Circuit de Jarama - Espagne
L’Espagne fait partie des nations ayant organisé plus de cinquante grands-prix. Flashback sur l’histoire du deuxième tracé le plus utilisé de l’autre côté des Pyrénées : Jarama.
Situé à quelques kilomètres de la capitale Madrid, le circuit de Jarama fut un incontournable des années 70. Succédant au Pedralbes des années 50, la piste madrilène fit sa première apparition dans le cadre du championnat du monde de Formule 1 en 1968. Un an auparavant, c’est par le biais d’une manche hors-championnat que les pilotes découvrent ce nouveau lieu dédié à la course. Le tracé est d’ailleurs très étonnant. Contrairement aux standards de l’époque, prônant souvent les circuits urbains ou très rapides, celui de Jarama représente tout l’inverse. A l’exception de la ligne droite des stands, le reste du dessin n’est qu’un enchaînement de virages lents et de courbes, rendant les possibilités de dépassements compliquées. Il n’empêche que le pilotage reste difficile et que le fait de beaucoup tourner pousse les hommes dans leurs derniers retranchements, un peu comme sur le Nürburgring, mais en version miniature. Les infrastructures sont très modernes, ce qui en fait une destination de choix pour les organisateurs espagnol. Pourtant, dans le même temps, Barcelone cherche à relancer l’épreuve de Montjuïc Park, ce qu’elle parviendra à faire en alternance avec Jarama jusqu’en 1975 et le terrible accident de Stommelen qui fit pas moins de cinq victimes. Ce genre d’évènement n’a, à l’inverse, que peu de chance de se produire du côté de Madrid du fait de grandes mesures de sécurité mises en place comme des grillages et des bacs à sable pour ralentir les voitures. Après une première édition non-officielle remportée par Clark devant Hill et Brabham fin 1967, le circuit connaît son premier vrai grand-prix en Mai 1968. Ce week-end est marqué par la première pole position du malchanceux de la Formule 1, Chris Amon qui, bien que menant plus de la moitié de la course, finira par abandonner sur problème de pompe à essence alors que la victoire lui tendait les bras. De ce fait, c’est Graham Hill qui récupère les lauriers sur sa Lotus 49 rouge et blanche, soit le premier succès d’une voiture sponsorisée. Deux ans plus tard, alors que les ailerons sont apparus en nombre sur les machines, l’écurie de Chapman présente sa nouvelle création : la Lotus 72. Ce n’est pourtant pas elle qui prendra la pole position puisque c’est l’increvable Brabham qui s’en charge. Mais dès le départ, c’est Stewart qui se fait la belle, évitant alors le terrible carnage se jouant derrière lui. Dans la descente menant à l’avant-dernière épingle, Oliver perd le contrôle de sa BRM qui vient s’écraser dans la Ferrari 312 T de Ickx. Sous la violence du choc, les réservoirs d’essence explosent et en quelques millisecondes, l’incendie éclate. Si l’anglais s’en sort immédiatement et sans blessures, le belge est toujours prisonnier des flammes. Pire encore, les commissaires les plus proches n’ont aucun extincteur à portée de main. Finalement, Ickx parvient à s'extraire non sans voir sa combinaison s’enflammer alors que des pompiers arrivent sur place. La course n’est pas arrêtée pour autant, même si les monoplaces abandonnées continuent perpétuellement de brûler. Durant toute la durée du grand-prix, les soldats du feu arroseront les épaves, créant une réelle rivière à la sortie de l’épingle, piégeant les pilotes lors de la réaccélération, notamment Brabham, pris deux fois au piège. Stewart finira par remporter ce meeting, une première pour March pour ce qui est uniquement leur second départ dans la discipline. McLaren et Andretti complètent le podium, le dernier pour le néo-zélandais, le premier pour l’américain. Deux ans plus tard,c ‘est le rescapé du brasier qui s’offre le meilleur temps d’un week-end de course marqué par la présence de Wilson Fittipaldi, le frère d’Emerson, composant alors la première fratrie à disputer ensemble un grand-prix de Formule 1. C’est finalement le second qui s’imposera au terme des quatre-vingt-dix tours devant Ickx et Regazzoni, une victoire qui aurait pu lui échapper si l’épreuve avait durée quelques kilomètres de plus en raison d’une importante fuite d’essence vidant quasiment entièrement son réservoir sous le drapeau à damier. En 1974, c’est un autre champion qui vient à remporter son premier succès en Formule 1, un certain Niki Lauda, déjouant mieux les conditions piégeuses que ses concurrents, à commencer par Merzario et son Iso, passant par-dessus les barrières après une sortie de piste, heureusement sans faire de blessés. Cette victoire est d’autant à mettre à l’actif des mécaniciens, changeant les pneumatiques de la 312 B3-74 bien plus vite que ceux de la concurrence, une affaire de dixièmes aujourd’hui…
1968
1970
1976
1968
Après le drame de Montjuïc, il est donc décidé de s’installer durablement à Jarama. L’édition 1976 reste célèbre par la disqualification du vainqueur Hunt après que les commissaires aient remarqué que la largeur de la McLaren M23 était supérieure à la réglementation. Si l’anglais perd sa victoire acquise avec brio, il la récupérera quelques semaines plus tard, un renversement de situation décisif dans les comptes finaux. C’est également lors de cette épreuve qu’une curieuse machine s’engage officiellement en Formule 1 : la fameuse Tyrrell P34. Seul Depailler l’utilise en Espagne, Scheckter n’étant pas très fan du “tas de féraille” qui il la surnomme. C’est également là que les monoplaces abandonnent pour la première fois leurs immenses cheminées, faisant alors apparaître de nouveaux modèles comme la splendide Ferrari 312 T2. Gunnar Nilsson signe ici son premier podium en carrière, une petite surprise tant la Lotus 77 est peu performante. En 1977, comme en 1978, c’est Andretti qui s’impose et dans la facilité. Personne ne peut contester les Lotus 78 et 79 et leur effet de sol si précieux sur un tel circuit. Pourtant, Laffite aurait bien pu s’illustrer lui aussi si un problème de jante en 1977 ne l’avait pas obligé à s’arrêter aux stands rapidement. Idem en 1978 où une sérieuse lutte pour la seconde place face à Peterson et Lauda laisse filer le champion américain. Car si les batailles sont serrées, c’est avant tout par manque de zones de dépassement. Lors de cette épreuve, Reutemann fut victime d’une très grosse sortie de piste lorsque sa Ferrari tira tout droit dans les grillages. Si l’italienne est détruite, l’argentin peut s’estimer chanceux : les grillages avaient transpercé sa coque. En 1979, c’est un français qui l’emporte, Depailler en l'occurrence, sur sa Ligier. Auteur d’un très bon départ, il se faufile d’emblée devant son équipier avant de mener une course solitaire qui le mène vers son deuxième et dernier succès dans la discipline, son ultime podium également. Les bleus auraient dû signer le doublé si Laffite n’avait pas commis un bête surrégime en tentant de forcer le passage sur son équipier. Ce grand-prix fut l’occasion, comme souvent d’ailleurs, de présenter les nouveaux modèles de certaines écuries, dont Williams, désormais team à part entière, et sa fabuleuse FW07 qui deviendra l’une des machines de guerre du début des années 80. Le circuit de Jarama semble avoir un bel avenir devant lui mais en 1980, la politique chamboule tout. A l’aube de cette nouvelle décennie, la Formule 1 entame un mouvement de rupture. La raison de cette montée de colère est simple : la suppression de l’effet de sol prononcé par Balestre. La FOCA, présidée par Ecclestone, ne l’entend pas de cette oreille et après avoir boycotté les briefings à Zolder, l’association menace de ne pas prendre part à la course espagnole si les amendes pour non-respect du protocole n’étaient pas levées. De l’autre côté, la FISA, appuyée par Ferrari, Renault et Alfa Romeo, refuse de disputer le grand-prix si les organisateurs se penchent du côté de la FOCA. Les discussions et les tensions durent jusqu’au samedi après-midi, heure à laquelle la grille de départ est déjà déterminée. Finalement, Balestre se replie, emmenant avec lui les trois écuries légalistes. Sans l'approbation de la FISA, l’épreuve madrilène ne peut se tenir dans le cadre du championnat du monde de Formule 1. Un échec pour Ecclestone. La course a pourtant bien lieu et c’est Jones qui s’impose au bout du compte après l’hécatombe finale. L’australien aura surtout bien profité de la chance et des abandons de ses adversaires directs pour s’offrir un succès finalement inutile. Grosse frayeur tout de même pour Reutemann et Laffite, accidentés alors qu’ils menaient le grand-prix. En 1981, l’histoire est toute autre. Si la menace d’un meeting non-officiel semble s’écarter, l’avenir du circuit de Jarama au calendrier s’inscrit en pointillé. La course n’attire que peu de public du fait d’un prix des places exorbitant, n'incitant pas les espagnols à faire le déplacement. Les Williams et les Ligier se montrent en favorites mais après un superbe envol, et profitant de l’erreur de Jones, en tête-à-queue, c’est Villeneuve qui hérite de la tête. Sa 126 CK est loin d’être la meilleure monoplace du plateau pour ce genre de tracé mais l’italienne à un atout de taille : son turbo. Larguée en virage, elle excelle dans la seule ligne droite du circuit, évitant toute prise d’aspiration avant d’entamer la partie sinueuse. Derrière le canadien, Laffite, Watson, Reutemann et De Angelis bataillent pour prendre l’avantage mais devant, rien ne perturbe le fougueux pilote qui réalise ici l’une de ses plus belles performances en Formule 1. Il s’imposera avec moins de deux secondes d’avance sur le cinquième, une arrivée très serrée, du jamais-vu depuis plus de dix ans. Ce sera, hélas, la dernière victoire du canadien, la dernière de Jarama aussi.
1977
1978
1981
1977
En plus de la situation budgétaire critique de la Royal Automobile Club d'Espagne, le grand-prix “hors-championnat” de 1980 est la cause principale de l’abandon de la piste madrilène. Les organisateurs n’ont alors jamais digéré un tel coup de la FISA et de la FOCA, plombant littéralement leur finance et leur intérêt. Si le circuit en lui-même était bien aimé des pilotes, les grosses vitesses des voitures turbos conjuguées à l’étroitesse de la piste n'auraient, sans doute, pas fait bon ménage. L’Espagne perd donc, en 1981, sa seule opportunité de figurer au calendrier, une place retrouvée cinq ans plus tard, mais à Jerez…
Le circuit de Jarama en chiffres...
Années de présence en Formule 1 :
1968 ; 1970 ; 1972 ; 1974 ; 1976-1979 ; 1981
Longueur :
3,312 km
Nombre de tours :
80
Meilleur temps en qualifications :
1'13''754 (Laffite - 1981)
Meilleur temps en course :
1'16''440 (Villeneuve - 1979)