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McLaren MP4/2

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Dans la grande ère des Formule 1 turbocompressées, certains duo voiture-moteur auront marqué l’histoire par leur palmarès. L’une des plus impressionnantes : la McLaren MP4/2.

Après une saison 1983 compliquée, marquée par les remontées historiques de Watson et Lauda, McLaren cherche à tout prix à remonter la pente pour retrouver plus souvent le chemin de la victoire. Le problème, c’est le moteur. Depuis 1968, l’écurie dispose du même V8 Ford-Cosworth, devenu cher à la marque depuis le titre de 1974, sans oublier les sacres de Fittipaldi et Hunt. Mais au début des années 80, la mode est au bloc turbocompressé surpuissant. Le petit V8 ne fait plus le poids face aux Renault, Ferrari ou BMW. L’obtention d’un nouveau moteur est donc obligatoire. Malgré l’urgence de la situation, Ron Dennis sait que son écurie sera bientôt la meilleure. La raison ? L’arrivée d’un tout nouveau bloc en Formule 1, exclusivement réservé à McLaren : le fameux TAG Porsche. Ce moteur V6 Turbo d’une cylindrée de 1,5L développe plus de 700cv à sa sortie officielle en 1983. Testé lors des quatres derniers meetings de la soirée, il ne put prouver son efficacité, aucune des MP4/1E ne rejoignant l’arrivée. Pour 1984, il s’agit de concevoir une toute nouvelle voiture faite sur-mesure pour le V6 allemand. La MP4/2 est née. Reprenant l’innovant concept de la coque en carbone de sa devancière, la nouvelle monture fut le fruit d’un long travail effectué dans une soufflerie ultra-moderne. Si à l’avant, le nez large est à nouveau de la partie, tout l’arrière est revu. Ainsi, la voiture prend une forme de bouteille à l’arrière où les pontons, les suspensions et le capot se rejoignant en un seul et même endroit. Plutôt légère, la bête a un énorme réservoir de 220 litres pour tenir la distance d’un grand-prix. Du côté visuel, la MP4/2 reprend la traditionnelle livrée rouge et blanche iconique en Formule 1. Pour mener à bien sa mission, McLaren fait appel à deux des meilleurs pilotes du moment : Niki Lauda et Alain Prost.

Avant le début de la saison, lors des premiers essais de la MP4/2, un premier enseignement est à tirer : la voiture est terriblement rapide. Problème, elle est si rapide que les freins semblent ne pas arrêter la monoplace. Après installation de freins carbones, les pilotes furent plus que satisfaits, s’annonçant comme les grands favoris de l’année. Ils ne s’y seront pas trompés. La première manche se dispute sur le très chaud tracé de Jacarepaguá et après de bonnes qualifications, le premier départ de l’année est donné. En dix tours, Lauda remonte jusqu’en première place tandis que pour Prost, un envol raté l’oblige à pousser un peu plus pour remonter. Mais après vingt-quatre tours de course, les deux McLaren sont en tête. C’est alors qu’un problème électrique toucha la monoplace de l’autrichien, le forçant à ralentir avant d’abandonner. Pour ne pas connaître les mêmes ennuis, son équipier baisse le rythme et assure la victoire, la première pour le nouveau TAG Porsche en Formule 1. Déçu de renoncer, Lauda applaudit la performance de Prost mais il comprend également que seul le français pourrait l’empêcher de récolter un troisième titre mondial. A Kyalami, la haute altitude permet de libérer la puissance des turbos. Moins rapides sur un tour, les MP4/2 attendent la course avec impatience pour exprimer tout leur potentiel. Mais avant que le départ ne soit donné, la monture de Prost refuse d’avancer. Le français est contraint de courir vers le mulet réglé pour Lauda avant de s’installer en fond de grille. Si les Brabham-BMW mènent la danse dès le début, la puissance du V6 Porsche combinée aux excellentes gommes Michelin renversent la tendance. En à peine deux boucles, l’autrichien se défait de Fabi puis de Piquet, tenant la tête tout comme au Brésil. Cette fois-ci, la mécanique tiendra. De son côté, le français remonte dans le classement et grâce aux nombreux abandons et arrêts aux stands, il parvient à retrouver le top 3, puis la deuxième place en seconde partie d’épreuve. Avec ce deuxième succès consécutif, la McLaren s’impose comme une machine incroyable laissant penser qu’aucun grand-prix ne lui échappera cette année-là. En plus des pneumatiques, le moteur allemand donne un net avantage à l’écurie anglaise, réduisant considérablement la consommation en essence de la monoplace.

De retour sur le funeste tracé de Zolder, deux ans après la mort de Villeneuve, tout le monde se demande qui pourra arrêter les McLaren et comment. Si les machines rouges et blanches ont pour l'instant tout gagné, elles n'ont pas été exemptes de pépins mécaniques. Beaucoup voient alors cette faiblesse comme la seule possibilité pour l'emporter. Et c'est ce qui se passa en Belgique. Pas du tout à l'aise du week-end, les MP4/2 s'élancent de loin sur la grille. Puis, après cinq malheureux petits tours, Prost doit renoncer, panne de distributeur. Trente boucles plus tard, c’est la pompe à eau de Lauda qui rend l’âme. Rien de mieux pour l’autrichien lors du quatrième rendez-vous à Imola, de nouveau victime d’une défaillance de son moteur allemand. Du côté de Prost en revanche, la MP4/2 tourne comme une horloge et malgré quelques alertes au niveau des freins et un magnifique 360°, la victoire est des plus facile à acquérir. Quinze jours plus tard, en France, l’inquiétude est grande dans le garage McLaren. Après trois casses successives du V6 lors des essais, Ron Dennis craint que le bloc Porsche ne tienne la durée du grand-prix. Pourtant, aucune modification n’a été apportée sur le moteur. Après identification des pépins, il s’avère que se sont les pistons qui sont à chaque fois en cause. Pour pallier à un éventuel nouveau problème, deux V6 sont rapatriés directement d’Allemagne pour y être monté sur les deux monoplaces. La course finira par mieux se passer, les deux MP4/2 évoluant au deuxième et troisième rang, derrière l’étonnant Tambay et sa Renault. C’est alors que Prost fit irruption hors de la piste, voyant sa roue avant-gauche se détacher. Un défaut de fixation de l’étrier est à la cause de cet incident et pénalisera le français durant toute l’épreuve. En seconde partie de grand-prix, Lauda change de rythme et commence à remonter sur le leader, s’octroyant la première place avec une facilité déconcertante. Lointain septième, Prost manque les points de peu, achevant sa course nationale dans les échappements de Rosberg. Avec deux victoires chacun, les pilotes McLaren se livrent une lutte sans merci mais toujours dans la bonne ambiance. A Monaco, c’est le déluge. La pluie noie les rues de la Principauté, les transformant en patinoire géante. Avec sa pole position, le français sait qu’il dispose d’un net avantage par rapport aux concurrents. Il profita bien de l’absence de gerbes d’eau pour s’envoler mais dans ses échappements, la Lotus de Mansell se montre très présente. Tout à coup, la MP4/2 leader percute un commissaire qui intervenait sur la piste, heureusement sans trop de dommages. Voyant l’incident, Mansell s’infiltra et accéléra encore plus le rythme mais quelques tours plus tard, sa monture finit désintégrée dans le rail. Prost reprend donc la première place alors que derrière, Lauda glisse et achève sa course à cheval sur un vibreur. La pluie ne cesse de tomber et la visibilité est nulle. Pourtant, deux pilotes mènent un train magistral : Senna et Bellof. Mais ces derniers n’auront pas la possibilité de faire mieux. Au trente-et-unième passage, le leader agite ses bras pour demander l’interruption de course. Celle-ci sera effective une boucle plus tard, scellant totalement le résultat du grand-prix. N’ayant pas dépassé les 75% de sa longueur, la course ne rapporte que la moitié des points. Personne ne le sait mais cette situation aura d’importantes conséquences en fin de saison. Pour le moment, Prost mène avec 10,5 points d’avance sur Lauda mais tout peut encore changer avec dix grands-prix encore à disputer…

Et pour continuer, le petit cirque de la Formule 1 entreprend sa tournée nord-américaine avec pour ouvrir le bal, le grand-prix du Canada à Montréal. De nouveau battues lors de l’exercice du tour rapide, les McLaren savent que sur la distance personne ne peut les battre. C’était sans compter sur le retour en forme des Brabham-BMW et leur tout nouveau système de refroidissement. Dès le départ, Prost parvient à se faufiler en tête, mais au bout de quelques virages, Piquet reprend l’avantage. Pire encore, son rythme est nettement meilleur que celui du français, se faisant rapidement distancer. Peu après la mi-course, Lauda, qui suivait de près son équipier, porta une attaque imparable, le propulsant en seconde position. Mais rien à faire, la Brabham est la plus forte. Les deux MP4/2 échouent au deuxième et troisième rang, démontrant bien les performances de la rivale anglaise lorsque la fiabilité est de mise. Même si l’écurie anglaise n’est pas une menace directe, ce retour en force sur le devant de la scène à de quoi inquiéter la concurrence. Sur le désastreux circuit de Détroit, les McLaren ne sont pas les plus en forme. Après un premier départ marqué par un gros carambolage, la course repart. Deuxième au premier virage, Prost voit Mansell lui chiper sa position. Plus loin, Lauda tente de remonter sans frotter les murs à cause de sa qualification manquée. Malheureusement pour lui, l’électronique aura raison de ses efforts. Devant lui, son équipier voit ses pneumatiques se délaminer tour après tour, l’obligeant à s’arrêter aux stands par deux fois, là où certains de ses concurrents ne passent même pas par les stands. Cinquième à l’arrivée, il remonta à la quatrième place après la disqualification des Tyrrell un peu plus tard dans le championnat. La seconde manche américaine se dispute sur le très chaud et éprouvant circuit de Dallas. Dans la fournaise, personne n’est à l’aise. Sous une chaleur extrême, la piste se détériore et par endroit, le bitume fond totalement. Malgré des demandes d’annulation de l’épreuve par Prost et Lauda, le grand-prix a tout de même lieu, même si dix tours sont retirés du kilométrage annoncé. Comme elles pouvaient s’y attendre, les MP4/2 ne sont absolument pas à leur avantage entre les murs de béton et les nombreuses bosses. Pourtant, après avoir fait sauter le bouchon Mansell, les voici deuxième et troisième. Grâce à une erreur de Rosberg, le français prendra même le commandement mais quelques boucles plus tard, la McLaren touche le mur, abimant sa suspension. C’est l’abandon pour Prost qui voyait ici une belle opportunité d’accroître son avance au championnat. Peu avant la fin, c’est au tour de l’autrichien de percuter le mur. Comme à Imola, aucune des voitures rouges et blanches ne sont à l’arrivée. L’hégémonie des MP4/2 serait-elle terminée ? Bien sûr que non.

Et c’est à domicile que joue McLaren pour la dixième manche de l’année, sur le magnifique circuit de Brands Hatch. Les MP4/2 sont terriblement rapides mais comme toujours, c’est Piquet qui leur vole la pole position. Après un gros carton au départ, le pilote Brabham précède toujours les deux machines rouges et blanches mais au onzième tour, l'ordre s’inverse. Prost prend la tête devant Lauda sans que le brésilien ne puisse y faire quelque chose. C’est alors que la RAM de Palmer sort violemment de la piste, obligeant les commissaires à interrompre l’épreuve. Un nouveau départ est donné, reprenant l’ordre établi lors du onzième tour, soit une boucle avant le dépassement des deux McLaren ! Le français est fou de rage et sait que tout est à refaire. Cette fois-ci, il y parviendra sans mal. Mais après plusieurs tours tranquilles en tête, un roulement se brise et c’est toute sa boite de vitesses qui cesse de fonctionner. Mais une MP4/2 peut en cacher une autre. Débarrassé de Piquet, Lauda s’envola vers son troisième succès de l’année, revenant à 2,5 points du leader du championnat. La couronne semble prédestinée à un pilote McLaren, reste à savoir lequel. Sur le très rapide tracé d’Hockenheim, le français confirme sa pointe de vitesse en réalisant sa deuxième pole position de l’année, six rangs devant son équipier. Si à l’extinction des feux, le poleman perd sa place, il la reprend rapidement lorsque le V6 de De Angelis explose et si dans la foulée Piquet chipe le leadership, Prost n’aura qu’à attendre le bris de la Brabham pour ne plus être inquiété. Derrière lui, Lauda n'aura rien pu faire malgré les tentatives de rapprochement. C’est le second doublé des McLaren cette année, qui plus est, en Allemagne, pays de Porsche. C’est ensuite en Autriche que se rend la Formule 1. Plus tôt dans la saison, Lauda avait remporté le grand-prix de France. Prost espère renverser la tendance en s’imposant chez son rival, même si cela s’annonce compliqué. Toutefois, il parvient à s’échapper avec Piquet lorsqu’à nouveau, le moteur de De Angelis explose, répandant de l’huile sur la piste. Handicapé par une transmission à la peine, le français ne peut maintenir sa voiture sur la trajectoire et sort de la piste, heurtant le rail dans sa mésaventure. C’est l’abandon. Profitant des malheurs de son équipier, Lauda fond sur la Brabham en tête et dans une formidable manœuvre à l’extérieur, il récupère le commandement. C’est la première victoire de l’autrichien à domicile. Ce succès, en plus de ravir la foule, le propulse en tête du classement jusque là dominé par Prost. L’issue du championnat est plus qu’incertaine et ce n’est pas la course à Zandvoort qui les départagera. Parti de la pole, le français ne pu contenir Piquet au premier virage mais après quelques boucles, la McLaren reprend son bien. Au douzième tour, c’est Lauda qui fait irruption au deuxième rang pour ne plus jamais le quitter. Avec ce troisième doublé, McLaren assure sa seconde couronne mondiale, dix ans après celle de 1974, à trois courses du terme. Avec un demi-point séparant ses deux pilotes, Ron Dennis craint que la situation ne dégénère. Pourtant, les deux hommes s’entendent à merveille et si tous deux souhaitent l’emporter, ils savent pertinemment que l’un d’eux finira second. Mais lequel ?

Une première réponse arrive à Monza. Qualifié second, Prost espère bien grimper d’un rang dès le départ pour reprendre du terrain sur son équipier. Mal parti, Lauda ne baisse pas les bras pour autant, lui qui aura tant dépassé en 1984. Toujours derrière Piquet, le français tente d’aspirer le brésilien. C’est alors que le V6 Porsche explose dans un panache de fumée à la fin du troisième tour. Cette panne tombe au plus mauvais moment pour le pilote McLaren qui ne peut que constater son écart grandissant au championnat. Comme à son habitude, l’autrichien entame doucement son retour aux avant-postes et bénéficiant des nombreux abandons, il s’installe en première place au quarante-troisième tour. Avec cette nouvelle victoire, l’autrichien s’ouvre une voie royale vers un troisième sacre mondial. Mais rien est joué, et c’est Prost lui-même qui le rappela dès la manche suivante, au Nürburgring. Pour la première fois, le circuit allemand fait son apparition depuis l’année 1976 et le tristement célèbre accident de Lauda. Cette fois-ci, les voitures évoluent sur un tracé tout neuf, bien plus court que la Nordschleife et ses vingt-deux kilomètres. De nouveau deuxième sur la grille, le français se fait une belle chaleur lors du warm-up lorsqu’il percuta un véhicule d’intervention garé sur le bas-côté. Cela ne perturbe en aucun cas ses plans puisque dès le lancement de l’épreuve, personne ne peut l’inquiéter. Lointain quinzième après des qualifications désastreuses, l’autrichien prend son mal en patience et au bout des soixante-sept tours de course, il croise la ligne en quatrième position. Le titre se jouera donc à Estoril pour le dernier rendez-vous de la saison. Avec 3,5 points d’avance, Lauda est le mieux placé mais une simple contre-performance ou le moindre petit problème, et c’est le sacre qui s’envole. En qualifications, les habitudes sont reprises : Prost deuxième, Lauda onzième, tout se jouera au point près. A l'extinction des feux, le français saute le poleman avant d’être lui-même dépassé par Rosberg. Plus loin, l’autrichien prend un départ sage en plein milieu du peloton. Au neuvième tour, Prost prend définitivement la tête. Dans cette position, il est champion du monde, à condition que son équipier ne remonte pas en deuxième place. Pourtant, le schéma que ne souhaitait pas le français semble se dessiner. Tour après tour, l’autrichien remonte dans la hiérarchie et à mi-course, le voici déjà troisième, derrière Mansell. Au cinquante-deuxième tour, la McLaren passe la Lotus. A ce stade, Lauda rafle le titre pour un demi-point. Jusqu’à l’abaissement du drapeau à damier, les yeux sont rivés sur les MP4/2, guettant la moindre petite faiblesse mécanique. Il n’en sera rien. Prost l’emporte devant Lauda mais doit s’incliner au championnat pour un malheureux demi-point, du jamais-vu en Formule 1. Un an après son amère défaite à Kyalami, le français est encore battu sur le fil. Toutefois, l’entente entre les deux pilotes sera restée cordiale et amicale, pour le plus grand bonheur d’un Ron Dennis soulagé d’avoir tout gagné.

Au final, la McLaren MP4/2 c’est douze victoires, trois poles position, dix-huit podiums et huit meilleurs tours en course, mais c’est aussi et surtout la voiture championne de l’année 1984. Depuis 1978 et les Lotus 79, la Formule 1 n’avait pas connu une telle domination de la part d’un constructeur. Le formidable dessin de la monoplace couplé au puissant moteur Porsche aura permis à l’écurie McLaren de se relever après huit ans d’absence sur le devant de la scène. Auteur de nombreuses remontées, Lauda savoure ce titre récolté pour un demi-point sur Prost, le plus faible écart jamais enregistré dans la discipline. Malheureusement pour lui, il ne défendra pas longtemps sa couronne, finissant trop souvent arrêté à cause de la mécanique au contraire de Prost qui mena la MP4/2B vers un second sacre consécutif, ouvrant également son compteur de titre personnel.

La McLaren MP4/2 en chifres...

Grands-prix :

16

Victoires :

12

Podiums :

18

Poles Position :

3

Meilleurs Tours :

8

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