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Mike Hawthorn

Aujourd’hui, le Royaume-Uni est la nation la plus titrée de la discipline. Pourtant, son tout premier champion est quelques fois oublié. Son nom : Mike Hawthorn, alias l’homme au nœud papillon.

Mike Hawthorn est né en 1929, au fin fond de la campagne anglaise. Fils de mécanicien, il ne fait nul doute que sa passion pour tout ce qui roule vient de là. C’est d’ailleurs ce dernier qui lui permit de devenir pilote tout d’abord sur deux puis quatre roues. Situé près du circuit de Brooklands, le garage de son paternel était idéalement placé pour assouvir ses envies de piste et de pilotage. A l’âge de neuf ans, le petit Hawthorn connaît déjà sa vocation : il sera pilote. Il enchaîne alors les tours de circuit, encouragé, poussé et conseillé par son père, friand lui aussi de grosses cylindrées et de bolides. S’il suit des études pour devenir mécanicien et ainsi reprendre l’affaire familiale, sa principale envie reste celle d’être derrière un volant. Mais en 1939, la guerre éclate à nouveau et son envie de carrière à l’internationale connaît un brusque arrêt. Une fois le conflit passé, Mike Hawthorn retourne fouler le bitume pour améliorer son style de pilotage tout en s’essayant à diverses courses locales. Au volant de petite Riley, l’anglais s’illustre chez lui, remportant plusieurs épreuves et compétitions. Après deux années à succès, Hawthorn se dirige vers la monoplace pour enfin s’ouvrir au monde entier. Et ses débuts sont plutôt remarqués, notamment sa prestation lors de l’Eastern Meeting sur le circuit de Goodwood, épreuve hors championnat. Victorieux lors de la manche de F2 devant Fangio ou Gonzalez, il s’illustre en Formule Libre avant de terminer second de l’épreuve dédiée aux Formule 1, derrière le premier vainqueur sur Ferrari en grand-prix, José-Froilan Gonzalez. Quelques semaines plus tard, il réédite l’exploit, s’affichant même en haut de la plus haute marche du podium à deux reprises. Poussés par ces belles performances, Mike et son père décident d’aller plus loin et d’engager leur Cooper dans le championnat du monde de Formule 1. La carrière de l’homme au nœud papillon prenait enfin le tournant tant espéré.

Et c’est sur le terrifiant circuit de Spa-Francorchamps que Mike Hawthorn effectue ses grands débuts officiels. Face aux Ferrari, Cooper ou Gordini, l’anglais tente de se frayer un chemin pour prouver au monde entier que son talent est véritable. Brillamment qualifié sixième, le rookie réalise une solide performance en se classant quatrième et sous la pluie, de quoi susciter un réel intérêt pour ce jeune pilote au style étonnant. Et ce n’est pas son pilotage qui le différencie fortement des autres compétiteurs, c’est plutôt son allure. Dans un sport où, à l’époque, la majorité des hommes sont trentenaires voire quadragénaires, le jeune Mike, âgé lui de vingt-trois ans, se démarque par sa façon d’être et sa façon de s’habiller. Noeud papillon, costume, veste, la tenue n’est pas très régulière mais le style y est. Sur le circuit de Rouen-Les Essarts, les choses se compliquent. Lointain quinzième sur la grille, il effectua une splendide remontée, pointant un moment en cinquième place, avant de renoncer sur problème d’allumage. Il se rattrapa bien vite lors de la manche suivante, chez lui, à Silverstone. Parti septième, il imprima un rythme d’enfer pour remonter vers les premiers rangs, avant de mener la vie dure à Dennis Poore durant le dernier tiers de course. Une fois l’ascendant pris, plus personne ne pouvait l’inquiéter. Derrière les imbattables Ferrari d’Ascari et de Taruffi, Hawthorn s’octroie la troisième place, un véritable exploit pour le régional de l’étape. Après avoir fait l’impasse sur la manche allemande du Nürburgring pour disputer une épreuve hors championnat, l’anglais fait son grand retour aux Pays-Bas, sur le tracé de Zandvoort. Réputé rapide, le circuit hollandais n’inquiète pas Hawthorn qui réalise une sensationnelle qualification avec le troisième temps mais le dimanche, les Ferrari sont à nouveau intouchables. Quatrième à deux tours des machines rouges, l’homme au nœud papillon n’aura pas démérité. Ces performances ne sont pas anodines et elles ne tardent pas à éveiller la curiosité de certains grands personnages du sport automobile, à commencer par Jaguar et Ferrari. Si le premier lui promet une place en endurance, le second lui ouvre les portes de son écurie de course, la fabuleuse Scuderia Ferrari. Le choix est vite fait pour l’anglais qui rejoint donc, après seulement cinq courses, la mythique firme au cheval cabré.

Et pour 1953, la Scuderia lui offre la totale : F1, 24 Heures du Mans, 24 Heures de Spa-Francorchamps, 12 Heures de Pescara, Mille Miglia, l’emploi du temps est chargé. S’il s’impose en Belgique et à Pescara, il ne connaît pas ce même refrain lors de la classique mancelle. En Formule 1, les Ferrari ont toujours l’avantage pris l’année passée mais l’armada Maserati, emmenée par le champion 1951 Fangio, ne sont pas loin. En Argentine, puis aux Pays-Bas, l'histoire est la même : sixième au départ, quatrième à l’arrivée. Les points sont là mais son équipier Ascari a déjà pris les devant. En Belgique, il tient un long moment la seconde place derrière son leader mais une fuite d’essence à dix tours du but l’oblige à faire un arrêt prolongé qui le fera sortir de la zone des points. Puis arriva le grand-prix de France, à Reims. Si les Maserati se montrent de plus en plus menaçantes, les Ferrari ont toujours l’avantage. Les voitures de la Scuderia prennent l’avantage mais Fangio parvient à jouer les trouble-fêtes parmi les leaders. Ascari est le premier à perdre pied, laissant libre champ à l’argentin pour voler vers la première victoire d’une Maserati dans la discipline. C’était sans compter sur Mike Hawthorn plus rapide que jamais. Durant la deuxième moitié de l’épreuve, les deux hommes se doublent, puis se redoublent. “La Course du siècle”, comme l’appelleront par la suite les journalistes, est indécise jusqu’à son terme. A l'entame du dernier tour, les deux bolides sont côte-à-côte et aucun des deux ne veut laisser de place à son adversaire. Mais dans le dernier virage, Fangio commet un écart et laisse l’anglais s’infiltrer à l'intérieur. La course se joue donc à l’accélération jusqu’au drapeau à damiers. A ce jeu là, c’est la Ferrari de Hawthorn qui s’en sort le mieux, pour à peine plus d’une seconde sur son poursuivant et rival argentin. Le jeune anglais s’offre donc son premier succès en Formule 1 avec en prime, un record de précocité, si l’on excepte les 500 Miles d’Indianapolis de l’année écoulée. Sur le podium, l’anglais s’effondre en larmes lorsque son hymne national retenti avant d’être consolé par un Fangio visiblement amusé par la situation. Cette victoire restera pourtant sans suite cette année-là, son équipier et champion italien prenant de nouveau le large et ce, malgré le retour de force des machines au trident. Avec ses points récoltés dans presque toutes les épreuves et deux nouveaux podiums en Allemagne et en Suisse, Hawthorn se classe quatrième, un très bon résultat pour sa seconde campagne. En 1954, toujours au sein de la Scuderia Ferrari, l’anglais connaît une saison correcte, ponctuée par deux abandons sur casses mécaniques et une disqualification, mais aussi et surtout, la disparition de son père dans un accident de la route, ce qui l’affectera tout particulièrement. Mais le reste du temps, sa nouvelle Ferrari 625 fonctionne du tonnerre, jusqu’à l’apparition d’une drôle de machine grise : la Mercedes W196. Dès lors, il n’y avait presque plus rien à espérer tant la supériorité des allemandes était importante. Et pourtant, pour le dernier meeting de l’année, en Espagne, c’est bien une machine rouge qui s’imposa avec à son bord un certain Mike Hawthorn, facile vainqueur avec plus d’une minute d’avance sur son plus proche poursuivant, Musso. Classé troisième du championnat grâce à une monoplace plutôt réussie, l’anglais décide tout de même de quitter la Scuderia pour piloter une voiture anglaise et ainsi faire triompher sa nation : échec cuisant.

Car pour mener à bien ce projet, Hawthorn décide de rejoindre la petite structure Vanwall, nouvelle venue en Formule 1 avec seulement deux grands-prix au compteur. Hélas, les débuts sont loin d’être prometteurs et la modeste VW 55 n’est pas vraiment au niveau espéré. En deux courses, il ne voit pas une seule fois l’arrivée, devant renoncer sur ennuis de fiabilité. Il comprit alors rapidement que son avenir ne pouvait se tenir avec Vanwall. C’est ainsi qu’il décida de revenir pour quelques courses au sein de la Scuderia Ferrari mais là encore, il ne peut chercher les points, la faute à des Mercedes trop dominatrices. Mais s’il ne réussit pas en Formule 1, l’anglais à la possibilité de briller en endurance grâce au support de l’écurie course Jaguar. Après un premier succès aux 12 Heures de Sebring, Hawthorn est reconduit pour participer aux 24 Heures du Mans. Face à sa Jaguar Type-D, la Mercedes de Fangio est loin de faire de la figuration. Les deux hommes se battent à coup de dixièmes de seconde et impriment un rythme digne d’une course sprint. A 18h28, l’anglais est rappelé à son stand pour un ravitaillement mais avant de braquer vers la droite en direction des stands, il décide de dépasser l’Austin Healey de Macklin. Mais en ralentissant pour s’arrêter, Hawthorn obligea l’Austin à se rabattre sur la gauche pour éviter la Jaguar. Mais au même moment, Pierre Levegh et sa Mercedes déboulent. Le choc est inévitable. Le prototype gris s’élève dans les airs avant de retomber lourdement sur les talus en bord de piste avant de se désintégrer. De nombreux éléments tel que le moteur ou le capot se retrouvent projetés à une vitesse folle dans les spectateurs. Le drame est terrible mais la course n’est pas stoppée. En cours de nuit, les Mercedes rescapées sont priées de tout arrêter à cause de cette tragédie. Chez Jaguar, le son de cloche est différent. La Type-D, privée de ses adversaires, finit par s’imposer facilement au terme des vingt-quatre heures de course. Si Hawthorn s’impose, l’histoire et les journalistes ne retiendront que l’effroyable accident ayant coûté la vie à quatre-vingt personnes. L’anglais est d’ailleurs désigné coupable à cause de son arrêt brutal, ayant occasionné le brusque changement de direction de l’Austin et donc le décollage de la Mercedes. Cette accusation finira par le suivre tout le long de sa carrière. Une carrière qui ne connut pas de meilleurs résultats en 1956. En cinq grands-prix, Hawthorn pilote pour trois marques : Maserati, BRM et Vanwall. Pire encore, deux de ses cinq rendez-vous s'arrêteront avant même le départ. Il sauva pourtant l’honneur en Argentine en inscrivant une nouvelle troisième place. Après deux saisons à chercher le meilleur de l'ingénierie anglaise sans pour autant trouver de performances, Hawthorn décida de faire machine arrière et d'effectuer un deuxième come-back chez Ferrari, notamment grâce à ses bonnes relations avec le Commendatore.

Pour cette nouvelle saison, la Scuderia décide d’aligner sa nouvelle création : la Ferrari 801. Avec Peter Collins, son ami et équipier, l’anglais sait qu’il aura pourtant fort à faire pour contrer des Maserati plus que jamais en forme. En Argentine, il se qualifie au septième rang. Dès le départ, il gagne plusieurs positions et ne tarde pas à occuper la troisième place. Mais après trente-cinq tours, son embrayage rend l’âme : c’est l’abandon. A Monaco, alors qu’il était qualifié cinquième, il connut une course très courte. Au quatrième tour, Moss, alors leader, tire tout droit à la chicane du port avant de percuter les barrières. Ces dernières se détachent et s’étalent sur la piste, provoquant un enchaînement d’accidents, dont Collins et Hawthorn. L’anglais est pour autant rappelé pour prendre le volant de la monture de Von Trips mais à cause de sa grande taille, il renonça au bout de quelques kilomètres, le volant étant bloqué par ses genoux. Avec deux scores vierges, les espoirs de titre semblent déjà compromis. En France, il manque son départ et plonge dans le classement, l’empêchant sans doute de jouer les trouble-fêtes aux avant-postes. Il parviendra à remonter au quatrième rang, un de plus que chez lui, à Aintree. Ce retour sur le podium fut suivi d’une autre belle performance sur le Nürburgring, bien que la remontée et le dépassement de Fangio pour le leadership ne lui laisse un goût amer. L’argentin qui, au passage, remporta ici-même son cinquième et dernier titre, un record longtemps tenu. A Pescara, sur le plus long circuit de l’histoire de la Formule 1, la Scuderia Ferrari n’est pas au départ. Le manque important de sécurité autour du circuit serait la cause de ce retrait. Les voitures rouges finiront par réapparaitre à Monza pour la dernière de l’année, une course terminée à la porte des points pour l’anglais, qui termina sa saison au quatrième rang du championnat, loin du roi Fangio.

Mais en 1958, une nouvelle donne rentre en jeu : la retraite de l’argentin. Dès lors, la lutte ne semble mêler que les pilotes de la Scuderia Ferrari, à moins que les petites équipes anglaises ne parviennent à refaire leur retard grâce aux nouvelles voitures à moteur arrière. Mais pour Ferrari, pas question de changer, le moteur sera à l’avant sur la D246. Pour la manche d’ouverture à Buenos Aires, Hawthorn passe tout près de la pole position décrochée par Fangio, revenu pour une avant-dernière pige en Formule 1. En course, si les Ferrari sont rapides, c’est pourtant une Cooper à moteur arrière qui dame le pion aux italiennes avec à son bord, l'infatigable Stirling Moss. Derrière l’anglais, les machines rouges prennent place sur le podium, Musso devançant l’homme au nœud papillon. A Monaco, après une qualification décevante, il réalise un superbe début d’épreuve, reprenant positions après positions jusqu’à revenir à la première place mais alors que la moitié de la distance fut parcourue, sa pompe à essence le lâcha, l’obligeant à stationner en bord de circuit. A Zandvoort, les écuries anglaises font largement la différence, ne laissant que le malheureux Hawthorn naviguer au cinquième rang, à un tour des leaders. Jusque là, l’anglais n’aura pas amassé beaucoup de points mais grâce à la règle des six meilleurs résultats retenus, rien n’est encore perdu. Reste à nettement faire la différence en piste et sur la durée. C’est ce qu’il fit à Spa-Francorchamps en réalisant sa première pole position en carrière. Mais après avoir manqué son départ, il n’a d’autre choix que d’attaquer pour remonter en tête. S’il arrive à rejoindre la deuxième place, Tony Brooks aura été plus rapide. Pour Hawthorn, c’est pourtant le début d’une très belle série de bonnes performances, à commencer par la pole et la victoire au grand-prix de France à Reims, course connue pour être la dernière de Fangio, mais aussi pour être le théâtre de l’accident mortel de Musso, coéquipier de l’anglais. La mort de l’italien est un vrai coup dur pour la Scuderia qui ne peut compter que sur ses deux anglais, Hawthorn et Collins, grands amis dans la vie de tous les jours. C’est d’ailleurs ce dernier qui s’imposa à Silverstone, devant son compatriote, après une course menée d’une main de fer par les Ferrari. Sur le Nürburgring, il démontre sa redoutable pointe de vitesse et son habilité au volant pour décrocher une nouvelle pole position mais à quatre tours du but, son embrayage le trahi. C’est l’abandon. Pire encore. Un tour plus tôt, son équipier et ami Peter Collins sort violemment de la piste alors qu’il menait facilement le grand-prix. Son décès est rapidement prononcé. Mike Hawthorn tombe de haut : après avoir perdu un premier équipier, c’est l’un de ses meilleurs amis qui disparaît en course. L’anglais songe désormais de plus en plus à s’arrêter là, une fois que la saison sera terminée. Très touché, il poursuit tout de même son aventure , espérant, pourquoi pas, inscrire son nom au palmarès de la Formule 1. Au Portugal, la D246 souffre beaucoup à cause de ses freins et dans les derniers instants de course, la conduite devient délicate. Mais dans la dernière boucle, alors que Moss s’imposait avec presque un tour d’avance sur l’anglais, ce dernier effectue un tête-à-queue et ne parvient pas à repartir. Des commissaires se précipitent pour l’aider mais par chance, la Ferrari repart. C’est d’ailleurs Moss lui-même qui conseilla son compatriote sur la manière de repartir seul, ce qui lui évita la disqualification ! A Monza, alors que son adversaire au championnat renonce, Hawthorn inscrit une nouvelle fois les points de la deuxième place, bien qu’ayant mené la course un long moment. Grâce à sa régularité et ses nombreuses deuxièmes place, l’anglais pointe largement en tête du championnat mais Moss reste dans le coup. Le grand-prix du Maroc sera donc décisif. S’il s’élance en pole, c’est bien le pilote Vanwall qui prend le meilleur et ce, durant toute la durée du grand-prix. Derrière, la D246 tient bon mais pour Hawthorn, un petit imprévu vint mettre en péril sa quête de couronne : son nouvel équipier Phil Hill, plus rapide. Si l’américain prend l’avantage sur son leader, il finira par s’effacer pour le protéger et pour le maintenir au second rang, synonyme de victoire au championnat. C’est donc dans un train rouge que Hawthorn et Hill croisent la ligne d’arrivée, très loin derrière le vainqueur Moss, revenu à une petite unité de son compatriote. Cette fois c’est sûr, Mike Hawthorn est bien champion du monde de Formule 1, un titre dédié à son ami disparu quelques mois plus tôt, Peter Collins.

Alors qu’il est sur le toit du monde, l’anglais renonce à poursuivre le pilotage. Les récents décès de ses équipiers n’ont fait que confirmer son envie de partir du sport et ce, malgré son très jeune âge pour l’époque. Il n’aura malheureusement pas le temps de profiter de la vie. Trois mois après la manche marocaine, Mike Hawthorn trouve la mort dans un accident de voiture sous les yeux de son ami et chef d’écurie Rob Walker. La discipline venait de perdre son premier champion anglais, le premier d’une très longue série.

Mike Hawthorn

Meilleur classement en championnat du monde F1 :

Champion du monde (1958)

Grands-prix :

45 (47 engagements)

Victoires :

3

Podiums :

6

Poles Position :

4

Meilleurs Tours :

18

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