Les Grands-Prix d'Europe

Comment organiser deux grands-prix dans le même pays sur le Vieux Continent ? L’appeler grand-prix d’Europe bien sûr…
Si ce nom n’est plus d’actualité aujourd’hui, ces manches européennes, courues dans différentes nations, n’ont cessé de rythmer la F1 des années 80 à 2010. Brands Hatch, Jerez, le Nürburgring, Valence et même Bakou ont tous un jour porté cette dénomination, pour le meilleur et pour le pire. 1983 marque la première apparition en tant que tel d’un grand-prix d’Europe, même si cette dénomination n’a rien de vraiment nouveau. Depuis l’avènement de la Formule 1, vingt-quatre courses auront porté ce nom, en plus de celui de son territoire. Ainsi, le tout premier départ de l’histoire était bien celui du grand-prix de Grande-Bretagne, également couru sous le nom de grand-prix d’Europe. La seule subtilité, c’est qu’en 1983, le Royaume-Uni accueille deux épreuves. Après un premier tour au mois de Juillet à Silverstone, les pilotes se rendent à Brands Hatch courant Septembre pour cette grande première. Ce choix de dernière minute de placer un nouveau rendez-vous britannique s’explique par l’annulation du grand-prix de New-York initialement prévu. De Angelis signe ici sa première pole position mais un accrochage avec Patrese après quelques boucles viendra contrecarrer ses chances de succès avec Lotus. Profitant des malheurs des Ferrari et de sa bonne Brabham BT52, Piquet s’impose avec facilité, repoussant l’échéance du titre à Kyalami. En 1984, cap à l’est. Sur le tout nouveau tracé du Nürburgring, que les pilotes découvrent dans cette configuration, place au duel Prost-Lauda. Si le français s’élance des avant-postes, son équipier autrichien se manque totalement avec une quinzième place sur la grille. Dès le départ, Senna se montre très brouillon et provoque un carambolage au premier virage, impliquant Rosberg, Ghinzani, Surer et Berger. Leader dès le début, le futur champion français gagne avec aisance devant Alboreto et Piquet, tous deux à l’agonie à cause de leurs réservoirs vides dans les derniers mètres de course. Niki Lauda remonte jusqu’en quatrième place, sauvant ses espoirs au championnat pour Estoril. Si les deux dernières éditions du grand-prix d’Europe n’ont pas donné d’épilogue au championnat du monde, 1985 renverse la tendance. De retour à Brands Hatch, c’est un match opposant Prost à Alboreto qui tient en haleine les spectateurs du monde entier. Si Senna et Rosberg font le show au départ, tout le monde guette la lutte entre les deux adversaires. Malheureusement, ce combat tourne bien court. Après son arrêt aux stands, la Ferrari de l’italien s’embrase. Il ne faut alors qu’une cinquième place au Professeur pour s’adjuger son premier titre mondial. Devant, alors qu’Ayrton pousse Keke hors de la piste mais que celui-ci riposte en le bloquant ostensiblement, c’est Nigel Mansell qui tire son épingle du jeu. L’anglais remporte, chez les siens, sa première victoire en Formule 1, évidemment saluée par tout un peuple. Alain Prost sera lui aussi ovationné pour son exploit, rejoignant même le trio sur le podium à l’issue de l’épreuve.

Donington 1993

Nürburgring 1999

Bakou 2016

Donington 1993
Les années passent et le grand-prix d’Europe n’a plus sa place dans un calendrier déjà bien fourni. Avec l’émergence des courses urbaines aux Etats-Unis et dans le Pacifique, le Vieux Continent perd peu à peu son monopole. Pourtant, en 1993, c’est le renouveau. L’annulation d’un grand-prix d’Asie sur l’Autopolis pousse Ecclestone à combler le vide du mois d’Avril. Quelle bonne idée que celle d’organiser une course au beau milieu de l’Angleterre, là où les températures sont rudement basses et la météo capricieuse. C’est Donington qui est choisi pour mener à bien ce projet, ce qui n’enchante pas vraiment les pilotes, jugeant la piste beaucoup trop étroite pour leurs monoplaces. La pluie est omniprésente et le grand-prix s’annonce calamiteux. Pourtant, il sera grandiose. Ce jour-là, Senna nous livre sa meilleure prestation en Formule 1, passant de quatrième à la première place dans le premier tour, repoussant les véloces Williams-Renault dans une catégorie inférieure. Il faut dire qu’avec treize arrêts aux stands chez les anglais, l’après-midi a été très sportif. Longtemps troisième, Barrichello perd l’espoir de son premier podium à six tours du but, une cruelle défaite pour le pilote Jordan. Après une halte sans grand intérêt à Jerez en 1994, la manche européenne trouve refuge au Nürburgring où elle installera ses quartiers de longues saisons, si l’on excepte le retour en Andalousie en 1997. Ce deuxième passage sur le sol allemand sera légèrement humide mais copieusement animé. Pris en sandwich entre Coulthard et Hill, Schumacher se démène avec une Benetton loin d’être au top de sa forme. Avec la baisse de régime des Williams et le crash de l’anglais, l’allemand a désormais voie royale pour chercher la deuxième place. Mais Schumacher étant Schumacher, ce résultat n’est pas celui escompté. Dans une stratégie agressive à trois arrêts, il se lance à la poursuite d’un Alesi héroïque. Le vaillant français fait tout pour résister à la pression mais le Kaiser est prophète chez les siens et à quelques kilomètres du but, la B195 dépasse la 412 T2. Le double champion de l’époque qui ne réitèrera pas l’exploit en 1996, échouant pour quelques dixièmes seulement dans les échappements de Villeneuve, vainqueur pour la première fois en Formule 1. Ces deux protagonistes seront d’ailleurs les deux acteurs principaux du grand-prix d’Europe 1997 et pour cause, c’est lui qui conclut la saison. Lors des qualifications, premier rebondissement : Frentzen, Villeneuve et M.Schumacher réalisent exactement le même chrono ! Si l’avantage est au pilote Ferrari dans les deux premiers tiers de course, la Williams remonte inlassablement vers la première place. La lutte somptueuse qui s’annonce tourne au cauchemar lorsque les deux monoplaces se percutent. Le Baron Rouge tire tout droit dans les graviers, là où le québécois s’en sort sans trop de dommage. Eliminé de la course au titre, l’allemand ne peut qu’observer le numéro du pilote Williams, laissant volontairement passer les McLaren de Häkkinen et Coulthard pour un premier doublé de l’union McLaren-Mercedes, le premier succès du finlandais mais surtout, la consécration pour Jacques Villeneuve. Schumacher n’en gardera d’ailleurs pas un très bon souvenir, disqualifié du championnat pour sa manœuvre antisportive. Après deux ans sous le nom de grand-prix du Luxembourg, le Nürb’ se réimpose en manche européenne de 1999 à 2007. La première citée sera une hécatombe. Au moment de l’extinction des feux, les cinq premiers se font surprendre en démarrant trop tôt. La raison : une ruse de la FIA pour déceler d’éventuelles triches de certaines écuries. Si l’ordre initial est rétabli pour un second envol, dans le peloton, c’est la débandade. Diniz, alors percuté par Wurz, décolle dans une série de tonneaux avant de retomber lourdement, tête à l’envers. L’arceau a cédé et l’on craint évidemment le pire pour le pilote Sauber, heureusement sans bobos. Les averses vont se succéder, les leaders aussi. C’est d’abord Frentzen qui caracole en tête jusqu’à son arrêt ravitaillement. Quelques mètres après son retour en piste, son V10 Mugen rend l’âme. Coulthard prend la tête mais les portions humides l’expédient dans les barrières. De ce fait, c’est Fisichella qui récupère le commandement avant que son appui-tête se détache, le conduisant à l’accident. R.Schumacher hérite de cette position maudite car quelques instants plus tard, l’un de ses pneumatiques explose ! Sortis de nulle part, Herbert et sa Stewart-Ford vienne parachever cette épreuve totalement folle devant la Prost de Trulli et l’autre Stewart de Barrichello. Les italiens auront marqué le coche. Entre l’arrêt interminable d’Irvine chez Ferrari à cause de pneus introuvables et l’abandon de Badoer sur sa Minardi, en sanglot en bord de piste, la manche européenne ne restera qu’un mauvais souvenir pour les transalpins. Après les récitals de M.Schumacher sous la pluie en 2000 et sur le sec en 2001, c’est un autre pilote Ferrari qui s’adjuge les lauriers en 2002 en la personne de Rubens Barrichello, à peine trois dixièmes de seconde devant son équipier. Puis, en 2003, c’est un autre Schumacher qui s’installe au sommet du podium. Devant son public, Ralf s’impose sur sa Williams à moteur BMW, loin des déboires de son frère, dans les graviers suite à un contact avec Montoya. Bien aidé à reprendre sa marche en avant par de valeureux commissaires le dégageant de sa position dangereuse, le Kaiser score d’importantes unités qui feront réellement la différence en fin d’année. S’il surdomine à bord de sa F2004 la saison suivante, la pilule est plus dure à avaler en 2005. Bien parti pour l’emporter, Raikkonen lutte pourtant avec une monoplace tremblante, résultat d’une roue bloquée lors d’un freinage. La McLaren tressaute mais tient le coup jusqu’à ce dernier tour fatal. A l’abord du premier virage, sa suspension avant-gauche éclate, envoyant le pauvre finlandais dans le décor, pour la plus grande joie d’Alonso, vainqueur pour la quatrième fois en sept meetings. Pour sa tournée d’adieu en rouge, le septuple champion allemand ramasse un nouveau succès, non sans avoir lutté face à Alonso, Massa et Raikkonen. 2007 sera la dernière dans l’Eifel pour le compte du grand-prix d’Europe. Et quelle dernière ! Sur la grille de départ, tout le monde s’élance en pneumatiques slicks. Tous ? Non. Markus Winkelhock, pilote remplaçant d’Albers chez Spyker, opte pour les gommes rainurées. L’allemand ne s’élance que depuis la dernière place avec un temps quatre secondes plus lent que le poleman, Raikkonen. Mais au moment où les feux s'éteignent, l’orage éclate. Tous les pilotes se font surprendre et rejoignent tant bien que mal les stands où les bons pneus les attendent. Alors que le leader Iceman manque l’entrée de la pit-lane, le héros Winkelhock passe de zéro à héros, grimpant de la vingt-deuxième à la première place en un tour ! Pas mal pour un débutant. Sa prestation et sa maîtrise seront époustouflantes car derrière, c’est l’hécatombe. Le dévers du premier virage provoque une pagaille monstre, envoyant à tour de rôle Button, Hamilton, Sutil, Rosberg, Speed et Sato hors de la piste, puis Liuzzi un peu plus tard, évitant de peu la voiture de sécurité et une grue. Le drapeau rouge est rapidement brandi, une première depuis le Brésil en 2003. A priori mal positionné, Hamilton reçoit l’autorisation d’être remis sur le tarmac par les commissaires. Si le pilote Spyker en tête marque les esprits, le deuxième départ ne tournera pas en sa faveur. Désormais, c’est Alonso et Massa qui luttent pour la plus haute marche, allant même jusqu’au contact pour se défaire de leur adversaire. Finalement, c’est l’espagnol qui remporte ce duel acharné, ce qui ne sera pas du goût du brésilien, très en colère contre le pilote McLaren. Le héros du jour Winkelhock ne sera pas récompensé de son effort, victime de soucis hydrauliques après treize tours, ses premiers mais aussi ses derniers à bord d’une Formule 1.

Jerez 1997

Nürburgring 1999

Valence 2010

Jerez 1997
De 2008 à 2012, cap sur l'Espagne. C'est au cœur de la zone portuaire de Valence, non loin du circuit déjà existant et connu par les fans de moto, que se tient le grand-prix d'Europe. Ce tracé, tantôt serré, tantôt rapide, borde et enjambe la méditerranée, comme un remake de Monaco mais sans le glamour et avec des portes-containers. Avec les pistes de l'Albert Park, de Monte-Carlo, de Gilles Villeneuve et de Marina Bay, c'est un cinquième élément urbain qui s'ajoute dans un calendrier laissant peu à peu tomber ses tracés originels. Pourtant, la crise économique qui touche le monde entier, et en particulier la zone hibérique, pourrait compromettre ces rendez-vous supplémentaires. D'imposantes infrastructures ont été montés pour l'occasion, comme ce magnifique bâtiment des stands bordé de vibreurs rouge et jaune. Les murs sont proches mais les dégagements assez larges, de quoi nous offrir, sur le papier, un spectacle digne de ce nom. Mais cette première en bord de mer ne ravira pas vraiment. Disputée le même jour que la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Pékin, la manche valencienne ne fait pas vraiment recette auprès des téléspectateurs. Les dépassements sont quasi nuls et seuls les pépins mécaniques et accidentels, touchant notamment Alonso et Raikkonen, viendront chambouler le milieu de classement. Massa s’impose sans frémir, lui qui n’aura pas la chance d’y piloter un an plus tard. Blessé en Hongrie quelques jours plus tôt, le brésilien est remplacé, en hâte par Badoer, qui se montrera très lent et brouillon. Le grand-prix est tout aussi soporifique mais pour la première fois depuis 2004, c’est Barrichello qui s’impose sur sa Brawn GP. 2010 sera bien plus animée, notamment à cause d’une image : le looping de Webber. Blotti dans l’aspiration de Kovalainen, l’australien hésite à dépasser mais il est trop tard. La Red Bull percute la Lotus, exécute une demie-cabriole, arrachant au passage un panneau publicitaire, avant de lourdement retomber sur l’arceau et de se fracasser dans le mur de pneus. Les ralentis passent en boucle sur les écrans du monde entier mais fort heureusement, le grand Mark est indemne. Reste que cet accident cause une sacrée pagaille dans le peloton. Si tous les pilotes s’arrêtent aux stands, la voiture de sécurité change, involontairement, le classement et piège la Scuderia Ferrari. De gros points seront perdus ici par les rouges, et surtout pour Alonso. Vettel s’en sort le mieux devant un Hamilton, habitué des secondes places à Valence. Le grand-prix manque réellement d’intérêt et ce n’est pas l’édition 2011 qui améliorera les choses. Pas de dépassements, aucun abandon, juste un petit accrochage entre Schumacher et Petrov et c’est tout. Le champion sortant Vettel retrouve la plus haute marche du podium lors d’un meeting auréolé d’un drôle de record, celui du plus grand nombre de monoplaces à l’arrivée avec vingt-quatre. Le contexte économique et politique devient tendu en Espagne et l’épreuve, normalement prévue jusqu’en 2014, pourrait bien s’arrêter en 2012. Cette année-là sera bien la dernière pour le tracé urbain malgré un spectacle retentissant. Après des qualifications manquées, Webber, Alonso et Schumacher se retrouvent coincés en deuxième partie de grille, à l’inverse de Vettel, Hamilton Maldonado ou Grosjean. Dès le départ, le français saute le vénézuélien et l’anglais pour s’afficher dans le sillage de la Red Bull. Après vingt tours, alors que le reste du paquet est étonnement proche, Senna et Kobayashi se touchent. Le crash est évité de justesse mais quelques boucles plus tard, nouvel accrochage, cette fois-ci entre Vergne et Kovalainen. Les nombreux débris jonchés au sol obligent à la sortie de la voiture de sécurité. A la relance, Alonso, revenu troisième, se défait, par l’extérieur, de Grosjean au premier freinage. A peine quelques minutes plus tard, l’alternateur de Vettel rend l’âme, suivi de celui du franco-suisse de chez Lotus. La course s’emballe avec un énième incident opposant Massa et Kobayashi mais surtout, un Fernando Alonso leader chez les siens. Derrière lui, Raikkonen profite de ses gommes plus fraîches pour défaire Hamilton de la deuxième place, suivi de Maldonado. Si la manœuvre du finlandais est clinique, celle du pilote Williams est un peu plus controversée. Enfermé par la McLaren, le vénézuelien tente de forcer le passage dans l’avant-dernier passage. Résultat, une aile avant arrachée pour le récent vainqueur en Catalogne et un champion britannique dans le décor. Profitant de tous ces rebondissements, Schumacher grimpe sur le podium in-extremis, son premier depuis le grand-prix de Chine en 2006, mais également son cent-cinquante-cinquième et dernier en carrière. Dix titres de champion sur le podium, l’image est belle mais ne se reproduira plus. Dans sa chute, Valence emporte avec elle le Grand-Prix d’Europe, désormais remisé au placard.
Pourtant, quatre ans plus tard, surprise : l’Europe fait son retour en Formule 1 sur le circuit de Bakou, en Azerbaïdjan. Géographiquement parlant, difficile de situer le pays sur le Vieux Continent. Évidemment, cette dénomination fait grincer des dents les observateurs qui voient d’un mauvais œil l’ajout de ce circuit urbain ultra-rapide et terriblement étroit à certains endroits. Le grand-prix ne sera d’ailleurs pas très attractif. Pour ne rien arranger, l’épreuve se tient au même moment que les 24 Heures du Mans et leur épilogue fatal à Toyota. Les vitesses atteintes sont déroutantes avec pas moins de 378km/h pour Bottas selon les données télémétriques de Williams. L’action en piste sera invisible et la course ne sera qu’une longue procession jusqu’au drapeau à damier, abaissé devant Rosberg, Vettel et l’étonnant Perez, comme à la maison avec sa Force India multicolore. Si le circuit est encore bien présent dans l’organigramme de la Formule 1, le grand-prix d’Europe, lui, a disparu, peut-être bien pour toujours…
Les Grands-prix d'Europe en chiffres...
Années de présence en Formule 1 :
1983 - 1985 ; 1993 - 1997 ; 1999 - 2012 ; 2016
Longueur :
x
Nombre de tours :
x
Meilleur temps en qualifications :
x
Meilleur temps en course :
x