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Alfa Romeo 158

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La domination d’une voiture n’est pas chose rare en Formule 1 mais à l’instar des Ferrari, McLaren, Williams ou Mercedes, il est une monoplace qui aura tout raflé et ce dès 1950, la fabuleuse Alfa Romeo 158.

Mais avant de se plonger dans l'histoire de cette italienne en championnat du monde de Formule 1, remontons à sa conception, treize ans plus tôt. Avant que la Seconde Guerre Mondiale n’éclate, les courses automobiles connaissent un fort engouement auprès du public et les Alfa font souvent figures de favorites. Sous le régime nazi, l’Allemagne décide d’utiliser les sports mécaniques pour démontrer au monde sa puissance et sa supériorité dans tous les domaines avec ses Mercedes et Auto Union. Craignant d’être sèchement battus, les italiens décidèrent de créer un tout nouveau modèle pour courir en classe “Voiturette”, l'équivalent de la Formule 2 actuelle. Et c’est le département course de la firme milanaise qui se chargea de cette mission : la Scuderia Ferrari, un nom déjà connu et reconnu à l’époque. La petite nouvelle se prénomme 158 du fait de son moteur huit cylindres d’1,5 litres, porté à 180cv, accouplé à un puissant superchargeur, le tout en magnésium, une innovation en ces temps-là. De ce fait, le bloc moteur ne pesait que 165kg. Pour repartir le poids de la meilleure des manières, la boîte de vitesses se trouve à l'arrière, offrant une maniabilité exemplaire. Mais la vraie innovation de cette voiture, ce sont ses suspensions.

Quelques mois plus tard, l’Alfetta, nommée ainsi en raison de sa taille de guêpe, participe à sa première course, le 7 août 1938, à Livourne. Le résultat est sans appel. La concurrence ne peut qu’observer la facilité avec laquelle Villoresi et Biondetti réalisent le doublé. Avec une évolution moteur portant la puissance à presque 200cv, personne ne sait comment arrêter ces bolides rouges ornés du fameux trèfle. Mais en 1939, c’est la catastrophe. Au grand-prix de Tripoli, en Lybie, un nouvel arrivant fait son entrée en “Voiturette” : Mercedes. Les italiens, qui pensaient être à l’abri d’une défaite face aux allemandes de la catégorie supérieure, voient débarquer une rivale de poids avec la W165. Les deux flèches d’argent prirent rapidement le large, pourchassées par les 158 mais en tentant de tenir le rythme trop soutenu des allemandes, les italiennes mirent en lumière leur principal problème : la fiabilité. Ne pouvant rien faire lors de cette dernière épreuve, Alfa Romeo souhaite repartir de l’avant mais malheureusement, un nouveau conflit mondial mit fin aux espoirs italiens, du moins presque. Les courses sont bien entendu interrompues et il faudra attendre 1946 pour voir la compétition automobile reprendre. Durant ce temps, c’est dans une usine de fromage que les 158 restent entreposées en attendant des jours meilleurs.

La première course dans les rues de Paris ne sera pas une réussite mais très vite, les 158 reprennent les devants. En 1947, les règlements évoluent et l’Alfetta passe à la catégorie supérieure, appelée Formule n°1. Dorénavant, le huit cylindres dépasse les 300cv, une prouesse à l’époque. Dès lors, les machines rouges devinrent imbattables et les succès sur la scène internationale se succèdent. Les bolides, entreposés dans une usine de fromage durant la guerre, deviennent les voitures de prédilection pour s’imposer et ce ne sont pas leurs pilotes qui avancèrent le contraire. Mais en 1948, une terrible tragédie touche la firme milanaise. Durant les essais du grand-prix de Suisse, Varzi perd le contrôle de sa monoplace et percute un poteau avant de se retourner. L’accident lui est fatal. Quelques mois plus tard, c’est Wimille, un autre grand pilote Alfa Romeo qui se tue au volant d’une Simca-Gordini. Comme si cela ne suffisait pas, c’est le troisième pilote vedette, Trossi, qui décède à son tour, dévasté par le cancer. En moins d’un an, la firme milanaise aura perdu tous ses pilotes d’avenir. Avec une trésorerie elle aussi meurtrie, l’année 1949 sera désespérément vide.

Mais en 1950, le sport automobile entame une révolution. Désormais, sa catégorie majeure prend la dénomination de championnat du monde de Formule 1. L’aventure débutait enfin. Forte de son expérience en grand-prix, Alfa Romeo se plaça immédiatement en favoris avec sa très performante 158. Désormais, la puissance grimpe à 350cv pour à peine plus de 700 kg, un ratio incroyable à cette époque-ci. Pour mener à bien ses bolides, l’équipe dispose d’un trio à faire pâlir la concurrence, le trio des “F” : Farina, Fangio, Fagioli. Et c’est le 13 mai 1950 que la toute première course du championnat du monde de Formule se disputa, sur le tracé anglais de Silverstone. Et pour cette première manche, on y retrouve du beau monde sur la grille de départ, à l’exception d’une grande absente : la Scuderia Ferrari. Les primes n’étant pas assez élevées, l’écurie de Maranello n’aurait pas jugé utile le déplacement. Reste qu’à côté des 158, les Maserati, Talbot, ERA et Alta sont bien présentes. Pour augmenter ses déjà fortes chances de l’emporter, Alfa Romeo engage une quatrième voiture aux mains de Parnell. Il n’aura pas fallu attendre très longtemps pour voir la supériorité écrasante des quatre 158. Le quatuor monopolise les premières places de la grille, Farina décrochant la première pole position de l'histoire. La course, disputée le samedi, ne sera qu’une promenade de santé pour les voitures rouges ornées du trèfle à quatre feuilles, enfin presque. Si les quatre pilotes s’échangent leurs positions à tour de rôle en course, la 158 de Fangio renonça à huit tours du but sur bris d’une conduite d’huile. Au bout des soixante-dix tours, Farina l’emporte, accrochant par la même occasion le meilleur tour en course, synonyme de hat-trick, le premier, évidement, de l'histoire de la Formule 1. Derrière lui, Fagioli et Parnell complètent ce premier podium 100% Alfa Romeo, deux tours devant le reste du peloton. Pour la deuxième manche, c’est à Monaco que les pilotes se rendent pour une longue course de cent tours. Si Parnell n’est pas de la partie, les 158 sont à nouveau à la fête, malgré la contre-performance de Fagioli, seulement cinquième. Mais au premier tour, c’est le drame. Farina perd le contrôle de sa monture et tape le mur au Bureau de Tabac. Derrière lui, Fagioli ne peut l’éviter et les deux véhicules obstruent la piste, provoquant l’un des plus gros carambolages de la Formule 1 avec dix voitures éliminées. Si deux 158 sur trois sont hors-course, celle de Fangio tient très bien la distance et s’imposera au bout de la centaine de boucles, un tour devant la Ferrari d’Ascari, arrachant lui aussi un hat-trick.

Dans les années 50, la Formule 1 avait la particularité d’inclure à son championnat la mythique épreuve des 500 Miles d’Indianapolis, même si aucune équipe de Formule 1 n’y participe. La course à la victoire reprend donc en Suisse, sur le tracé de Bremgarten. Une fois n’est pas coutume, c’est aux avant-postes que s’élancent les Alfa Romeo et après les abandons successifs des Ferrari, l’ordre est donné de ralentir pour préserver la mécanique. Malheureusement, Fangio finira par renoncer sur ennui mécanique, laissant Farina en première place, s’envolant par la même occasion au championnat. Fagioli termine dans les roues de son compatriote, un tour devant Rosier et sa Talbot. Sur le très rapide mais dangereux circuit de Spa-Francorchamps, les 158 volent littéralement. Les 320km/h sont allègrement dépassés, tout comme la concurrence, reléguée à plus de dix secondes de la pole de Farina ! Mais en course, un élément pourrait faire basculer la domination italienne : la consommation d’essence. L’Alfa est certes rapide et puissante, elle est aussi très très gourmande et face à elle, l’armada de Talbot disposant d’un plus gros réservoir pourrait faire barrage. C’est ce qui se passa en course, Sommer prenant la tête à la faveur des arrêts aux stands mais très vite, l’ordre se rétablit, à l’exception de Farina, touché au niveau de la boîte de vitesses à trois tours du but, ralliant l’arrivée en quatrième place, à très basse vitesse. L’avant-dernière manche de la saison se dispute sur le circuit de Reims et une fois n’est pas coutume, les qualifications sont survolées par les 158. Si la concurrence ne peut rien faire en terme de chrono ou de rythme, reste l’inconnue fiabilité, faisant défaut à chaque course depuis le début de saison. Une nouvelle fois, c’est Farina qui est touché de plein fouet, sa pompe à essence faisant des siennes. Il terminera classé septième mais hors des points. Devant, c’est Fangio qui soulève le trophée du vainqueur, juste devant Fagioli. C’est donc lors de l’ultime manche à Monza que le premier titre de champion du monde de Formule 1 sera décerné. A domicile, Alfa Romeo veut en mettre plein la vue au tifosi venu en nombre, et espère surtout battre, avec la manière, Ferrari et Maserati. Pour cela, ce ne sont pas moins de cinq 158 qui prennent part à la course, Sanesi et Taruffi étant à leur volant. Mais en qualifications, la sanction est proche. Si Fangio réalise le meilleur temps, il ne devance la Ferrari d’Ascari que d’un petit dixième. A noter que le moteur est une nouvelle fois évolué, sauvant très probablement cette pole position acquise de justesse devant l’adversaire. Dès le départ, Farina saute tout le monde et s’empare du commandement et après quelques tours, le premier abandon Alfa Romeo est prononcé. C’est celui de Sanesi dont le moteur rendit l’âme. Mais quelques boucles plus tard, c’est Ascari qui créé la surprise, récupérant la première place à son compatriote avant de redescendre au second rang, puis d’abandonner sur casse moteur. Quelques instants plus tard, coup de théâtre. Fangio est au ralenti, boîte de vitesses cassée. Mais comme le règlement l’autorise, l'argentin obtient une seconde chance en prenant le volant de la monture de Taruffi et repart à la chasse à la victoire. Malheureusement pour lui, celle-ci céda également après la mi-course, ruinant totalement ses espoirs de sacre. C’est donc en logique vainqueur que Farina croise la ligne d’arrivée, remportant par la même occasion le premier championnat du monde de Formule 1. Si Fagioli termine troisième, la seconde place du tandem Ascari-Serafini fut plus inquiétante que prévu.

Mais quoi qu’il en soit, Alfa Romeo peut s’avouer heureuse. Leur monoplace aura gagné toutes les épreuves auxquelles elle aura participé en Formule 1, prouesse égalée par une seule autre voiture, la fameuse Brabham BT46B. En réalisant toutes les poles position et toutes les victoires de 1950, si l’on écarte l’atypique course d’Indianapolis, l’Alfa Romeo 158 se sera révélée comme l’une des plus incroyables voitures de l’histoire. Le championnat du monde des constructeurs n’étant pas encore inventé, la firme milanaise ne goûtera jamais aux joies du titre de champion, et pour cause, jamais elle ne reviendra à ce niveau de performance, se retrouvant dépassée par les Ferrari dès 1951. Si la 159 de 1951 est une grosse évolution de la 158, elle n’atteindra jamais le niveau de sa prédécesseure.

L’Alfa Romeo 158 en chiffres...

Grands-prix :

6

Victoires :

6

Podiums :

12

Poles Position :

6

Meilleurs Tours :

6

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