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Brabham BT46B

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C’est la seule monoplace victorieuse ayant participé à une et unique course dans le cadre du championnat du monde de Formule. Tant décriée à ses débuts, il est souvent répété qu’elle fut bannie. La réalité est tout autre.

Dans la deuxième moitié des années 70, la Formule 1 se tourne vers une nouvelle ère : les voitures à effet de sol. Premièrement conçues chez Lotus, les 78 et 79 démontrèrent l’incroyable appui aérodynamique généré par ce système. En 1978, l’écurie Brabham, dirigée par un certain Ecclestone, à la tête de la FOCA depuis 1974, pense avoir créé la voiture qui sera championne du monde, battant les Ferrari, McLaren et autre Lotus. Avec Lauda et Watson au volant, le team anglais fait peur à la concurrence. La nouvelle monoplace est dénommée BT46A. Elle dispose d’un douze cylindres Alfa Romeo à plat de 3L, développant pas moins de 520cv à 12 000 trs/min. Toujours dans sa robe rouge, elle fut tout d’abord prédestinée à accueillir un échangeur thermique dans le but de supprimer les radiateurs d’eau et d’huile. Les premiers tests furent un réel échec et c’est donc avec un radiateur directement implanté dans le museau que la BT46A débuta sa carrière. Mais avant de rentrer officiellement en compétition, l’écurie Brabham emploie pour la dernière fois sa BT45, avec une nouvelle déclinaison, la BT45C. Si Lauda décroche deux podiums lors des deux courses de la voiture, force est de constater que les Lotus 78 sont particulièrement rapide. La raison ? L’ingénieuse trouvaille de Chapman et son équipe : l’effet de sol. Le principe est simple : pour qu’un avion vole, ce dernier a besoin de portance et c’est le profil de ses ailes qui crée cette dernière avec d’un côté une forme bombée, de l’autre, une forme plus plate. Donc si ce système permet de voler, l’inverse est donc censé appuyer au sol. En creusant les pontons de la sorte, la voiture est collée à l’asphalte et peut donc prendre les virages bien plus rapidement. Lorsque cette nouveauté fut connue du grand public en 1978, toutes les écuries cherchaient à s’y mettre mais toutes les monoplaces étaient déjà prêtent à prendre la piste. Cette année sert donc de mise au point pour les voitures futures de chaque écurie. Chez Brabham, l’intérêt de cette solution est grand mais il subsiste un problème de taille pour l’ajouter à la BT46A : son moteur. En effet, le douze cylindres à plat Alfa Romeo est trop imposant pour creuser les pontons. Le réservoir d’essence prend également une place importante sur la voiture. La seule solution est donc de concevoir une voiture entièrement nouvelle mais le temps est compté. L’écurie anglaise ne peut se permettre d’attendre et, dans le plus grand secret, commence à développer une monoplace révolutionnaire basée sur la BT46A, la BT46B.

La BT46A débute en Afrique du Sud à Kyalami. Auteur de la pole position, Lauda est trahi par son moteur italien dans la deuxième moitié d'épreuve, pourtant en lice pour la victoire finale. Parti plus loin, Watson profite des abandons pour remonter en troisième place. Si la Brabham se place en grande favorite avec la Lotus, la fiabilité n’est pas forcément son fort. Après le double abandon à Long Beach, les monoplaces rouges se montrent plus à leur aise en principauté monégasque. Mais pour la course suivante en Belgique, toutes les cartes sont rabattues : Lotus sort enfin sa 79 avec l’effet de sol amélioré. Si seul Andretti en profite pour sa première sortie, les résultats ne se font pas attendre. L’anglaise noire et or est invincible et avant même le premier tiers de saison, beaucoup ne parie plus que sur l’écurie de Chapman. Personne n’a le temps de réagir et en Espagne, la Lotus fait encore un malheur. A partir de ce moment-là, Brabham cherche à contrer ses compatriotes. Leur nouvelle voiture est quasiment prête à entrer en scène.

Ce projet, c’est Gordon Murray qui le portera. Le brillant ingénieur savait que la voiture ne pouvait être que peu modifiée. L’idée était donc d’extraire l’air présent sous la voiture pour la maintenir collée au sol. Mais comment créer un aspirateur géant ? Des tests secrets sont alors menés sur le tracé de Brands Hatch. Et c’est pour le grand-prix de Suède que l’intrigante voiture effectue ses débuts en compétition. Rapidement, tous les regards se penchent sur cette étonnante invention. Derrière un couvercle de poubelle cachant la nouveauté, se trouve un énorme ventilateur placé sous l’aileron arrière. Cette sorte de turbine sert en fait à refroidir le moteur avant tout, mais pas seulement. Grâce à de petites jupes coulissantes placées sous la voiture, bloquant l’air sur les côtés, l’air encore présent sous la monoplace est éjecté au travers du ventilateur, provoquant le phénomène de succion. L’effet de sol dynamique de la Lotus est ici contré grâce à un effet de sol mécanique. Mais ce système n’a rien de vraiment novateur. Huit ans plus tôt, dans le championnat de Can-Am, la marque Chaparral produisit la 2J, une drôle de voiture avec deux ventilateurs à l’arrière. Le même système fut alors utilisé, produisant des performances jamais vues auparavant. Malheureusement, la barquette fut interdite un an plus tard en raison de ses moteurs externes actionnant les ventilateurs. Pour ce qui est de la BT46B, le ventilateur est directement couplé au moteur Alfa Romeo grâce à un arrangement de quatre embrayages, augmentant sa rotation lors de la montée dans les tours et donc l’effet de sol. Pour garantir une sécurité optimale, Murray fit installer un tube pitot sur sa voiture, comme sur les avions, de manière à mesurer la pression d’air sous la voiture et ainsi prémunir d’une éventuelle fuite d’air, pouvant provoquer de très violents accidents. Mais quelques inquiétudes demeurent : différents matériaux furent utilisés pour le ventilateur mais très souvent, ce dernier cassait. Peu avant le week-end suédois, l’équipe concocta trois ventilateurs en magnésium, sans connaître réellement la durée de la pièce dans le temps. L’autre souci majeur concernait le comportement de la voiture. Sur le circuit de Brands Hatch, Lauda se plaignait sans cesse d’un sous-virage infernal, rendant la conduite à l’accélération comme sur des rails. L’heure du grand-prix arriva mais rapidement, les doutes s’effacent. Après les premiers essais, la monoplace impressionne toute la concurrence mais déjà, quelques voix s’élèvent, à commencer par les pilotes, se plaignant de recevoir gravillons ou autres débris rejetés par le ventilateur. De plus, les directeurs d’écuries commencent déjà à se questionner sur la légalité de la BT46B. Avec l’excuse du refroidissement amélioré, les “fan car” comme elles seront appelées, sont autorisées à participer à la course. Ce qui étonne la majorité des personnes sur place, c’est l'affaissement de la monoplace à chaque montée de régime, synonyme d’un effet de succion accru. Pour les qualifications, Ecclestone demande à ses pilotes de ne pas décrocher la pole position, demande purement politique pour ne pas inquiéter encore plus la concurrence. C’est donc avec le plein complet que les deux BT46B s’élancent. Si elles ne décrochent pas la pole en raison de leur poids superflu, elles parviennent à accrocher la deuxième et troisième place sur la grille de départ. Au sein de l’équipe, la fierté est de mise. Le message pour la course est sensiblement le même : ne pas trop en montrer au début et accélérer au fur et à mesure de l’épreuve. Dès le départ, Watson perd le bénéfice de sa seconde place et descend dans le classement. Lauda s’élance mieux et part en lutte avec Andretti sur sa Lotus pour la tête de l’épreuve. Les tours passent et devant, le classement reste inchangé. Dans le peloton, Watson tente de se frayer un chemin entre les concurrents. Après plusieurs tours derrières Patrese, l’anglais le déborde par l’extérieur au bout de la ligne droite. Si sa BT46B lui permet de prendre une telle trajectoire, la saleté de la piste l’envoi en tête-à-queue au milieu du peloton. Les autres monoplaces parviennent à éviter la Brabham qui repart au ralenti. Watson regagne les stands et est malencontreusement obligé de mettre pied à terre. Dans sa pirouette, l’anglais a amassé bon nombre de détritus et autres cailloux par le fameux ventilateur, détruisant le moteur Alfa Romeo. Tous les espoirs reposent alors sur le double champion du monde autrichien. Au trente-neuvième tour, Andretti et Lauda, toujours roue dans roue, passent sur une flaque d’huile laissée par la Renault de Jabouille. La Lotus quitte momentanément la trajectoire, pas la BT46B. L’autrichien s’empare de la tête et prend instantanément de l’avance. Quelques boucles plus tard, le moteur d’Andretti explose. Seule la Brabham court en tête sans jamais être inquiétée. En s'approchant de la fin, le champion 1975 et 1977 ralentit le rythme pour préserver la mécanique et passe le premier sous le drapeau à damier. La BT46B remporte le premier grand-prix auquel elle aura participé. Celui-ci restera le seul.

Les polémiques ne tardèrent pas à éclater et bon nombre de chefs d’écurie demandèrent la disqualification de la voiture pour usage d’un appendice mobile, ici le ventilateur. Mais ce n’est pas la mécanique qui tua cette voiture, c’est la politique. Soutenu par plusieurs patrons d’équipe au sein de la FOCA, Ecclestone reçoit, le soir-même, quelques menaces arguant que si la BT46B était encore engagée, les soutiens seraient moindre. De ce fait, l’anglais annonça un accord visant à ne faire courir la fan car que pour trois courses supplémentaires avant que l’équipe ne la retire volontairement. Mais quelques jours plus tard, la Commission Sportive Internationale décida de modifier le règlement et d’interdire les ventilateurs, condamnant définitivement la BT46B. Pourtant, après la course, la voiture fut directement saisie par le CSI et testée sur un banc d’essai chez Brabham. Les résultats montrèrent que 55% de l’air servait à refroidir le moteur, appuyant les propos de Murray. Ce dernier fut particulièrement déçu de l’issue de ce formidable projet, admettant que la BT46B était “honteusement rapide” selon ses dires.

Pour la suite de la saison, l’équipe réengagea la BT46A, obtenant quelques podiums et notamment un doublé à Monza, course marquée par le tragique carambolage coûtant la vie à Peterson, bien aidé par les faux-départs d’Andretti et de Villeneuve. Une BT46C fut également développée et testée lors des essais du grand-prix d’Autriche mais le manque de vitesse de pointe et de montée en régime condamnèrent cette voiture avant son premier départ.

La BT46B devint alors pièce de musée, ne ressortant que quelques fois pour des épreuves caritatives ou évènementielles. Quoi qu’il en soit, c’est la seule voiture qui aura remporté une course pour sa seule et unique participation en championnat du monde de Formule 1.

La Brabham BT46B en chiffres...

Grands-prix :

1

Victoires :

1

Podiums :

1

Poles Position :

0

Meilleurs Tours :

1

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