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Circuit de Reims-Gueux - France

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C’était le tracé de référence français des années 50 et du début de la décennie suivante, une piste atypique au cœur de la Champagne : le circuit de Reims-Gueux.

Avant l’avènement du championnat du monde de Formule 1, peu de circuits permanents existaient. A l’inverse, les tracés suivants les routes départementales ou nationales se multiplient, les plus célèbres étant les pistes du Mans et de Monte-Carlo. La Champagne-Ardennes n’y fit pas exception, organisant, avant la seconde guerre mondiale, de nombreuses courses au cœur de la campagne à quelques kilomètres de Reims. La forme triangulaire de ce tracé demeure reconnaissable entre tous mais ce qui fit la particularité de Reims-Gueux, c’est bien entendu ses interminables lignes droites, propices aux vitesses de pointe les plus folles. Les mécaniciens ne faisaient d’ailleurs aucune concession sur la puissance et la vélocité des machines, éléments les plus importants pour espérer la gagne. La piste originelle, longue de 7,8 kilomètres, plongeait vers le village de Gueux avant de remonter vers la RN31, le tout en deux minutes et trente secondes. Bien entendu, la sécurité n’était que très précaire, les fossés, maisons et autres arbres bordant la route faisant office de limite de piste. Après avoir accueilli plusieurs fois le Grand-Prix de la Marne de 1926 à 1936, il obtient, en 1932, l’accréditation de Grand-Prix de France par l’Automobile Club de France, une course remportée par le grand Nuvolari. Après plusieurs grandes épreuves, le circuit français rejoint officiellement le championnat du monde de Formule 1 en 1950, devenant par ailleurs le sixième grand-prix de l’histoire. Et c’est Fangio qui s’illustre le premier, remportant une course bouillante où les casses mécaniques s’enchainèrent pour la majorité des concurrents. Si Fagioli ne termine qu’à vingt-cinq secondes de son équipier, le troisième, Whitehead et sa Ferrari, est relégué à trois tours des vainqueurs ! L’année suivante, les deux premiers protagonistes font course commune pour foncer vers la victoire, la seule de l’italien, devenant, à ce jour, le vainqueur le plus âgé de la discipline avec cinquante-trois ans. Mais ce succès n’est pas vraiment à son goût, lui aurait dû l’emporter fut prié de laisser son volant à Fangio lors d’un arrêt après que celui-ci se soit arrêté suite à des problèmes moteur. On ne reverra jamais plus Fagioli dans une Formule 1. Après un bref passage par le tracé de Rouen-Les Essarts en 1952, le championnat retrouve la piste champardennaise mais dans une toute nouvelle configuration. En effet, les voitures ne traversent plus le village de Gueux, jugé trop dangereux à ces vitesses. De ce fait, les pilotes empruntent une toute nouvelle portion ramenant jusqu’au virage de Muizon, allongeant considérablement la ligne droite principale. La longueur totale passe à 8,3 kilomètres mais les temps restent sensiblement identiques. Débarrassée de plusieurs arbres et maisons gênantes, la piste devient encore plus rapide. Pour ce retour en Champagne, les pilotes font le spectacle et pour cause, la lutte pour la tête est si serrée que le grand-prix est appelé par beaucoup la course du siècle. En effet, la bataille féroce entre la Maserati de Fangio et la Ferrari de Hawthorn fait rage. A chaque tour, les deux hommes s’aspirent, se dépassent et échangent leurs positions, le tout, côte à côte et à pleine vitesse. Derrière, Gonzalez et Ascari attaquent sans relâche pour remonter sur les duellistes qui ne se lâchent pas d’une semelle. L’anglais semble prendre l’avantage dans les dernières boucles à l’avantage des freins mais l’argentin ne ne se laisse pas faire et dans le dernier tour, le champion 1951 s’empare du commandement mais au moment de freiner pour le dernier virage, l’autre italienne parvient à s'immiscer. Si le contact est évité de justesse, Hawthorn fonce vers sa première victoire en carrière, un rien devant Fangio et Gonzalez revenu de nulle part. En 1954, grosse révolution. Mercedes fait son arrivée dans la discipline avec une voiture plutôt surprenante, la W196s et ses carénages conçus pour augmenter l’aérodynamisme et la vitesse de pointe, si importante sur le tracé français. C’est donc sans surprises que les flèches d’argent monopolisent les deux premières places de la grille et sous le drapeau à damier, un tour devant la concurrence. Mais l’année suivante, c’est le drame. Les 24 Heures connaissent la pire catastrophe de l’histoire des sports mécaniques. De ce fait, le grand-prix est annulé et c’est seulement un an plus tard que la France réapparait au calendrier. La course est dominée par les Ferrari D50 de Collins et Castellotti, les deux hommes finissant roues dans roues avec moins de trois dixièmes entre les deux pilotes.

Après un bref retour à Rouen-Les Essarts en 1957, la Formule 1 réarpente les routes autour de Reims. Seule nouveauté, la réduction de la durée totale du grand-prix, passant de 61 à 50 tours, soit près de cent kilomètres de moins. Il n’empêche qu’il faut tout de même deux heures au vainqueur Hawthorn pour achever son périple. Mais ce qui marqua cette course, c’est le dernier départ de la légende de l’époque, Juan-Manuel Fangio. Sur sa Maserati, l’argentin défie les ferrari, Vanwall et autre Cooper de ses concurrents pour s’adjuger la quatrième place finale. Avec son retrait, la Formule 1 se retrouvait alors, pour la première fois depuis ses débuts, sans champions du monde sur la grille. L’autre événement de ce grand-prix, c’est le tragique accident de Musso. Essayant par tous les moyens de rattraper son équipier anglais, son excès de fougue le fait sortir de la piste violemment. Sa voiture effectue un terrible bond de plusieurs mètres de haut alors que le malheureux italien en est éjecté. Le choc est très brutal et provoqua la mort de son pilote quelques instants plus tard. En 1959, c’est Brooks qui l’emporte sur Ferrari, devant P.Hill, lui aussi de la Scuderia, signant par la même occasion, le centième podium des rouges dans la discipline. Mais dans les derniers tours, rien n’assurait le doublé des italiennes, Moss revenant comme une fusée sur les voitures de tête. Il commit cependant une erreur qui fit caler son moteur. L’anglais essaya tant bien que mal de pousser sa voiture pour la redémarrer mais il faudrait de l’aide extérieure pour la faire repartir. De ce fait, le pilote BRM est disqualifié pour cette manœuvre, lui qui n’aura inscrit que deux maigres points d’ici-là. Chaque année qui passe voit l’abaissement significatif des chronos sur un tour, signe de l’évolution rapide des performances. Ainsi, en 1960, Brabham signe un temps treize secondes plus rapide que celui de la pole position de Fangio six ans auparavant. L’australien n’aura aucun mal à franchir la ligne d’arrivée en tête dans un classement plus que british avec pas moins de sept Cooper et trois Lotus dans le top 10 ! En 1961, les temps remontent suite à l’adoption de nouvelles règles moteur. Si les protagonistes Cooper, Lotus, Ferrari, BRM ou Porsche sont toujours là, il est à noter l’explosion des teams privés s’alignant au départ. Parmis eux, l’italien Giancarlo Baghetti sur une ferrari 156. Ce dernier se qualifie très mal, en douzième place, même s’il ne faut pas oublier que cela reste son premier départ en catégorie reine. Pourtant, il affiche une certaine vitesse de pointe et le dimanche, le voici qui remonte peu à peu dans la hiérarchie. La piste champardennaise est intraitable avec la mécanique et de nombreuses casses sont à signaler. Après les abandons des trois Ferrari officielles, la victoire se joue entre l’italien, Gurney et Bonnier. L’aspiration fonctionne à merveille ici et à la fin de chaque ligne droite, le leader change. A deux tours du but, le suédois renonce et c’est donc dans un duel homérique que se lance les deux rescapés. Dans le dernier tour, Baghetti réalise une manœuvre imparable que l’américain ne parviendra pas à retourner en sa faveur. Ainsi, pour un petit dixième, l’italien remporte son tout premier grand-prix, un exploit que seuls Farina et Parsons (vainqueur de l’Indy en 1950) réaliseront. De nouveau disputé à Rouen-Les Essarts en 1962, il revient en 1963, une édition outrageusement dominée par un Jim Clark des grands jours. Peu à peu, le tracé de Reims est délaissé par la Formule 1, le jugeant peut-être trop rapide à côté de Rouen-Les Essarts ou de Clermont-Ferrand, son total opposé. C’est en 1966 que le dernier grand-prix y est tenu. Bandini s’y montre le plus rapide des qualifications décrochant son unique pole position avant de mener une grande partie de l’épreuve mais un câble d’accélérateur défaillant le contraindra à renoncer. C’est le futur champion Brabham qui s’imposera devant Parkes et Hulme, ces deux derniers hommes inscrivant, pour la première fois, leur nom sur un podium de Formule 1.

Depuis ce jour, plus jamais la Formule 1 ne roulera sur ce tracé, laissant sa place au Mans, à Dijon-Prenois, le Castellet ou Magny-Cours. Cette piste historique sera délaissée par toutes compétitions en 1972. Elle y aura accueilli pourtant de grandes épreuves, que ce soit de moto ou de voiture, mais la trop grande dangerosité du circuit et le manque de moyens conduisirent à la fermeture totale de la piste. Si de nos jours, une partie des stands est encore visible, c’est grâce au travail de bénévoles, récoltant des fonds pour restaurer ce patrimoine menacé mais aujourd’hui sauvé.

Le circuit de Reims-Gueux en chiffres...

Années de présence en Formule 1 :

1950-1951 ; 1953-1954 ; 1956 ; 1958-1961 ; 1963 ; 1966

Longueur :

8,302 km

Nombre de tours :

48

Meilleur temps en qualifications :

2'07''800 (Bandini - 1966)

Meilleur temps en course :

2'11''300 (Bandini - 1966)

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