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Circuit d'Anderstorp - Suède

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La Scandinavie, terre de naissance pour bon nombre d’excellents pilotes et pourtant, il n’y existe qu’un seul circuit sur lequel la Formule 1 a roulé, le tracé d’Anderstorp, en Suède.

Construite dans la ville du même nom, la ville suédoise vit le jour en 1968. Perdu au beau milieu du pays, à plus de quatre cents kilomètres de la capitale Stockholm, le circuit, aussi appelé circuit de Scandinavie du fait de la pauvreté des tracés dans le coin, apparaît pour la première fois au calendrier en 1973. Le dessin est loin d’être incroyable et est loin d’être le plus technique. Avec sa grande ligne droite servant de piste d'atterrissage et ses virages parfaitement recourbés, le tracé suédois est loin de faire l’unanimité auprès des pilotes. Il dispose pourtant de particularités bien spéciales, pimentant les différentes épreuves s’y étant tenues. La première, c’est sa voie des stands, installée après le quatrième virage, soit près deux kilomètres après la ligne de départ-arrivée, de quoi s’arracher les cheveux pour déterminer une stratégie si les courses s’étaient tenues de nos jours. Outre ce drôle de fait, le tracé suédois se démarque également par son adhérence extrêmement précaire. Trouver le grip relève de l’exploit tant les monoplaces ont tendance à survirer. Un problème que certaines écuries auront bien su retourner à leur avantage. Revenons en 1973. Alors que la bataille Lotus-Tyrrell fait actuellement rage, la Suède décide d’accueillir son propre grand-prix de Formule 1. La raison ? La montée en puissance de Ronnie Peterson, véritable idole des suédois, plus populaire que jamais. L’enfant du pays, qui n’a toujours pas remporté de course, s’inscrit comme un outsider de marque pour arbitrer le duel Stewart-Fittipaldi. Fort du soutien de tout un peuple venu en nombre pour l’encourager, le pilote Lotus réalise une sensationnelle pole position devant les siens, battant de peu le français Cevert. Le dimanche, la lutte pour la tête est calme et peu d’actions perturbent le déroulement de l’épreuve mais dans ses derniers instants, le grand-prix s’agite. Après l’explosion du moteur de Beltoise, le quatuor de tête, composé des Lotus et des Tyrrell, se retrouvent menacé par la McLaren de Hulme, revigorée à quelques tours du but. Après avoir chipé la quatrième place à Cevert, le néo-zélandais se débarrasse facilement de Fittipaldi, touché à la boîte de vitesses, puis de Stewart, bloqué par un disque de frein surchauffé. Peterson tient le coup mais l’usure trop importante de ses gommes entraîne un début de crevaison. Sautant sur l’occasion, Hulme porte une attaque décisive dans l’avant-dernière boucle pour défaire le suédois d’une victoire promise. En 1974, année de renaissance pour Tyrrell depuis la retraite de Stewart et la mort de Cevert, les bêtes bleues sont réglées comme une horloge. Personne ne comprend ce regain de performance des machines anglaises, tout simplement imbattables ici-même. De ce fait, c’est Depailler qui réalise la pole, la première de sa carrière, devant son équipier Scheckter. Au départ, c’est bien ce dernier qui prend le meilleur envol, subtilisant la première place du français, pour ne plus jamais la quitter. Cette course aurait pu marquer le nouvel exploit de Peterson mais une transmission cassée dès le début le priva d’une belle récompense. Devant, les deux Tyrrell sont roues dans roues mais le classement n’évolue pas. A l’inverse, la troisième place est très convoitée et au final, c’est l’étonnant James Hunt et sa modeste Hesketh qui subtilisent la dernière marche à Fittipaldi et Jarier. L’année suivante, la piste est toujours aussi glissante et quoi de mieux qu’un outsider pour venir perturber les plans de Ferrari et Brabham, alors les plus rapides jusqu’ici. Et à ce petit jeu, c’est Brambilla qui réalise le meilleur temps sur sa March orange, cinq ans depuis la dernière du team de Max Mosley. L’italien tient son rang une quinzaine de tours avant qu’une crevaison ne vienne achever son merveilleux week-end. pour Depailler, second sur la grille, l’histoire est identique. Bien parti, le français doit lui aussi s’arrêter pour réparer une fuite de liquide de frein. Il n’en fallait pas plus pour les pilotes Brabham, très en avance sur les Ferrari derrière. Mais plus le temps passe, et plus les BT44B subissent l’usure de leurs gommes. A l’inverse, les 312 T tiennent le rythme et remontent aux avant-postes. En luttant face à Lauda pour le second rang, Pace commit l’irréparable en se sortant de la piste, s’enlisant dans les bas-côtés. En fin d’épreuve, les pneumatiques de Reutemann sont à l’agonie et les tentatives de défense sur Lauda sont vaines. Le dépassement se fait facilement pour l’autrichien, auteur d’un troisième succès consécutif. A la porte du podium, plusieurs petits teams, tels que Parnelli, Penske ou Hill, se battent pour les derniers points en jeu. Pas de McLaren, ni de Lotus, et encore moins de Tyrrell à l’horizon, un sacré changement par rapport aux années précédentes. Et pourtant, le retour aux affaires ne saurait tarder…

Car le grand-prix de Suède de 1976 restera à jamais dans les annales de la Formule 1 et ce grâce à une voiture : l'intrigante Tyrrell P34 à six roues. Cette édition est pourtant entachée par le clash avec les 24 Heures du Mans, d’où l’absence de certains pilotes et habitués des circuits. Lors des trois premiers meetings, la piste d’Anderstorp n’aura cessé de donner du fil à retordre aux écuries. Le sur-virage excessif causé par les longues courbes use prématurément les pneumatiques mais s’arrêter aux stands coûte bien plus cher que de piloter avec des gommes à l’agonie. Mais avec six roues, l’histoire est toute autre. L’appui généré par la voiture, comblé à la surface de contact des roues au sol augmente l’adhérence, permettant un passage en courbe nettement plus rapide. S’il est un circuit que Tyrrell attendait particulièrement pour sa dernière création, c’était bien celui-ci. Comme attendu, les P34 se montrent immédiatement les plus rapides et Jody Scheckter réalise la pole position, la seule et unique pour une monoplace à plus de quatre roues. Depailler est plus en retrait, s’affichant seulement quatrième, à sept dixièmes de l’autre machine bleue et jaune. Intercalés entre les deux se trouvent Andretti et, plus étonnant, Amon sur son Ensign. A l’abaissement du drapeau, l’américain vole le départ et se place en tête mais rapidement, la pénalité tombe. Derrière la Lotus, les P34 continuent de bien figurer même si Depailler effectue un tête-à-queue, sans gravité. Tout semble calme mais peu après la mi-course, le moteur d’Andretti explose, laissant libre champ aux Tyrrell, loin devant le reste du peloton. Ce jour historique marqua le retour aux affaires de l’écurie de l’Oncle Ken, bien décidé à faire de sa P34 l’arme absolue pour 1976 et 1977. Mais en 1977, le développement ralentit et prend la mauvaise direction. Seules les Lotus, Brabham et McLaren semblent pouvoir se battre pour la gagne, les 312 T2 et autres P34 semblant être largement distancées. Les suédois, toujours présents en nombre, ont désormais deux fois plus de chances de voir l’un de leur pilote s’imposer avec la venue de Nilsson chez Lotus. Comme souvent, le grand-prix se transforme en course d’attente mais dès qu’un événement touche les leaders, tout est relancé. Derrière Andretti, alors solide leader, Watson et Scheckter s'accrochent, leur faisant perdre tout le bénéfice de leur bonne performance. Le classement reste figé un instant mais peu à peu, la Ligier de Laffite refait surface, dépassant tour à tour Depailler, Mass et Hunt pour revenir au second rang. Dès lors, le résultat semble acté mais à quelques kilomètres du but, la Lotus de l’américain signale une consommation d’essence excessive. Avec trois tours de carburant manquant, le futur champion 1978 n’a d’autre choix que de ravitailler en hâte pour franchir l’arrivée. C’est donc Jacques Laffite qui s’impose pour la première fois de sa carrière, la première également pour le clan Ligier et le motoriste Matra. Les éditions se suivent et ne se ressemblent pas, si bien qu’en 1978, le grand-prix de Suède tourna en une guerre politique et sportive. La raison ? L’entrée en piste de la fameuse Brabham BT46B, aussi appelée la “Brabham aspirateur”. Équipée d’un énorme ventilateur à l’arrière, la machine rouge impressionne par sa tenue de route sans faille et son affaissement en pleine charge. Beaucoup crient au scandale et à l’illégalité de cette machine créée par Gordon Murray. L’écurie anglaise sait pertinemment que sa création est la plus rapide mais pour ne pas créer encore plus de polémique, Bernie Ecclestone, alors patron de Brabham, ordonne à ses pilotes, Lauda et Watson en l'occurrence, de manquer volontairement la pole position. C’est donc Andretti, sur sa Lotus 79 à effet de sol, qui accroche le meilleur chrono, devant les deux étonnantes machines. Comme souvent, tout est assez calme mais tout s’enflamma à partir du vingtième tour. En tentant un dépassement sur Patrese, Watson sortit de la trajectoire, roulant sur la poussière et les débris. Le tête-à-queue est inévitable mais pire encore, beaucoup de saletés sont venues s'immiscer dans le ventilateur, abîmant grandement les performances du moteur. La première Brabham est KO. Celle de l’autrichien, par contre, tient toujours le rythme de la Lotus et lorsque celle-ci quitta la ligne idéale en glissant sur une flaque d’huile, Lauda en profita immédiatement. Son avance augmenta à une vitesse folle tour après tour, jusqu’à ce que le moteur d’Andretti ne casse, propulsant le pilote Brabham avec une avance de plus d’une minute sur son plus proche poursuivant Patrese. Si le double champion 1975 et 1977 s’impose, la lutte pour la deuxième place entre l’italien et Peterson est féroce, peut-être un peu trop selon le suédois, s’inclinant pour neuf petits centièmes face au pilote Arrows dont c’est le premier podium, tout comme pour son écurie. Pour la BT46B, le succès a été facile mais rapidement, des voix s’élèvent pour demander son interdiction, chose faite dans la soirée. C’était pourtant le premier succès du moteur Alfa Romeo depuis 1951, une éternité pour le motoriste italien. Le circuit suédois ne fait toujours pas l’unanimité auprès des pilotes mais les courses mouvementées rendent l'événement immanquable et pourtant, le circuit d’Anderstorp ne reviendra plus jamais au calendrier.

Fin 1978, Ronnie Peterson se tue lors du grand-prix d’Italie à Monza et Gunnar Nilsson décède d’un cancer foudroyant. La Suède n’a plus de pilote à soutenir et sans cela, l’organisation d’une course n’a plus d’intérêt. La manche scandinave était l’une des rares à se tenir pour les fans et non pas exclusivement pour l’argent. Même si le tracé était loin d’être le plus intéressant, les courses y étaient souvent excitantes, de par leur longueur, leur difficulté et leurs évènements. En six meetings, seuls Scheckter et Tyrrell auront réussi à s’imposer à deux reprises. L’histoire retiendra surtout les années 1976 et 1978, théâtre de deux éditions marquées par la victoire de voitures improbables, synonyme de l’excentricité des concepteurs de l’époque, un temps largement révolu aujourd’hui...

Le circuit d'Anderstorp en chiffres...

Années de présence en Formule 1 :

1973 - 1978

Longueur :

4,018 km

Nombre de tours :

72

Meilleur temps en qualifications :

1'22"058 (Andretti - 1978)

Meilleur temps en course :

1'24"836 (Lauda - 1978)

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