son patron, afin de perfectionner ses connaissances des voitures anglaises, notamment auprès de Jaguar et Rolls Royce. Si son apprentissage se déroule plutôt bien, il finira par tomber amoureux des anglaises félines. Résultat, il repartit aux Etats-Unis, accompagné d’une Jaguar ! Cet achat ne sera pas dénué d’intérêt pour le mécanicien qui vit ici, une réelle opportunité de percer dans le monde du sport automobile. Ainsi, il n’hésita pas à engager son propre bolide lors de différentes courses dans son pays, remportant son premier succès à Pebble Beach, en 1950. L’année suivante, sa vie prend un nouveau tournant. Ses deux parents décèdent à tour de rôle mais grâce à l’héritage qu’ils lui laisse, le jeune Phil délaisse sa monture anglaise pour s’acheter un modèle d’exception, une Ferrari 212. Avec son italienne, toutes les folies étaient permises.

Et une chose est sûre, son italienne est terriblement plus rapide que son anglaise. Il s’inscrit donc à différentes épreuves, quittant même son pays d’origine pour courir. Les succès commencent à s’amasser et le nom de Hill commence à se faire connaître auprès des grands constructeurs, notamment Enzo Ferrari qui, forcément, ne peut que voir d’un bon œil un pilote s’imposer sur ses montures. En 1952, son talent ne fait plus de doute et les invitations aux plus grandes courses d’endurance internationales débarquent en masse. Voici donc l’américain au départ des 12 Heures de Sebring, ou encore de la classique panaméricaine, toujours sur Ferrari. Il y fit son retour l’année suivante mais un terrible accident lui fit se poser de nombreuses questions sur l’intérêt de continuer le pilotage. Celui qui avait disputé ses premières 24 Heures du Mans quelques temps auparavant ne voulait pas s’arrêter là. Il réapparaitra dès 1954 sur la scène internationale, connaissant à nouveau le succès lors de grandes épreuves, dont la Panamericana, où il termina brillamment second, un an après avoir frôlé la mort. Ses exploits lui ouvrent enfin les portes d’une équipe officielle, celle de Luigi Chinetti, importateur des voitures italiennes aux USA et team principal du NART, le North America Racing Team. Cette nouvelle recrue est importante pour le Commendatore qui, depuis son bureau en Italie, se réjouit d’avoir un pilote américain de haut niveau pouvant faire gagner ses bolides. L’image de la marque outre-Atlantique n’en est qu’améliorée. Pour Hill, les victoires au général ne sont plus un rêve inaccessible. Il s’impose lors des 12 Heures de Sebring, à Road America, à Pebble Beach mais sa saison prend un autre tournant le 11 Juin 1955 lorsqu’il assiste, au premier plan, à la tragédie des 24 Heures du Mans 1955 et ses nombreuses victimes. A nouveau, l’envie de raccrocher est présente mais dans le même temps, une nouvelle opportunité de carrière s’offre à lui : devenir pilote officiel Ferrari, mais en endurance. S’il est tout d’abord réticent à s’engager, Chinelli argumente en avançant que cette aventure pourrait déboucher sur un contrat en Formule 1, chose que le Commendatore lui-même n’a jamais avancée. C’est pourtant bien ce propos qui fit finalement pencher la balance pour Hill, gravissant un nouvel échelon au sein de la puissante équipe de course italienne. Si la saison 1956 n’est pas trop mauvaise, tout comme 1957 mais dans son palmarès déjà bien étoffé, règne une ombre que l’américain ne parvient pas à se défaire : le Mans. Depuis ses débuts en Sarthe en 1953, jamais il n’aura vu le drapeau à damier. Pire encore en 1957, il renonça dès le deuxième tour de course, triste épopée. Malgré cela, et quelque peu lassé par les longues épreuves, il demanda à son illustre patron, la possibilité de courir en Formule 1 : c’est un non catégorique. Fort heureusement pour lui, son soutien en endurance reste intact mais désormais, Hill veut plus.

Mais pour l’heure actuelle, les prototypes sont toujours sa seule source de travail. En 1958, les 250 Testa Rossa sont les machines à battre et Hill dompte l’une d'entre elles. C’est à son volant qu’il remporta, avec son coéquipier Collins, les 12 Heures de Sebring. Quelques mois plus tard, fin Juin, c’est la consécration. Avec son coéquipier Gendebien, l’américain vainc le signe indien et s’impose enfin sur les terres mancelles, dans des conditions affreuses, fort d’une avance de douze tours sur ses plus proches poursuivants ! Au sommet de son art, Phil retourna voir le Commendatore pour reformuler sa demande précédemment refusée : la réponse est toujours négative. Têtu, Hill chercha pourtant une alternative pour démontrer l’étendue de son talent en monoplace. Il trouva un complice en la personne de Jo Bonnier qui lui prêta l’une de ses anciennes Maserati. Ainsi, l’américain peut enfin découvrir la F1, bien qu’étant au volant d’une bien modeste monture, sur le tracé de Reims. Lointain seizième sur la grille, il remonta jusqu’à la porte des points, devant Jo Bonnier. Mais lors de ce grand-prix, Musso, sur Ferrari, trouve la mort. Malgré cet évènement tragique, Enzo Ferrari reste concentré sur les performances de ses voitures et sait qu’il doit trouver un nouveau pilote pour remplacer le malheureux. La personne était toute trouvée. Mais pour piloter une F1, le Commendatore demande le passage par la F2. Ainsi, Hill pilota une Ferrari F2 en Allemagne, sur le Nürburgring, sans grandes performances. Mais ce même jour, un autre pilote de l’écurie italienne, Collins, se tue. Il faut d’urgence le remplacer pour aider Hawthorn à décrocher la couronne mondiale. Enzo Ferrari accorde cette tâche à sa nouvelle recrue en Formule 1, tout en le propulsant au rang de second pilote de l’écurie officielle. L’exercice s’annonce périlleux mais l’américain se montra à la hauteur des attentes de son patron. Seulement septième au départ à Monza, il parvient à s'imposer en tête dès le premier tour ! Il ralentira par la suite, laissant son équipier engranger de gros points au championnat, tout en terminant à une honorable troisième place. La saison s’achève au Maroc et couronnera le nouveau champion. Moss est le seul rival de Hawthorn mais pour que le pilote Ferrari ne décroche pas les lauriers, il faut qu’il termine hors du top 2, si Moss gagne évidemment. Durant une bonne partie de la course, Hill poussa l’anglais dans ses retranchements, cherchant à le pousser à la faute. Rien y fait, le pilote Vanwall résiste. En dépit de ses attaques, l’américain baisse de rythme et laisse le second rang à son équipier, symbolisant la couronne mondiale. Avec ce deuxième podium en trois courses, Phil Hill s’affirme comme un pilote de premier plan, malgré son important manque d’expérience en grand-prix. L’année 1959 commence par un nouveau triomphe aux 12 Heures de Sebring, suivi d’autres classiques d’endurance. Mais du côté de la Formule 1, la Scuderia fait face à une spectaculaire montée en puissance des Cooper à moteur arrière. La D246 n’est pas la moins performante mais les anglaises sont nettement supérieures. Avec quelques points et trois podiums, Hill se classe quatrième au championnat, deux rangs derrière son équipier Brooks. En 1960, rebelote, la D246 est toujours de sortie. Les anglaises à moteur arrière sont nettement devant mais Hill se bat tant bien que mal avec son matériel, engrangeant un beau podium à Monaco, avant que sa saison ne tourne au cauchemar. Problèmes mécaniques à répétition, sortie de piste au Portugal, rien ne semblait tourner rond chez la Scuderia. Mais en Italie, lueur d’optimisme. Le rapide tracé de Monza, avec son anneau combiné, correspond parfaitement à la monture rouge. Trop bien même. Sentant que l’écurie italienne était trop avantagée, les grands teams anglais préfèrent renoncer. De ce fait, les Ferrari sont largement aux avant-postes et à ce petit jeu, c’est bien l’américain qui tire son épingle du jeu. Poleman le samedi, il transforma l’essai le lendemain, remportant son premier succès en Formule 1, qui plus est, à Monza, le temple de la vitesse. Si l’on excepte les 500 Miles d’Indianapolis, c’est le premier pilote du pays de l’Oncle Sam à s’imposer en catégorie reine ! Pour la dernière de l’année, chez lui, à Riverside, la Scuderia ne fait pas le déplacement. Il s’octroie alors les services d’une équipe privée engageant des Cooper pour concourir. Il terminera sixième. Cette même année, Hill accroche son nom au palmarès d’une épreuve iconique du vingtième siècle, la célébrissime Targa Florio, dans sa catégorie, toujours sur Ferrari.

Puis arriva la fameuse année 1961. En Formule 1, le changement est important. Les moteurs sont désormais limités à 1,5L de cylindrée, ce que la Scuderia souhaitait par-dessus tout. Avec la 156 F1 et son fameux nez de requin, tous les espoirs sont permis. Mais si en 1960, Hill était le leader de l’équipe, il voit débarquer, l’année suivante, un jeune allemand particulièrement talentueux ; Wolfgang Von Trips. Dès le début, la nouvelle voiture rouge fait des merveilles, pourtant, l’écurie du Commendatore se fait sèchement battre par la Lotus de Moss. L’américain rétablira bien vite les choses en décrochant sa deuxième pole position à Zandvoort, avant de finalement s’incliner, pour moins d’une seconde, derrière son équipier allemand. Avant d’attaquer la manche belge, Hill retourne au Mans pour retenter sa chance. Après avoir royalement débuté l’année avec la victoire aux 12 Heures de Sebring, il récidiva en remportant son deuxième tour d’horloge sur Ferrari, associé à Gendebien. Huit jours plus tard, c’est sur le circuit de Spa-Francorchamps, en Formule 1, que l’américain s’illustre, menant un historique quadruplé Ferrari pour quelques dixièmes devant Von Trips. Les deux hommes se détachent au championnat, à l’avantage de l’américain. En France, l’allemand casse son bloc italien alors que Hill fait course en tête. Mais dans les derniers instants du grand-prix, il sort de la piste et perd toutes chances de gros points. En Grande-Bretagne, il ne profita pas de sa pole position, se faisant à nouveau chiper la victoire par son rival, tout comme sur le Nürburgring trois semaines plus tard, devancé par Von Trips et Moss. Le titre semble compromis d’autant qu’à Monza, c’est l’allemand qui réalise la pole position. Mais en course, tout bascula. Au second tour, l’allemand s’accroche avec Clark en arrivant vers la Parabolica. La 156 F1 fonce vers le public placé plus haut. Le pilote est ejecté et tué sur le coup alors que sa monture, totalement disloquée, termine sa folle embardée parmis les spectateurs, tuant treize d’entre eux. La scène est effroyable mais la course n’est pas pour autant stoppée. Hill continue de se battre aux avant-postes et peu avant la mi-course, il s’envole en tête pour ne plus jamais la quitter. Sans son principal rival à l’arrivée, Phil Hill est couronné champion du monde de Formule 1, un statut auquel il n’aurait jamais prétendu trois ans plus tôt. Malheureusement, ce titre se gagne dans la douleur de la perte de son équipier et rival allemand mais quoi qu’il en soit, l’américain reste bel et bien champion. En signe de deuil et de respect, Ferrari, tout comme Hill, décident de ne pas s’aligner pour la dernière manche de la saison, aux Etats-Unis. L’année 1962 se poursuit sur la lancée de 1961 mais malheureusement pour Ferrari, la concurrence a fait de net progrès. La 156 F1 n’est plus la monoplace de référence et malgré trois podiums consécutifs d’entrée de jeu, l’américain ne peut vraiment lutter pour la gagne. Mais par la suite, c’est la débandade : plus un seul points, des performances en net recul. Heureusement pour lui, ses résultats en endurance sont nettement meilleurs, comme le souligne ce troisième succès en Sarthe, ou encore à Daytona. Mais en coulisses, des tensions naissent avec Enzo Ferrari. Hill quitte l’écurie à l’issue de l’année 1962, tentant même de participer au grand-prix des Etats-Unis sur Porsche, avant d’être remplacé par Gurney.

Toujours avide de Formule 1, Hill décide de rejoindre les rangs de la jeune écurie A-T-S, fondée par d’anciennes personnalités du staff Ferrari. Malheureusement pour l’américain, les erreurs de jeunesse seront nombreuses. La fiabilité est un gros point noir, tout comme la performance et l’argent. Ainsi, les A-T-S ne sont pas prêtes en début de saison et il faut attendre la Belgique pour retrouver le champion du monde 1961 sur la grille. Les résultats seront décevants, les casses successives. A mi-saison, l’écurie italienne décide de retirer ses voitures pour les améliorer. Cela laisse du temps à Hill pour s’essayer au volant d’une autre machine, la Lotus 24. Le résultat sera le même : encore un abandon. Il reprend le volant de son A-T-S en Italie, terminant pour la seule fois de la saison un grand-prix, seulement onzième, à sept tours du vainqueur. Comme attendue, l’aventure A-T-S tourna court et à la fin de l’année, l’équipe n’est plus. Pour l’américain, c’est un échec. Il ne se consolera même pas en endurance, ne remportant aucun succès, la faute à des voitures bien moins rapides que ces anciennes Ferrari. En 1964, il part chez Cooper avec le mince espoir de retrouver le devant de la scène. Hélas, la T73 et son moteur Climax ne font pas d’étincelles. Bloqué au coeur du peloton, il n’engrengea qu’un maigre point sur toute la saison, à Brands Hatch. En Autriche, après deux gros accidents, dont l’un se terminant avec une voiture en flammes, John Cooper ne veut plus de son pilote. Après six années en Formule 1, Phil Hill quitte la pinacle du sport automobile. Mais s’il stoppe la monoplace, ses aventures en voitures de sport ne font que s’amplifier. Engagé dans un premier temps chez Ford pour mettre au point la GT40, il partit en direction de Chaparral en 1966, l’année de la consécration pour le géant à l’ovale bleu. Les succès se font de plus en plus rares et la retraite se fait préssentir. En 1966, Gurney lui propose une ultime pige en Formule 1 sur l’une de ses Eagle. Le pauvre américain ne parviendra même pas à se qualifier. A quarante ans, Phil Hill quitte le sport automobile.

Le discret américain, qui aura toujours avoué piloter juste pour le plaisir, se replonge dans son amour de jeunesse, la mécanique et les voitures de collection. Il ouvre sa propre entreprise de restauration tout en suivant de près la carrière de pilote de son fils Derek. Touché par la maladie de Parkinson au début du millénaire, Phil Hill décéda dans la plus grande indifférence le 28 Août 2008. La Formule 1 venait de perdre l’un de ses plus discrets mais habile pilote et champion.

Phil Hill en chiffres...

Meilleur classement en championnat du monde F1 :

Champion du monde (1961)

Grands-prix :

47 (55 engagements)

Victoires :

3

Podiums :

16

Poles Position :

6

Meilleurs Tours :

6

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