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Circuit de Montjuïc Park - Espagne

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Les tracés urbains et l’Espagne, un cocktail loin d’être nouveau. Retour sur la courte épopée du tracé de Montjuïc Park.

L’Espagne et la Formule 1, une histoire qui remonte aux années 50, 1951 pour être plus précis avec les premiers grands-prix sur le circuit de Pedralbes. Située au cœur de Barcelone, cette piste très rapide ne sera pourtant pas restée très longtemps au calendrier, la faute à des équipements de sécurité inexistants, faisant craindre le pire, surtout après les terribles évènements du Mans 1955. Il faudra attendre 1968 pour retrouver les premières épreuves officielles, dans un premier temps à Jarama, près de Madrid, en alternance avec Montjuïc, de nouveau à Barcelone. Si le tracé madrilain est permanent, le second réemprunte les rues de la mégalopole catalane. Cette fois-ci, rien à voir avec Pedralbes même si à vol d’oiseau, seuls quelques kilomètres séparent les deux circuits. Plus proche de la mer, plus vallonné, bien plus tortueux, celui de Montjuïc s’annonce être un vrai casse-tête pour les équipes. Disposant d’un premier secteur très sinueux et lent, suivi d’une longue portion de pleine charge en courbe, ce dessin oblige les écuries à faire de réels compromis, surtout au niveau de l’aérodynamisme. Les appuis qui seront clairement au centre des attentions la première année d’exploitation du tracé car en 1969, les ailerons commencent à naître sur toutes les monoplaces. Malgré un net gain en termes de performance, l’utilisation de ces nouvelles ailes posent de sérieux problèmes, notamment en termes de sécurité. Avec de nombreuses bosses et des changements de direction rapides, ces nouvelles pièces démontrent très rapidement leur grande fragilité. Il faut dire qu’avec des ailerons arrière placés à presque un mètre au-dessus du train arrière, le tout soutenu par deux petites barres en acier, le maintien reste précaire. Les pilotes Lotus seront les premiers à en faire les frais tout au long du week-end. Sous les ordres de Chapman, les 49B se voient équipées d’ailes de plus en plus large, accentuant le risque de casse après des passages répétés sur toutes les impuretés de la piste. Des anglaises qui monopoliseront la première ligne avec Rindt et Hill, seulement séparées par la Ferrari d’Amon, nouvellement pourvue d’un aileron mobile. Et oui, le DRS existait déjà à l’époque… Après un départ avorté suite à une fuite d’huile touchant la machine d’Oliver, la course démarre mais là encore, c’est un bazar monstre en fond de grille. En fond de peloton, Courage ne s’élance pas. Son équipe se presse pour le pousser mais au moment d’entrer sur la piste, les mécaniciens se font violemment repousser par la police locale. Si la Brabham finit par repartir, les discours étaient houleux. Après seulement neuf boucles, les premiers pépins arrivent et c’est Hill qui en fait premièrement les frais. Sur sa Lotus, l’un de ses ailerons éclate sur une bosse. La monoplace incontrôlable termine sa course dans les barrières d’acier installées pour l’occasion. Quelques minutes plus tard, c’est Rindt qui est victime d’une mésaventure similaire au même endroit. Cependant, l’accident est bien plus violent pour l’autrichien. Privé d’appui à l’arrière, sa 49B percute de plein fouet les barrières, décolle, avant de retomber lourdement et de percuter l’épave échouée de son équipier. Le futur champion 1970, blessé à la tête, en voudra très longtemps à son patron. Ces incidents pousseront Amon en tête mais comme de coutume, la malchance permanente du néo-zélandais le contraindront à l’abandon après la casse de son 12 cylindres Ferrari. Au gré des retraits, le métronome Stewart reprend le leadership sur une Matra pourtant loin du compte depuis le début du week-end. L’écossais ira s’imposer dans la facilité, remportant ce premier grand-prix avec pas moins de deux boucles d’avance sur McLaren et Beltoise. Hulme et Surtees seront les deux autres seuls pilotes à franchir la ligne d’arrivée, signe de la complexité et de la difficulté de ce nouveau tracé espagnol. Après une année de passage à Jarama et de nombreuses altercations concernant la sécurité des ailerons, la Formule 1 reprend ses droits en 1971 à Montjuïc. Cette nouvelle édition verra l’arrivée d’une révolution dans le petit monde de la Formule 1, une innovation encore utilisée aujourd’hui : le pneumatique slick. Présenté par Good Year à Kyalami, il entre pour la première fois en service sur ce tracé mais par le biais de Firestone, plus rapide à mettre ses gommes en production. Pour autant, ce sont bien les antiques pneumatiques rainurés qui seront les plus véloces, à l’image de la domination sur un tour des Ferrari 312 B de Ickx, Regazzoni et Andretti. Pourtant, après seulement six tours, Stewart surprend le pilote belge et vole vers la victoire finale, bien que l’attaque incessante de Mr Le Mans dans les derniers kilomètres ne laisse flotter un semblant de suspense. Tyrrell remporte donc ici-même son premier succès en Formule 1, laissant présager un très beau palmarès en devenir pour la 003.

Deux ans plus tard, nouvelle révolution en Formule 1. Pour des questions de sécurité, de récentes normes obligent les équipes à installer des éléments déformables pour atténuer les chocs, à commencer par les réservoirs d’essence. De ce fait, beaucoup de nouvelles monoplaces sont présentées sur ce circuit, à commencer par les Ferrari 312 B3, les McLaren M23 (même si Hulme à déjà eu ce modèle lors de la précédente course de Kyalami, la Lotus 72E ou encore la Tyrrell 006 évoluée. Ces nouvelles machines, aussi rapides soient-elles, souffrent toutes d’un même mal, celui d’un circuit trop rude avec les bolides. Ainsi, lors du grand-prix, les abandons se succèdent, changeant constamment les classements. Pace, Oliver, Hailwood, Hill, Lauda, Stewart, Peterson, Ganley ou encore Reutemann, tous renonceront suite à des problèmes de fiabilité touchant principalement les freins et les transmissions. Il faut dire qu’avec ces premiers virages très serrés et ses longues accélérations, le tout sur une multitude de bosses, ce tracé n’est pas vraiment un cadeau. Si Cevert, Hulme ou Ickx achèvent tant bien que mal cette épreuve, leurs monoplaces ont elles-aussi beaucoup souffert tout au long de ces soixante-quinze tours. Le vainqueur Fittipaldi, n’aura pas été exempt de soucis avec une crevaison lente perturbant radicalement le comportement de sa Lotus noire et or. Le pilote français Cevert, bien qu’étant crevé en début de grand-prix, accroche la deuxième place après une remontée fantastique depuis le fond de peloton. Follmer sécurise la troisième marche du podium, un petit exploit pour le pilote américain, menant son écurie dans le top 3 pour leur deuxième course uniquement ! Si l’édition 1973 n’a pas réellement marqué les esprits, celle de 1975 changera à jamais l’histoire de la discipline. En arrivant sur place, les pilotes et les écuries remarquent un énorme manque dans la sécurité du circuit. En effet, les barrières sont très mal installées et certaines ne sont même pas scellées. Le vendredi, jour des essais, seules quelques voitures s’élancent sur la piste. La GPDA mène une fronde qui pourrait faire vaciller la tenue du grand-prix d’Espagne. Ainsi, durant la nuit, de longs travaux sont entrepris pour consolider les rails mais là encore, le résultat ne satisfait pas. Face à la pression exercée par les organisateurs, les pilotes se retrouvent contraints de rouler sur un circuit jugé bien trop dangereux par certains. Les tragiques évènements des années passées à Watkins Glen n’auront donc pas servi d’enseignements… Sur un tour, les nouvelles Ferrari 312 T se montrent extrêmement véloces et dominent la séance de qualifications, Lauda devant Regazzoni. Le dimanche, l’ambiance n’est toujours pas au beau fixe et Fittipaldi, dernier vainqueur en date à Montjuïc, refuse même de prendre part à la course, jugeant les conditions de sécurité réellement insuffisantes. Dès le départ, c’est le carnage. Brambilla tente de s’imposer dans la première épingle mais manque son virage, harponne Andretti qui lui-même percute la machine de Lauda L’autrichien s’écrase à son tour dans la voiture de son équipier, qui pourra heureusement repartir après réparations. Quelques tours plus tard, Scheckter explose son moteur et arrose copieusement la piste d’huile, ce que ne peut éviter Donohue qui le suivait. L’américain perd le contrôle de sa Penske et tape la Hesketh de Jones. Quelques secondes plus tard, le leader Hunt frappe les rails au même endroit, toujours à cause de la Tyrrell de Scheckter. Andretti, Pryce ou encore Peterson seront autant d’hommes à devoir renoncer dans la foulée, souvent sur accident, mais le pire est encore à venir. Au vingt-sixième tour, l’aileron arrière de Stommelen, alors en tête, se détache de sa Hill. Sans appuis, sa monoplace se transforme en véritable avion au passage d’une bosse. Le pilote ne peut rien faire lorsque sa machine décolle, tape les barrières, avant de se désintégrer derrière, percutant plusieurs spectateurs au passage. Pace, qui le suivait, sort également de la piste après avoir reçu une quantité importante de débris sur le museau de sa Brabham. La piste est obstruée par toutes sortes de morceaux de voitures mais plus grave encore, plusieurs victimes sont à déplorer parmi les spectateurs. Quatre perdent la vie sur place, un cinquième à l’hôpital. Stommelen est vivant mais ses blessures physiques et morales sont bien présentes. La course sera suspendue très rapidement mais le temps que le drapeau rouge soit déployé, Mass en profite pour ravir in extremis la première place à Ickx, en perdition. L’allemand signe ici son unique succès en Formule 1, une victoire qu’il aurait sans doute ne jamais voulu remporter. A noter également la sixième place finale de Lella Lombardi, seule femme à terminer dans le top 6 d’un grand-prix, synonyme de point, enfin presque. Comme les 75% de la distance totale n’ont pas été parcouru, seule la moitié des unités est inscrite, soit un demi-point pour elle…

Même si l’accident n’est pas une cause directe du manque de sécurité du circuit, son avenir s’assombrit. Selon l’enquête, le bris d’aileron aurait été provoqué par l’appui un peu trop fort des mécaniciens au moment de sortir la monoplace sur la grille. Le tracé de Montjuïc est condamné. Plus jamais la Formule 1 ne roulera dessus et plus aucun circuit urbain de sera utilisé en Espagne jusqu’à cette nouvelle de Madrid. Son histoire n’aura pas vraiment marqué la discipline, si ce n’est cette funeste édition 1975. L’ironie du sort veut que le premier incident ait touché l’aileron de Hill, le dernier l’aileron d’une Hill…

Le circuit de Montjuïc Park en chiffres...

Années de présence en Formule 1 :

1969 ; 1971 ; 1973 ; 1975

Longueur :

3.791 km

Nombre de tours :

75

Meilleur temps en qualifications :

1'21"800 (Peterson - 1973)

Meilleur temps en course :

1'23"800 (Peterson - 1973)

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