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Cooper T53

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A la fin des années 50, les petites écuries anglaises ont la côte. L’une d’entre-elle étoffa d’ailleurs grandement son palmarès durant cette période : Cooper et sa T53.

En 1958, la Formule 1 a entamé une réelle révolution avec l’apparition des premières monoplaces à moteur arrière. Si c’est un pilote Ferrari avec un bloc à l’avant qui remporte le championnat, c’est bien un moteur arrière qui rafle la couronne constructeur avec le team Vanwall. Rapidement, toutes les équipes se dotent de ce système mais l’une d’entre elles s'acclimata plutôt bien : Cooper. Avec sa T51, la structure anglaise rafla cinq succès sur l’ensemble de la saison, notamment grâce au leader de l’écurie Jack Brabham. Mais dans ces années de grandes avancées, chaque constructeur cherche le moyen d’aller toujours plus vite. Garder la même monture d’une saison sur l’autre est un réel coup de poker mais peut aussi s’avérer désastreux. Chez Cooper, l’idée de créer une toute nouvelle monoplace, grosse évolution de sa devancière, germe dans les cerveaux des ingénieurs. Elle se prénommera T53. Les différences avec la championne de 1959 sont très notables. Tout d’abord, la carrosserie. En effet, la T53 est bien plus compacte que la T51, plus basse et donc plus aérodynamique. Les suspensions ont également été largement revues, à l’inverse du moteur et de la boîte de vitesses. C’est donc avec le performant et fiable quatre cylindres en ligne FPF Climax de 2500cm3 et sa boîte de vitesses cinq rapports que Cooper s’engage dans cette nouvelle campagne 1960, la dixième de la discipline. Pour les constructeurs, il s’agit également de se préparer aux gros changements prévus pour 1961, à commencer par la réduction de la cylindrée à 1500cm3, de quoi faire grincer des dents les différents team anglais engagés en championnat...

Mais pour entamer cette nouvelle saison, Cooper fait le choix de sortir une nouvelle fois sa T51 avant de faire démarrer sa T53 une fois celle-ci bien préparée. Et c’est en Argentine que tout commence avec pas moins de sept Cooper au départ ! Parmi elles, les deux machines du team officiel, pilotées par le champion en titre Jack Brabham et Bruce McLaren. Mais avant de pouvoir conduire, les pilotes sont contraints d’attendre leurs monoplaces, bloquées sur un bateau à deux jours du grand-prix. Si Moss réalise la pôle à bord de sa T51 du team de Rob Walker, les voitures officielles se retrouvent très loin sur la grille. Le jour de la course, alors que l’été est bien présent en Amérique du Sud, les petites anglaises prennent rapidement le large, à commencer par les BRM et la Lotus 18 d’Ireland. La température est tellement élevée qu’à plusieurs reprises, les pilotes ralentissent en plein virage pour se faire asperger d’eau par une personne en bord de piste ! La chaleur extrême fait souffrir les mécaniques mais également les corps. En l’espace de deux boucles, Moss et Brabham renoncent. L’anglais reprendra pourtant le volant en remplaçant Trintignant mais dans le même temps, c’est une autre Cooper qui fait le spectacle. Parti depuis la treizième place, Bruce McLaren fait le boulot et remonte au fur et à mesure que les tours s’égrainent jusqu’à prendre la première place, à une dizaine de boucles de l’arrivée. L’ancienne T51 a de beaux restes mais cette épreuve aura mis en lumière la rapidité d’une autre monoplace : la Lotus 18. Le 15 Mai 1960, c’est le grand jour. La nouvelle T53 est enfin là pour sa première sortie en piste. Et c’est lors du BDRC International Trophy à Silverstone, épreuve incontournable des courses hors-championnat que les deux voitures vertes s’élancent. Hélas, c’est la Lotus qui s’impose, devant la nouvelle T53 de Brabham, alors que McLaren achève son périple avec cinq tours de retard. A Monaco, pour le premier grand-prix officiel de la T53, Brabham semble se diriger vers un deuxième succès consécutif quand une sortie de route à Sainte-Dévote lui fit perdre toute chance de succès. Au final, c’est Stirling Moss qui l’emporte sur une Lotus 18 ! A une minute du vainqueur, McLaren croise la ligne en seconde position. Mais le circuit de la principauté reste un tracé à part dans le calendrier et les prochaines manches, disputées sur des pistes relativement rapides, pourraient rapidement renverser la tendance. Ce sera le cas aux Pays-Bas, à Zandvoort avec la deuxième place de Brabham sur la grille, toujours derrière une Lotus, mais à seulement deux petits dixièmes de seconde. Mais le jour de la course, l’australien est imbattable. Il mène tous les tours, récoltant enfin les lauriers en cette saison 1960. Moins de chance pour son équipier victime d’un problème mécanique en tout début d’épreuve. La machine T53 est enfin lancée.

La saison se poursuit sur l’impitoyable circuit de Spa-Francorchamps, en Belgique. La bonne vitesse de pointe des Cooper à Zandvoort les placent en favorites. Mais ce qui se passa ce week-end là marqua profondément la Formule 1. Connu pour être très dangereux, le tracé belge tourna rapidement à la tragédie. Lors des essais, plusieurs pilotes, dont Stirling Moss, connaissent de violents accidents. Il faut dire que les routes de campagne bordées d’arbres ne sont guère adaptées à des bolides s’élançant à plus de 220 km/h. Rapidement, Jack Brabham se montre le plus rapide, battant de sept secondes le précédent record de Mike Hawthorn. En course, l’histoire se répète. Le champion 1959 ne laisse que des miettes à ses concurrents mais derrière lui, les évènements se succèdent. En l’espace de cinq tours, Chris Bristow et Alan Stacey quittent violemment la route. Les deux pilotes décèdent sur le coup. C’est le week-end le plus tragique de la Formule 1 jusqu’au fameux grand-prix d’Imola 1994. L’épreuve ira cependant à son terme, voyant l’écurie Cooper réaliser un triplé puisque derrière le vainqueur australien se trouvent McLaren, remonté de la treizième place, et Gendebien, pilote pour le compte du Yeoman Credit Racing Team, sur une T51. A Reims, sur les routes bordées de champs, les Cooper sont toujours très à l’aise. Brabham réalise une deuxième pole consécutive, loin, très loin devant son équipier, à la peine sur l’exercice du tour lancé. En condition de course, elles sont invincibles. Si les étonnantes Ferrari, puis la Lotus d'Irlande se montrent dans leurs rétroviseurs, aucune n’empêcha leur formidable épopée française. Derrière le vainqueur Brabham, McLaren termine troisième, pris en sandwich entre les deux T51 de Gendebien et de Taylor, un quadruplé historique pour la marque. La septième manche de l’année emmène les concurrents sur le tracé de Silverstone, à domicile pour Cooper. Comme à son habitude, le champion sortant se montre le plus véloce en qualifications, devançant son plus proche rival de plus d’une seconde. Sur l’autre T53, le kiwi se rapproche de son leader avec le troisième temps. Il achèvera l’épreuve un rang plus bas, au contraire de Brabham, solide leader quasiment de bout en bout. Avec cette nouvelle bonne performance, l’écurie anglaise scelle le championnat en inscrivant une seconde fois son nom au palmarès des constructeurs.

A trois meetings du terme de la campagne 1960, Brabham mène toujours avec cinq petits points d’avance sur McLaren mais avec ses quatre succès consécutifs, le chemin du titre est tout tracé. Au Portugal, sur le circuit dessiné dans les rues de Porto, les pilotes Cooper peinent à trouver les bons réglages. Ainsi, la pole position échappe aux voitures vertes pour la première fois depuis trois courses. Au deuxième tour, l’australien perd le contrôle de sa monture sur les rails de tramway traversant la piste. Fort heureusement, il ne touche pas les rails et peut repartir dans le bon sens, bien qu’ayant perdu bon nombre de places. Sur un rythme effréné, les T53 remontent dans la hiérarchie, quasiment roues dans roues. Au vingtième tour, elles retrouvent toutes deux le top 4 avant de remonter sur le podium neuf boucles plus tard. Devant les deux pilotes se trouvent Surtees, poleman pour la première fois, finira par renoncer sur ennui de refroidissement, propulsant les deux anglaises en tête de l’épreuve malgré les déboires du début. Grâce à leur fiabilité sans failles, elles franchissent la ligne d’arrivée dans l’ordre habituel Brabham-McLaren, à une minute d’intervalle. En remportant un cinquième succès en sept courses, Jack Brabham devient champion du monde pour la deuxième fois consécutive. Les inquiétudes du début de saison et de la Lotus 18 se seront finalement vite dissipées après les solides prestations des deux pilotes Cooper. L’avant-dernier rendez-vous de l’année se tient à Monza mais avant la tenue de l’épreuve, la Formule 1 est confrontée à un volte-face des écuries anglaises compte-tenu de l’utilisation de l’anneau de vitesse. Les folles vitesses atteintes ainsi que la dangerosité du banking auront eu raison de la venue de Cooper, Lotus et BRM en Italie, permettant à la Scuderia de pouvoir enfin briller dans une saison jusque-là vierge de victoire. Pour clore cette année plus que réussie, les Cooper se dirigent de l’autre côté de l’Atlantique, sur le tracé californien de Riverside. Ce sera d’ailleurs la seule apparition de ce circuit dans la discipline. Battu par Moss en qualifications, Brabham s’empare de la tête dès le départ mais quelques boucles plus tard, il s’arrête aux stands en catastrophe. Un incendie commence à prendre sur sa T53, rapidement maitrisé. Plus de peur que de mal pour l’australien qui s’empresse de reprendre la piste, le couteau entre les dents. Les leaders sont désormais trop loin mais les Cooper n’abdiquent pas. Elles finiront troisième et quatrième, battues une dernière fois par les Lotus. Ainsi disparaît la campagne 1960 et avec elle, ses moteurs de 2,5 litres de cylindrées.

Car ce changement aura d’importantes répercussions sur la tournure du championnat 1961. Depuis l’annonce de cette règle deux ans plus tôt, les constructeurs britanniques, en total désaccord avec les mesures, cherchent à tout prix à imposer un maintien des règlements actuels. Leur combat s’avéra vain. Pire encore, ces deux années à protester ne leur auront pas permis de développer de nouvelles voitures conformes autour d’un quatre cylindres Climax fortement modifié. Chez Cooper, le travail se porte tout particulièrement sur la construction et l’étude d’une nouvelle monoplace, la T55. Mais avant son entrée en service, la T53 reprend la piste pour les quelques manches hors-championnat précédant le grand-prix de Monaco, théâtre du premier rendez-vous de l’année. Et même avec son nouveau bloc de 1500cm3, la T53 se comporte à merveille puisqu’elle remporte plusieurs succès. Subsiste pourtant une inconnue : la Scuderia Ferrari, grande absente hors-championnat mais grande favorite pour la couronne mondiale. Il faut dire que le Commendatore n’a pas vraiment supporté l’échec cuisant de ses dernières montures à moteur avant. Pour la T53 est son nouveau bloc, l’avenir s’écrit donc en pointillés. Si l’écurie officielle l’abandonne tout bonnement, plusieurs châssis sont vendus à différentes équipes mais sans réel développement, les performances seront loin d’être idylliques. A Monaco, sur les deux T53 engagées, seule celle de Surtees sera qualifiée. Le futur champion 1964 finira par renoncer aux deux-tiers d’épreuve sur souci d’alimentation en essence. Mais si les Ferrari étaient attendues sur les plus hautes marches, c’est l’étonnant Stirling Moss et sa Lotus Climax qui matèrent tout le monde en s’imposant au nez et à la barbe des italiennes. Des machines rouges qui renversèrent vite la tendance à Zandvoort, là où la seule T53 engagée termine à la porte des points. Pour ce qui est de la T55, les résultats ne sont guère plus encourageants : un petit point au Pays-Bas, le team anglais espérait mieux. A Spa-Francorchamps, les T53 sont en nombre avec pas moins de quatre modèles au départ. Étonnant quatrième au départ, Surtees ne put rien pour contenir l’armada Ferrari et leur quadruplé historique. A noter la première apparition d’une variante en Belgique avec la T53 à moteur Maserati de Lorenzo Bandini. En France, malgré cinq montures au départ, aucune d’entre elles ne pu perturber les plans de Ferrari et de Baghetti, vainqueur surprise pour son premier départ dans la discipline. Que ce soit la T53 ou la T55, l’année est plus que mauvaise pour Cooper qui sait déjà que le titre sera très sûrement italien…

La deuxième moitié de saison n’offrira aucune éclaircie pour le team anglais. Pour la course à domicile sur le circuit d’Aintree, pas moins de cinq T53 sont au départ sur les trente-et-une voitures engagées. Dans tout cet armada, seule l’une d’entre elle parviendra à rejoindre la zone des points avec la sixième place de Roy Salvadori. C’est lors de ce cinquième meeting, au Royaume-Uni, que la Scuderia Ferrari empoche le sacre, le premier de son histoire au tableau des constructeurs. Sur le terrifiant Nürburgring, elles sont six sur la grille de départ. Une septième machine était même attendue entre les mains de Gregory, finalement absent pour la manche allemande. Pour Cooper, ce rendez-vous est celui choisi pour étrenner la nouvelle T58, uniquement entre les mains de Jack Brabham. Si l’australien réalise le deuxième chrono, il renoncera suite à un accident. Du côté des T53, la surprise vient de John Surtees qui tient sur la ligne la cinquième place, soit un rang de mieux que Bruce McLaren et sa T55 évoluée. En Italie, les Formule 1 retrouvent le circuit de Monza et son anneau de vitesse, tant décrié un an plus tôt. Cette année-là, tout le monde est présent. Comme souvent, la course se joue à la vitesse de pointe et à l’aspiration. Pour la seule fois de l’année, les Cooper sont en forme. Troisième, McLaren inscrit le premier podium de l’équipe officielle de l’année, le seul finalement. Mais derrière lui, les T53 sont à l'affût. Au quatrième rang se trouve Jackie Lewis, devançant deux positions plus loin, Roy Salvadori, puis Lorenzo Bandini en huitième place. Ces performances resteront les meilleures de la T53 version 1961. A Watkins Glen, pour la dernière de l’année, Jack Brabham réalise un tour sensationnel qui le propulse en pole position, la première et unique de la saison pour Cooper, bien aidé, il faut dire, par le retrait de Ferrari en hommage à Von Trips, décédé lors du grand-prix d’Italie. Mais en course, c’est une surchauffe qui le stoppa alors que la victoire était envisageable. A part McLaren en quatrième place, aucune des T53 n’inscrira de points. L’année se termine après une rude saison, une saison trop mal préparée par Cooper et Climax.

Mais l’aventure de la T53 triomphante en 1960 ne s’arrête pas là. En 1962 et même en 1963, quelques petites équipes lui font reprendre la piste, mais sans jamais retrouver la gloire passée. Un moteur Alfa Romeo fut même installé lors du grand-prix d’Afrique du Sud 1962, sans succès. Les cinq victoires décrochées par Brabham semblent être un lointain souvenir. L’écurie Cooper ne s’en relèvera presque pas. Les bonnes performances se raréfient, les points sont de plus en plus difficiles à atteindre, les Lotus, Ferrari, BRM, et même les Brabham et McLaren prennent rapidement le large. La T53 aura été l’héroïne de son temps, un temps révolu en l’espace d’une seule année.

La Cooper T53 en chiffres...

Grands-prix :

22

Victoires :

5

Podiums :

10

Poles Position :

3

Meilleurs Tours :

3

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